Grammaire

par Rémy , mardi 13 septembre 2016, 17:29 (il y a 2782 jours)

Voilà ce que l'école nous enseigne comme étant correct et souhaitable :
« Mon frère et moi allons à la plage. »
Voilà comment la même idée est formulée dans la pratique quotidienne :
« Moi et mon frère, on va à la plage. »

Les mécanismes suivants sont à l'œuvre:

1. Restauration de l'ordre naturel de coordination, du plus proche du locuteur au plus éloigné ("moi et mon frère" au lieu de "mon frère et moi").
C'est à cause de cet ordre naturel qu'on énumère "je, tu, il" et pas "il, tu, je" ; l'ordre de politesse est artificiel et n'a jamais réellement réussi à s'implanter dans le français courant.

2. Remplacement de "nous" par "on". Le verbe ou l'auxiliaire est conjugué à la troisième personne du singulier, correspondant au pronom "on", mais l'éventuel attribut ou participe passé s'accorde "en idée", c'est-à-dire qu'il conserve le genre et le nombre (dans ce cas, toujours pluriel, puisqu'il s'agit de remplacer "nous") de ce à quoi "on" fait référence ("ma sœur et moi, qui suis une fille, on est cuites", et pas "on est cuit").
Le remplacement est stoppé par l'impossibilité de décliner "on" : COD, COI, possessif etc. restent les formes correspondant à "nous" ("il nous aime", "il nous parle", "c'est notre ami", etc.). On peut conjecturer qu'en fait, la difficulté que le langage quotidien contourne là n'est pas le pronom "nous" mais la conjugaison des verbes à la 1e personne du pluriel (la terminaison -ons).

3. Suppression progressive de l'utilisation d'un groupe nominal comme sujet, un pronom en apposition est rajouté en redoublement de ce groupe nominal pour servir de sujet au verbe : "ma sœur, elle bat le beurre" au lieu de "ma sœur bat le beurre".
Ce redoublement touche en priorité les groupes nominaux longs, ici la coordination "moi et mon frère".



Aviez-vous remarqué ces différences grammaticales entre le français véritablement parlé et celui enseigné à l'école ? Êtes-vous capables d'utiliser en poésie les tournures naturelles, ou ne pratiquez-vous que les tournures scolaires ? Ne faites-vous pas par-ci par-là des erreurs dues au fait que l'envie d'écrire comme un livre est contrariée par la pratique quotidienne ?