ahem

par Louis @, jeudi 03 mars 2016, 17:03 (il y a 2983 jours)

A les voir pour la première fois, les choses (n'importe) vous touchent : c'est qu'elles rentrent tout juste à l'imagination comme en une eau fraîche, avant d'être reprises par elle à la rencontre suivante, comme le fil d'une conversation, et de s'y étendre selon les modalités qui composent les circonstances. L'imagination est un mode de la mémoire, ou le contraire. Il est des lieux qu'on pourrait réciter les yeux fermés. Ce n'est pas qu'on leur doive un plaisir moins vrai : simplement qu'à force de connaitre la manière qu'ils ont de se désigner, ils ne peuvent plus être le tout de ce qui se pense. Les couleurs neuves sont plus souples que la matière mentale. Elles refluent dans les marges de leurs propres contours, balançoire sur des lignes d'acier, qu'emprunte avec vigueur la lumière. Les opinions naissent au détour des chemins connus, les émotions de ce qui reste. Lorsque je vois quelque chose de neuf, je peux dormir pour au moins une semaine.

Il y a évidemment le sentiment de nouveauté qui nait de ce qu'on connaissait déjà, et pourtant, etc., un air on ne saurait dire, ou les manquements de la mémoire, la manière qu'ont les souvenirs de rimer entre eux, airs de famille que rien n'explique, par quoi les ressemblances ne sauraient mieux mentir. Mais ce n'est pas de ça dont il s'agit. Tout ce que j'ai connu se perpétue sans me demander mon reste, c'est un vertige terrible.

Aussi. Elle ne me demande rien de particulier, sinon de penser à elle parfois, comme s'il y avait une responsabilité, à avoir connu quelque chose, d'y revenir. Ce n'est pas parce que vous avez des souvenirs qu'ils vous concernent, dit-t-elle. Je lui donnerais volontiers raison, n'étaient-ce ces reproches que sa pudeur informule, et qui me blessent. Il suffirait pourtant de n'y pas porter les yeux. Elle continue à se promener là où je l'ai vue faire : tout continue à être soi après mon départ, ça ne fait presque pas de doute. Elle continue, par goût ou nécessité, par nécessité sans doute, de celle dont la force ne vous fait plus interroger les paysages qui vous entourent, ce qui en constitue l'étonnement, comme si le corps ne pouvait utiliser qu'un seul langage où désigner équivaudrait à s'échouer.

Le soleil la dore comme une plante quelconque. Mais ses cheveux sont sur les routes. Elle prend à coeur les réflexions de sa peau, et s’y trompe moins que moi, qui m’y brûle. Mes pensées la précèdent comme des politesses empesées. Sa peau est blanche et dépouillée d’opinions, ce drap d’elle est changé continûment, mais il n’y a que la souplesse dont les actions soient muettes, alors son son corps glisse sur les objets comme une claire, une eau d’une grande pureté, et qui se ramène à ses regards




je suis un garçons à principes : rien ne m'émeuve qui ne soit en ma mémoire. mais on ne choisit pas plus sa morale que le reste.



Exister est une habitude de pensée. J'en ai connu de plus divertissantes, de plus dures. J’ai fait du mal à chaque fois que j’en ai eu l'occasion, par respect des principes, et du bien de la même manière, mais c'était toujours pour vérifier si ce pouvait annuler quelques mailles du tissu dans lequel j'étais pris. Qu'on s'entende : on a beau s'en remettre au hasard, la mémoire range tout à sa discipline, comme une mèche au front, un couleur au nuancier. J'ai beaucoup agi pourtant, j'ai formulé des projets (je crois); j'ai presque toujours, et sagement, laissé mon corps au sommeil à la fin de la journée comme à une sorte de corde pour le linge.

C'est dans les dés que les gens sans idées se trouvent un miroir. on peut avoir toutes les opinions lorsqu'elles ne sont que de circonstances, soit aucune. je n'ai pas d'opinions, que des principes : les gens sans principes se laissent couvrir par les opinions, où ils dorment comme dans un pli. aussi, ce sont les choses qui se sont pliées sur moi. si mes tentatives avaient abouti, je ne serai sûrement pas en train d'écrire. c’est en tout cas ainsi que tout commença.


tout cela, notez-le, ne veut rien dire.

Fil complet: