Des arbres à abattre

par zeio, vendredi 03 octobre 2014, 16:57 (il y a 3491 jours) @ Claire

Du point de vue de la "posture" ou positionnement social, cela me fait penser à Des arbres à abattre de thomas bernhard dans lequel le narrateur (bon, je raconte un peu pour les personnes qui ne l'auraient pas lu, pour le plaisir de la remémoration, pas pour me la jouer grand lecteur), invité à un dîner artistique, invitation qu'il a accepté sur le coup, sans bien réfléchir, et qu'il a regretté amèrement par la suite - mais nous, lecteurs, on ne regrette pas car cela donné naissance à un grand livre en spirale-, reste assis presque toute la soirée dans un coin d'ombre, près de la porte d'entrée/sortie (comme par hasard) du grand appartement viennois, assis confortablement dans son fameux fauteuil à oreilles, il va déblatérer dans une sorte de loghorrée maniaque son mépris de l'humanité en général et plus spécifiquement des autrichiens et de la société artistique viennoise. Cette position de l'aigri, qui se tient à l'écart, posté en sentinelle sur son point d'observation maniaque, qui va scruter, éplucher les comportements passablement ridicules de ses congénères, de manière totalement obsessive voire psychotique. Sans aller jusque là pour jean-michel, il y a une certaine similarité.
Je ne les compare pas littérairement (style radicalement différent) mais dans la posture glacée, figée quelque part ethnologique, bien que pour certains spécialistes le véritable travail ethnologique, ça n'est pas analyser à distance mais vivre au sein des populations autochtones non pas seulement pour les comprendre, mais pour les vivre véritablement dans la mesure du possible, voir le monde comme ils le voient, à travers leurs yeux. Bain empathique dans lequel ni bernhard ni jean-michel ne mettront le petit doigt car ce bain est jugé d'office méprisable, et la plèbe est haïssable.
Bref, jean-michel est à l'écart, ses silences sont perçues comme du mépris, à raison certainement, car il s'agit du mépris mais je crois aussi, d'un certain mépris de lui-même car il crache sur un milieu et un groupe auquel, quoi qu'il en dise, il fait partie (de même que thomas bernhard fait partie du milieu artistique viennois), il y a une auto-dérision ironique et souvent comique qui a tendance à attendrir l'aigreur bien qu'elle soit difficile à dénicher.
Évidemment, le comportement de thomas bernhard massacre le dîner artistique, il est comme un point noir sur une nappe blanche, mais un point noir qui a, sinon son utilité, du moins son rôle à jouer dans sa prise de liberté outrageante.
Peut-être que l'humour de jean-michel est en filigrane, quasi invisible, une sorte de ricanement lointain irritant et cryptique. Il joue des nerfs sans avoir l'air, par ce simple ricanement en sourdine il provoque des remous qui en disent plus long au fond, sur les sujets des textes, que les textes en eux-mêmes.

Fil complet: