La marcheuse

par Vagabond vagabondant, mercredi 13 juillet 2016, 18:46 (il y a 2815 jours)

Au réveil, tu te sens mort. Les pans d'espace brûlants
referment leurs bras sur tes draps. Sors, il faut sortir ton tourment,
lever cette solitude au dos d'esclave.
Sors. Sors pour les trottoirs sales et lumineux,
pour les places trop étroites à ton cœur.

Dans la ville immense,
marcher sans penser parmi
les bruits du soleil, le vent plus doux, les rires d'enfants
les airs espagnols de guitare, les jeux de parcs,
les femmes si belles en jupe, les femmes moins belles en jupe
et tous les miracles qui vous saluent ;
marcher parmi
la misère implorante, la tristesse qui anéantit
et l'impatience qui réveille ;
la force du pas gagné,
la détresse du pas rompu,
les odeurs hasardées d'urine, de parfums,
de sueurs, d'herbes, de chiens,
aux Buttes-Chaumonts
et tous les miracles qui vous saluent

plus tard la Piazza de Beaubourg

et toi, à cette sensation de silence, les rues aux êtres brûlants
refermant leurs bras sur tes jambes,
tu te demandes
où vais-je, où vais-je,
orage dans le sang des fièvres
- vers qui ? -

et parfois
une apparition:
c'est la Fontaine où Saint-Michel vainc le dragon
le Pont des Arts, Brassens qui le traverse pour toujours
le fou qui trébuche et qui râle
un regard entre deux rayons d'une bibliothèque
lui qui feint de l'ignorer, elle qui l'ignore l'ignorant

ta santé n'attend plus la nuit pour s'élargir
elle sent la lumière brune d'une qui marche à tes côtés,
d'une qui marche, trouble au talon, trouble au mollet, trouble qui -
d'une grande exaltation solaire - remonte
à ton pouls, ton visage,
comble avec application
ta charpente aux vents foudroyants
ce coeur qu'est ton corps décharné par la ville
ce corps qui bat, flanche, s'arrête, se redresse
conquiert, s'égare,
lui parle
par vagues
en sa douceur vivace et retenue

Dans la ville immense
ta pensée caresse sa périphérie
et borde d'un châle léger
la marcheuse d'à-côté
qui sourit

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