Le doute + Bukowski

par 411, samedi 01 novembre 2014, 15:50 (il y a 3463 jours) @ Florian

J'avoue que moi aussi j'ai eu du mal à piger cette "pulsion" dont tu parles, Florian. Mais effectivement, après relecture, je pressens cette pulsion : pulsion de se libérer de ses pulsions, appel avide d'une tranquillité sans appel, détachée et sans fonction... et finalement une violence intrinsèque, une pulsion, oui. J'ai toujours écrit comme ça, et je reconnais un bon poème à la décharge d'adrénaline qu'il me procure, absolument physique.
Ce paradoxe de la pensée et du corps se retrouve dans l'opposition entre surface et profondeur ; l'écume ayant pour fonction de cacher le fond de l'eau, le reflet de détourner de la pierre. En effet, plus le temps avance et plus je respecte l'affabilité de certaines personne, leur pudeur qui peut être assimilée à de la timidité. L'époque crée des braillards, est propice à l'exaltation du moi, de la différence, à ce "prends-moi comme je suis" qui annihile parfois l'effort d'intégration, ou de groupe. Et comme tout le monde le sait, un être qui s'exalte est un être qui consomme ; et ce qu'on appelle liberté d'être, de penser ou de dire, est en fait un moyen de désorganiser la pensée collective, de fabriquer des électrons libres, séparés du noyau, de l'atome insécable que devrait être l'humanité.
Et comme je l'ai écrit dans un autre texte: si nous doutions tous, nous de douterions pas les uns des autres. - Et ces certitudes sont un mal profond, puisqu'elles s'accompagnent d'une désinformation souvent liée à internet, à toutes ce télés alternatives ou à ces reportages souvent partiaux qui pullulent en ce moment.
On confond savoir et volonté, liberté et conflit, bonheur et plaisir, ou encore partage et propagande... Bref. C'est la merde. Et pour vivre heureux, vivons caché: essayons d'être à ce stade où l'on arrêterait de prouver qu'on a rien à prouver, ou de dire qu'on a rien à dire. Opposons des reflets, même s'il sont changeants. Doutons, doutons. Je pense que c'est ainsi que les courants se rejoindront.

Et je finirai avec ce poème de Bukowski (traduit en français), qui m'accompagne à chaque virée du coeur.


***


je connais une femme
qui continue à acheter des puzzles
chinois
des casses têtes
avec des poulies
des fils
qui finalement s’ajustent
dans un ordre prévisible.
elle y parvient
mathématiquement
elle résout tous ses
puzzles
elle vit près de la mer
elle donne du sucre aux fourmis
et croit
en dernier instance
en un monde meilleur.
ses cheveux sont blancs
elle les peigne rarement
ses dents sont gâtées
et elle porte des choses informes
qui couvrent un corps que beaucoup
de femmes auraient bien voulu avoir.
durant de nombreuses années
elle m’a irrité
avec ce que je considérais être
des excentricités -
comme tremper des coquilles
d’oeufs dans l’eau
(pour donner du calcium aux plantes)
mais finalement quand je pense à sa
vie
et que je la compare à d’autres vies
plus éblouissantes, plus originales
et plus belles
je réalise qu’elle a blessé
moins de gens que
n’importe qui de ma connaissance
(et par blesser je veux simplement
dire blesser).
elle a traversé des périodes terribles,
où j’aurais peut-être dû l’aider
beaucoup plus
car elle est la mère de mon
seul enfant
et jadis nous avons été très amoureux
l’un de l’autre,
mais elle a passé à travers toute seule
comme je l’ai dit
elle a blessé moins de gens que
n’importe qui de ma connaissance,
et si vous prenez ça en considération,
eh bien,
elle a créé un monde meilleur
elle a gagné.

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