Contre-performance

par Essim, samedi 19 novembre 2016, 20:14 (il y a 2714 jours) @ Essim

Et sans l'emploi du nous, ni du je, par exemple ?

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D'un silence et d'un nu, tout redescend sur terre : le bleu déchirant et la pluie indécise, les errances dans la chambrée et le fourmillement du linge. Les variétés de lumière s'amenuisent et finissent par sécher au visage. Les yeux brûlent. Ce feu incline à la complainte. Il faut écrire. Mais. La solitude, thème éculé. Le paysage de campagne, thème éculé. La ville, thème éculé. Désir d'éclater. Écrire l'androgynie du désir. S'engager en politique. Prôner la grande aventure du sexe. L'idée fait rire puis écoeure. Ce n'est déjà plus une lamentation. Recentrer.

Une triste journée vient de s'abattre. Une autre. Encore une. Dire s'abattre parce que d'un silence et d'un nu, tout est redescendu sur terre. D'un coup. Impression d'abattement généralisé. Dire s'abattre parce qu'un déluge de gris s'est rué sur les couleurs vives qui composent le souvenir du jour. S'abattre est l'acte privilégié du réel sur l'étendue du désir. Etre la perfection des gestes, révolu. Les voilà qui se séparent de soi et prennent de revers. Ouvrir les yeux. Sueurs. Tout est redescendu à l'instant du réveil : le bleu déchirant et la pluie indécise, les errances et le linge, le foutoir non senti, au seuil de la nuit, vertige. Une triste journée vient de s'abattre. À présent, contre-jour.

Poursuivre l'amour d'une manière plutôt que d'une autre, de quelques façons mêlées, tantôt dans cette urgence de contes arabes, tantôt avec une tendresse d'aristocrate prussien. Fâcheuses redondances, lenteurs ridicules, ce sont toujours les mêmes truismes de la chair, les mêmes faux-mouvements, coude sur la joue, genou au ventre, hématomes invoulus. La plupart des gestes : éculés. "Je te veux" : risible. Parcours horizontal du corps : piste renouvelée huit-cent-trente sept fois ces deux dernières années. Parcours vertical du corps : no comment. Oeillades avides, haletantes, exquises, enjôleuses : égales à elles-mêmes. Les sueurs : aussi sublimes que celles d'un fauve assoupi. Les parfums : bête continuation de leur éternelle fonction. Les caresses : impuissantes à saisir un destin. Que faire, que sentir, que dire. Ce dos manque d'être une colline, cette jeunesse d'être immémoriale, ce désordre de jaillir d'un cru plus intense, et le ciel d'évoquer le sifflement des trains, l'ivresse de l'orage.

Il pleut à proportions moyennes. Tout redescend sur terre...

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