Personne s'adresse à quelqu'un qui fut son roi (version finale)

par 411, vendredi 17 juillet 2015, 13:34 (il y a 3213 jours) @ dh

Bonjour à tous. La première version étant, je trouve, inachevée, j'ai cette fois-ci un peu plus bossé la fin. Et merci denis, j'espère que cette version ne te paraîtra pas moins bonne. Peace.


Mon roi,



je ne suis personne
je n'ai jamais voulu devenir quelqu'un d'autre que personne
et j'ai peur, voyez-vous
j'ai peur car cela fait des jours entiers que je crois être quelqu'un
et cela me tue me hante et me désole, à en vouloir crever deux fois
voyez-vous
dans l'octobre amusé d'un automne en errance
dans le sens du tanin, voyez, celui du nez
Entre les pierres bien épaisses d'une immense cité
je me cabre soudain animé d'un étonnant mélange
entre la bière dégueulasse et les coquettes sans extases
entre le dealer de croquettes
et la perle de mes nuits
entre la peur et l'eau sans puits
entre l'acteur et l'autre en lui
celui qui dit
et ne sait dire que des secrets


mon roi,
je te connais comme si je t'avais fait
tu ne sais faire que pour montrer
à tous, à ton peuple, à ton enfer
que tout se perd mais que rien ne se vaut
Et que dans chacun de nos pères
il y a un chien borgne qui se venge


mon roi,
écoutez-moi, écoute en moi la voix du rire qui aboie
je n'ai rien à cacher puisque je n'existe pas par choix
j'en ai bien à cracher, pourtant, des dures
des sombres et des carrées
des bien barrées des baveuses
des dalles et des pavés
et des saccagées et des saccageuses
et des grandes bigarrées, tu sais, celles avec les dents qui mentent jusqu'au sang
et encore des plus jaunes, des plus pauvres, des histoires d'assassins
des drames les plus ternes aux saluts les plus malsains
mais soudain mais soudain mais soudain mais soudain
soudain est venue la conscience éternelle
et je ne sais plus être fou, et je suis éternellement là
et je sais désormais
que l'autre est différent de moi


voilà ma honte, Pierre, mon roi, voilà mon effroi
j'ai peur de comprendre les gens, et d'être quelqu'un pour eux, un ego
- un écho peut-être
peur d'entendre les voix dans l'eau
de voir et de comprendre dans les choix des autres
une part de mon fard, de mon fardeau
j'ai peur de les aimer, et de penser à eux parfois
et surtout
j'ai peur qu'il ne soient plus à moi

car tout le monde est à personne
oui, j'étais bien plus nombreux lorsque je n'étais rien du tout
je n'aime pas être un seul homme, et j'ai toujours voulu devenir fou

et tout en moi réclame la tétée, le baiser de la soif
et si je vous déclame ceci, mon abîme, ma hauteur inespérée
c'est que je n'ai pour vous aucune chance d'être en lien de parenté
vous êtes l'être le plus étrange et l'être le plus lointain
et de vous je réclame le droit d'être exilé
je veux redevenir le drôle, celui que l'on empreinte pour ses idées
sans jamais le garder

mon roi
je ne ne veux rien d'autre que l'absence
totale, dans votre esprit
je vous quitte mon roi, daignes-tu me l'accorder

je ne hanterai pas ta vie, tu ne verras pas même mon reflet
je veux arrêter le jeu, arrêter l'enfance, la toute-puissance, arrêter
de prendre place dans l'inexact
laissez-moi disparaître
donne-moi le droit à la disgrâce
change-moi en monstre
fais courir sur moi les plus terribles rumeurs
puis mets ma tête à prix
car on te l'a peut-être appris

Personne ne survit s'il ne sait plus être absenté

et je suis devenu moi-même trop vite

trop puissamment Ici et là

et les os pèsent

et la peau me fait mal

et mon corps me gratte comme une gale

Je suis quelqu'un désormais
et désormais je veux partir, être oublié
être couronné roi moi aussi, roi de tout ce qui n'a aucun roi

seigneur de Tout le Reste

J'attends cet instant où l'on me bottera le cul, où l'on chassera la peste

me disant de ne jamais revenir

d'être, à l'avenir et pour toujours, la pensée de personne



mon roi

je fus ton ombre malhabile, même si tu ne l'as jamais su

tu as brillé par-dessus moi, le tanin issu

de ton être, un résidu de ton bon cru

et à présent c'est à

mon tour de ne plus

vouloir être ce qui reste, je veux être bu

d'un trait

que l'on

m'avale à pleines gorgées, pour la jouissance et pour l'essence

puis que l'on me dise adieu, comme à un rêve pourrissant

que l'on me jette enfin d'un coup, par inquiétude et par dégoût

et que le fou soit honoré

ainsi qu'une eau de vie sonore

d'être pissé au jour naissant

avec, pour toute gloire, le droit de quitter corps

par l'ironie de l'être, par une totale indécence

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