Sous influence (recueil en cours)

par casimir, mercredi 02 septembre 2015, 23:04 (il y a 3169 jours)

C'est la fashion week j'ai
Vu des top-models à Odéon
Des photographes japonais
Prenaient des photos ces
Femmes prenaient la pose
Elles avaient tellement de grâce
De celle qu'on retrouve dans les
Magazines sur du papier glacé
On aurait dit qu'elles venaient
D'une autre planète ou d'une
Couche qui se superpose à la
Notre elles incarnent la perfection
De ce monde nues leur corps sont
Comme des étoiles nues comme
Des comètes échouées qu'on n'ose
Pas toucher parce que l'on est sale
Parce que nous sommes privés de cette
Beauté nous qui sommes en-dehors
Du cadre de la photo mais assez humain
Pour les haïr et les jalouser pour être
Ainsi saisi dans l'ineffable prestige
Domination muette du prestige
Multiples isolés et devant le miroir
Ils sont ceux que nous aurions du être.

*

Cette recherche celle d'être
Confortable quelque part
Est la plus dangereuse
Finalement elle est la plus
Inconfortable je ne fais plus
Que des carrés blancs
Il ne s'agissait pas de voir
Mais je l'ai vu je sais quelle
Est la position la plus
Confortable c'est la plus
Dangereuse puisque j'ai
Bien tout oublié pour une
Raison celle qui a tant de
Sens je fais tant de carrés
Blancs quel ouvrier je fais
Quel ouvrier au nom de quoi
Pourquoi se tenir aussi loin
De soi-même de quel paradis
Ou de quel enfer cette douleur
Me préserve cette position là

*

J'ai fait probablement le rêve
Le plus atroce tu étais là
Mes rêves savent toujours tout
Sur moi tu es ce même être
Que je vois dans tous les corps
Mes rêves me dévorent je n'ai
Plus rien pour les nourrir à peine
Quelques journaux froids tu sais
J'ai sauvé quelqu'un hier et je n'ai
Rien senti cela paraissait si théâtral
Que si j'avais poussé la logique
J'aurai pu apercevoir cet œil
Moqueur j'aurai pu entendre
Le rire ou l'éternuement d'un voyeur
De ce qui loge dans mes rêves sans
Vraiment me laisser de chance
Je me demande toujours combien
Vaut la place et combien est la distance
De l'acteur au spectateur tu sais on
M'a privé de toi comme de mémoire je
N'ai plus que des mots dans le désordre
Et le pardon est la substance des mots
Qui viennent toujours à rebours
Cet œil n'est pas celui du pardon
Ces rêves ne sont pas les miens
Mais ma vie sans douleur
Serait irréelle.

*

L'homme qui mendie devant le Carrefour
Est comme en orbite devant les formes
Sans cesse réapprovisionnées de la richesse
De l'activité d'achat de ce qu'on placera
Avec ou sans ordre dans le frigo individuel
Ou collectif ce mendiant est à sa place
Il est assis sur ses genoux peut-être pour
Provoquer davantage de pitié attendant l'acte
De vertu théologale qu'est la charité l'acte anodin de
Faire ses courses se charge d'une violence tragique
Brutale devant lui est indiqué d'une formule lapidaire
En majuscules qu'il a faim il n'a pas les soucis du
Consommateur qui scrute les rayons d'un œil inquiet
Hésitant entre deux marques de pâtes ou deux pizzas
Aux recettes différentes puis convaincu de l'affaire remplit
Son chariot sa navette personnelle pour un
Temps avant de la replacer à l'entrée du magasin
Pour qu'un autre s'en saisisse exerce un trajet
Parfois aléatoire parfois marqué par le quotidien
J'ai toujours été fortement impressionné
Par les caddies pleins on y devine une certaine
Prévoyance ainsi que des régimes alimentaires
Diversifiés dus à une situation familiale ces gens
Prennent le temps de faire la cuisine alors que
Les produits surgelés s'adaptent davantage à
Une vie de célibataire où à cet état particulier de
Fatigue provoqué par une journée de salariat une
Exposition trop importante à la lumière d'un écran
D'ordinateur ou le mal de dos qu'implique la position assise
Trop prolongée ce qui implique parfois la pratique
D'une activité sportive comme le footing ou méditative
Comme le Yoga en réalité ce mendiant est comme
Une lune en orbite j'apprécie comme devant un tableau
La distance qui le sépare de ce monde il barre comme lors
D'une éclipse le rêve ou la réalité qui se cache derrière lui.

