Galatée (8 et fin)

par julienb @, dimanche 09 août 2015, 22:19 (il y a 3191 jours) @ julienb

Quand au matin Pygmalion sortit de ses songes, ce fut comme un homme qui a trop bu la veille. Il remarqua d’abord la poussière de marbre dont il était couvert. Il se tourna vers la morte, devenue plus pâle encore. Quand il chercha sa main, il palpa dans la sienne un froid morceau de pierre lisse : la belle s’était changée en statue. Les yeux morts, et blancs, et vides semblaient s’être entrouverts, laissant glisser sur la joue une larme brillante et dure comme un diamant. Pygmalion sentit son cœur éclater comme le bloc de marbre sous l’effet du coin qui s’enfonce. Il comprit son erreur et, comme fou, trop abasourdi pour penser à pleurer, il décida de mener sans délai son aimée à la rivière afin qu’elle y retrouve sa vie de morte. Il se précipita pour dénouer ses liens, mais les bras que ceux-ci avaient maintenus se fendillèrent aussitôt et se détachèrent en fragments. Pygmalion hurla ; il voulut toucher les cheveux, baiser le front, mais la tête chérie tomba en poussière. Le corps se sépara en plusieurs blocs que le moindre effleurement du malheureux faisait s’effriter. Qu’avait-il fait ?... Laissant là la poussière de son espérance, Pygmalion s’élança comme un forcené vers la rivière. Quand il parvint à sa berge, à bout de souffle, il chercha des yeux la silhouette adorée ; il chercha longtemps, gémissant et pleurant, sachant bien au fond de lui qu’il n’y aurait plus personne à trouver là. Il s’enfonça dans l’eau brillante, d’abord jusqu’au-dessus des genoux, puis de la taille ; il nagea avec le courant bien au-delà du petit écrin de rocs et d’ajoncs où il avait naguère découvert la belle endormie. Il appela longtemps encore, et sa voix, ses cris ne furent bientôt plus qu’un gargouillis de noyé.

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