Tête-à-tête / surrimpression

par revenante @, samedi 16 avril 2016, 18:18 (il y a 2941 jours) @ veneur

elle est toujours là, elle marche et rôde. renifle et flaire. chien enjoué par la faim, anticipant l’os.
parfois elle ne se retient plus, suçote une blessure, croque dans une plaie pour que la vie s’en échappe un peu plus vite, un peu plus fort.
elle fait entrer ses doigts dans les regrets, fouille, comme un doigt dans le cul chercherait à remonter jusqu’au coeur pour l’éclater. c’est une belle salope, une vraie. elle susurre à l’oreille qu’on ne tiendra plus bien longtemps, que l’on commence à faiblir et pour faire davantage de mal elle ramène à la mémoire les rêves les plus chers, ceux que l’on n’a ni atteint ni réalisé.
son haleine dans le cou, sur l’épaule, on regarde à travers le jour dans son regard même, et par ses yeux à elle on voit subitement et comme en surrimpression toute la noirceur du monde. la sienne propre. alors on cherche la fraude. on sait qu’on nous a menti, tout le monde ment, triche, fuit.
quelque chose comme un reflexe agite un peu de vie, une animalité ou un reste humain ;
on pense qu’on l’aime, la vie, mais c’est faux, on y connaît rien; on se dit qu’elle est belle comme on dirait n’importe quoi pour s’échapper, comme on se ment à soi-même pour se sauver d’une réalité, d’une douleur indicible, d’un déchirement continu.
puis on réalise que si on l’aimait vraiment, que si on savait l’aimer on verrait au travers la ténèbre l’éclat du jour, on rencontrerait une sincérité. un geste vrai.
le chagrin profond c’est d’en arriver à la compréhension et au constat que le seul geste vrai d’une existence se trouve à être de mourir. de se rendre. absolument.

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