*

Quand au savoir ce n'est pas la terre
Qu'il faut atteindre comme on ferait
Du cabotage ce n'est pas la terre mais
Le froid gagnait peu à peu l'étendue
Des usages tout cela comme un long
Hiver ou la disparition de Perséphone comme
Campant devant la porte ai-je vu les anges
Disparaîtrent comment comprendre quand
L'hiver gagne tant de coeurs comme
Celui de Perséphone quand mon coeur
Lui-même reste une énigme ma propre
Enigme que je couche devant la porte
Où on me laisse seul de quelle matière
Est fait le monde qui m'attend quelle
Y sera ma place pour combien de temps
Comment se divertir de l'hiver de
L'absence de Perséphone qui coud
Dans les enfers les mêmes motifs
C'est la mémoire qui me fait défaut
Sous la neige blanche comme les ailes
Des anges le visage de Perséphone
S'efface mon coeur ne veut plus que
Retrouver ce qui s'est effacé c'est
Le langage qui me fait défaut les mots
Me précédaient comme je me précède
Quand au savoir ce n'est pas la terre
Qu'il faut atteindre comme on ferait
Du cabotage c'est la terre qui nous
Echappe la terre qu'on aimerait soulever
La terre à nos pieds.

*

Je suis toujours dans la mine je creuse
Cela fait des années que je creuse
Si je savais encore ce qu'est une année
Je sais simplement que l'enfer c'est
La mine j'ai oublié tout contact
Même si parfois j'entends des couples
Faire l'amour peut-être que l'année
Je la creuse je ne vois plus qu'avec
La lampe sur mon casque le jour
L'heure la minute la seconde je creuse
Pour celui qui me suit peut-être
Aura-t-il un meilleur équipement
Plus de psychiatres plus de conseillers
De réinsertion un baby foot du café moins
Cher à la machine dans l’hôpital
De jour on devrait appeler ça l'hôpital
De nuit parce que pour moi c'est la nuit
Peut-être même que celui qui me suit
Aura une femme des enfants moi je creuse
C'est la seule chose que je sais faire
C'est de là que je tire mon salaire
Ma fierté mon salut au moins je suis
Un ouvrier honnête sans reproche
Une voix m'a dit je n'entends plus
Que des voix elle m'a dit que je creuse
Vers la mort mais non je creuse
Vers l'enfer l'enfer c'est comme ici
On fume les mêmes cigarettes on boit
Le même alcool on va au même travail
Dans les mêmes automobiles on lit
Les mêmes publicités on mange la
Même chose on attrape les mêmes
Cancers on écoute la même musique
C'est ça l'enfer c'est si proche
Il faut creuser plus profond encore
Creuser en soi comme si on pouvait
Y échapper dans les galeries au-dessus
Il y a du bruit des souris ou des mulots
Ou des taupes ou des rats ou des ragondins
Je creuse tellement la lumière sur le casque
S'éteint je deviens nyctalope
Je ne creuse plus que pour survivre
Je meurs de faim je finirais par être
Exposé comme celui qui meurt de faim
Comme de lumière dans une cage de
Cirque ou dans un musée comme celui
Qui creusait comme je continue à creuser
Quand ma pioche se cassera de façon
Définitive j'aurais encore mes mains
Mes ongles qui gratteraient la terre
Comme quelqu'un qui veut s'échapper
De la mine il y a eu un coup de grisou
Une fois qui a soufflé tout le monde
Tout le monde ressemblait à un insecte
Qui se retrouve sur le dos ils n'ont pas
Su se remettre sur les pattes je les
Ai quittés en pleurant mais je devais
Continuer à creuser j'espère que cela
Sera utile à la société j'espère que mes
Galeries seront utiles pour le prochain
Etre comme une araignée j'espère pondre
Dans les œufs de mon prochain comme
Une idée de révolte comme le refus
De ce mouvement qui va sans cesse
Comme moi creuser dans la vie dans
Son corps en exploser les limites c'est
Qu'il nous faut de la dynamite dans la
Pensée de la croûte continentale au
Noyau externe jusqu'à notre propre
Noyau interne.

*

Lors de l'épreuve de l'adversité il était
Comme dans l'immobilité les démons les
Voix ne l'atteignaient pas des jours entiers
Il y a toujours deux choses unies dans le poème le
Regard puis les faits entre les deux toujours le
Souvenir puis vient la gratitude la joie d'Argos
Aux pieds d'Ulysse les légendes dans les livres pour
Enfants l'image plus claire comme si on réglait le
Signal d'une télévision l'immobilité de l'esprit
Comme un moine dans sa cellule ne refuse pas
Le monde mais se consacre à lui pardonner la
Chose vécue dans la paix est immobilité une
Méditation comme fait le maître solitaire devant
Les démons qui logent dans la parole de l'impur
La solitude affranchit du monde comme le timbre
D'une dernière lettre la cellule se referme pourtant
L'ombre prend place mais une lumière éclaire
L'homme comme le Saint-Jérôme du Caravage la
Mort elle-même est pleine d'une lumière auquel
Aucun œil n'est préparé sinon l’œil de celui qui
Embrasse l'immobilité le maître baissait-il les yeux
Ou tenait-il le regard du démon dans quel éternité son
Regard s'est-il figé à quelle hauteur son âme est-elle
Montée l’œil du poète n'est pas celle du peintre
Toujours muet l'âme du poète n'est pas celle du
Maître elle n'est qu'un souvenir qui parfois se fige
Saisit s'inscrit dans le parcours du maître se repose
A ses pieds comme Argos aux pieds d'Ulysse.

Fil complet: