Au lendemain d'un 13 novembre

par Périscope @, jeudi 01 décembre 2016, 15:26 (il y a 2675 jours)

Au lendemain d'un 13 novembre

Lucie est enceinte.
Elle se tord sur sa chaise.
Dans le contre-jour, un visage derrière une main,
paraît toujours tourmenté.
Lucie, malgré tout, parvient à atteindre la commode.
Une lumière torve glisse sur sa robe verte.
Il n’est pas juste que le visage semble être la totalité d’une personne.
Elle décroche le téléphone sur la commode.
Elle appelle son mari.
Une figure joliment ridée vous attire dans son paysage.
Elle vous enseigne l’éphémère.
Allô Basile, viens vite, je suis sur le point d’accoucher !
Je ne peux pas, répond Basile.
La mécanique des hommes les oblige à des postures peu discrètes.
Pourquoi tu ne peux pas venir Basile ?
Je suis occupé avec Flora.
Qui c’est Flora ?
Ma nouvelle fiancée !
Lucie raccroche le téléphone, hurlant de douleur.
En quoi alors l’intériorité réside-t-elle dans l’apparence ?
L’apparence est le pardessus de l’intérieur.
Le bébé se réveille, le cadet, dans son berceau.
Il pleure. Lucie va le consoler.
Dehors la rivière est froide rien qu’à la regarder.
Dans les ravins on renifle les entrailles de la terre.
Lucie prend le bébé dans ses bras.
Elle s’approche de la fenêtre.
Le soleil se voile, quand il a pitié des humains.
Lucie regarde par la fenêtre s’il vient.
Pas Basile, mais l’autre. L’amant de Lucie.
Au nombre de miroirs que possède une personne,
on apprendrait à la voir autrement.
Il devrait venir l’amant, mais il ne vient pas.
C’est un artiste, il préfère la musique.
Lucie est triste.
Dans le fond de sa robe grouillent des soleils trop noirs.
Etre rongé par les dents immenses du désir,
avec sur les lèvres, le goût amer des entrailles.
Lucie regarde le bébé, gazouillant dans ses bras.
Lucie regarde le plafond, où pend une corde.
Elle est dans le compte à rebours d’une décision à prendre.
L’avantage d’une conversation avec soi-même est que les mots répétés
n’ont aucun écho.
Elle pose le bébé par terre.
Elle observe une fois encore dehors la rue.
Rien ne bouge. Mais les lignes précisent n’apaisent jamais l’esprit.
Elle grimpe sur la chaise.
Un jour, on se sent soudainement coupable de ne plus propager le rire.
Lucie envoie un dernier baiser à son bébé sur le sol.
Puis elle se jette dans le vide.
La corde la retient.
Lucie se balance comme un jouet au-dessus du bébé.
L’enfant donne des coups de pied à son ombre sur le mur.
Quelqu’un qui ferme ainsi les yeux vous laissera à la porte de son mystère.
Et ceux qui ne voient que des croix dans la ramure des arbres,
ne sont pas nécessairement des croyants.

Fil complet: