]enceints[

par c.it, dimanche 31 août 2014, 03:03 (il y a 3520 jours) @ c.it

tu rames tu rames la nuit blanche de marques noires tu es immobile sis entre ton sommeil et ta vie
tu rames la nuit dans ta main immobile tu rames ton nom et l'écrire de ta main sous ton nom
tu t'épuises de pesées en pensée des élans la retenue le licol tu t'épuises d'écope à la tasse la soucoupe la rame à l'encre
tu t'échines sur ta voix ta parole ton songe ton monde ton idée tu te déchires sur leurs murs montés en château de vent
ne veuille pas, veuille ne pas vouloir, ne souhaite pas ne quête pas ne gratte pas à la porte des mots
ne force pas, ne force pas ne presse pas car rien ne presse ne pousse pas n'oblige rien n'attends rien
ne tue pas, ne tue pas même la laideur ou le mièvre qui passe, laisse passer, ne tue pas, laisse...
ne te ferme pas, ne ferme pas la fenêtre ne ferme pas la porte, la maison, la ville, le monde endormi
ne juge pas ne critique pas ne fais qu'écrire, écris, écris, ne pense pas mais écris, respire, écris, respire
oublie les bruits, c'est Orgueil qui marche en slip dans la maison, tu l'entends ? il va de long en large en long
il cherche son pantalon tissé de vanité, il grogne, se cogne, cherche son épée pour couper les cheveux en quatre mille
et mille morceaux d'invisibles contrariétés avec lesquelles il te contraint tous les jours un peu plus parce qu'il veut,
il veut de vouloir et il t'use alors fous-le dehors avec sa sale tête d'enfoiré de merde, fous-le à la porte
envoie-le sur les ponts sous les ponts dans la Seine à la flotte et qu'il rame, lui, envoie-le chercher des perles
dans le Danube ! qu'il s'occupe ailleurs ! et toi, écris, écris, écris tout, tout, n'importe quoi laisse venir laisse revenir
la joie les enfants les fruits la fourmi l'amour le plein la peau la salive des mots laisse arriver le verbe qui tressaille
dans sa robe de secondes sans présage laisse-toi aimer juste aimer juste là oublie oublie tout ne pense à rien
laisse tout te traverser comme si ce que tu es n'était que de l'air ou de l'eau laisse monter la vague la marée
le monde immergé les îles les forêts des mers laisse passer tout jusqu'à ce que tranquillement il ne reste que ton sable
tes beaux grains quelques-uns sur la page qui te respire lentement très lentement comme un petit matin

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