Stepmania

par zeio @, dimanche 10 janvier 2016, 02:18 (il y a 3037 jours)

Ils se sont regroupés à l’occasion d’un tournoi de jeu vidéo. C’est la finale. Le joueur star, un américain trentenaire, a l’apparence juvénile d’un blondinet. Il est assis sur le siège central du premier rang de l’assemblée. Il s’échauffe, active ses doigts comme un pianiste avant l’interprétation. Pour lui, on a préparé l’ordinateur : le jeu stepmania est ouvert sur le menu. Un annonceur présente le joueur star, récapitule les nombreux tournois qu’il a remporté. La présentation dure une bonne dizaine de minutes. Le tournoi est retransmis en direct sur le site twitch. Les internautes ont la possibilité d’envoyer de l’argent. Les bénéfices de cet évènement seront entièrement reversés sous la forme d’un don à une fondation de lutte contre le cancer. Dans un coin de l’écran est affiché, en temps réel le montant de ce don qui augmente régulièrement. L’annonceur raconte l’histoire d’une jeune femme, atteinte d’un cancer du sein, qui a pu être soignée grâce aux dons récoltés l’année précédente. La présentation terminée, le joueur star se lève et se rapproche de la table sur laquelle est disposé l’ordinateur. Croyant un instant qu’on s’adresse à lui il se retourne brusquement, lance un signe de tête affirmatif, retourne dans sa concentration. Il prend place sur le siège, tapote rapidement sur le clavier afin de s’échauffer une dernière fois, respire profondément. Le logo Stepmania scintille au centre de l’écran. Le fonctionnement du jeu, simple, repose sur la dextérité du joueur. Une musique moderne, le plus souvent rock ou électronique, se joue : des notes colorées, synchronisées avec la musique, défilent sur l’interface, le joueur est chargé de reproduire ces notes à l’aide du clavier. Il existe aussi une version jouable sur un véritable tapis de danse, mais ça n’est pas cette version qui est utilisée aujourd’hui car elle ne permet pas de battre des records de vitesse. Le nombre de notes est limité à quatre. Il ne doit pas se tromper de touche ni appuyer au mauvais moment, auquel cas il perdrait un point. Il existe plusieurs niveaux de difficulté, de *easy* à *nightmare*. Finalement, le joueur star appuie sur la touche entrée, le jeu se lance, réglé sur la difficulté *nightmare*. Au départ c’est assez commode, le rythme est lent, les notes sont faciles à reproduire. Rapidement la musique s’emballe : les notes défilent sur l’écran à haute vitesse, il devient difficile, pour le commun des mortels, de suivre le déroulé des opérations. La musique, jouée à vitesse maximum, est un brouhaha impossible, l’interface est une succession chaotique et ininterrompue de flashs de couleurs, propice à la crise d’épilepsie dans un cerveau non habitué. Pourtant, le joueur star semble se jouer de ce rythme effrayant, ses doigts enchaînent les notes à une vitesse quasi surhumaine. Les internautes multiplient les dons qui s’accumulent sous l’effet de l’exploit. La partie va durer environ une demi-heure. À la fin, la musique cesse, le joueur star ne semble pas éprouver le moindre signe de fatigue. Il repose ses mains à plat sur la table. Il expire, puis lève le poing tout en se mordant la lèvre inférieure, dans un signe de victoire. Les spectateurs exaltés se déchaînent, ils crient, se lèvent, applaudissent. La victoire en effet est totale. Le joueur star n’a manqué qu’une dizaine de notes, ce qui constitue le nouveau record du monde. L’annonceur, frénétique lui aussi, congratule le joueur star avant d’indiquer aux spectateurs et aux internautes le montant final des dons qui ont été récoltés. Maintenant, la retransmission est coupée, les dizaines de milliers d’internautes qui assistaient à l’événement retournent, chacun de leur côté, à leurs occupations.

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