modèle de l'inaccompli

par vagabondant, mardi 31 janvier 2017, 14:19 (il y a 2650 jours)

j'ai perdu l'évidence
de mes jeunes années
à réfléchir le songe
jusqu'à ne sentir plus

ni le grain de douceur
des hanches désirables,
ni l'argile arrondi
qui portait ce visage ;

ni corps, ni mouvement
vers la vraie nudité
que le balcon salue
avec immensité ;

ni le pouls inaudible
du coeur qui trop bouillonne
dans la petite chambre
aux profondeurs pesantes...

*

j'ai perdu l'évidence
de la fraîche heure du jour ;
l'aube ici n'est que nuit
qui la paupière saigne.

mon corps n'est plus mon corps
mais mémoire du corps,
haleine d'ancolie
de la nuit dépouillée,

et mes paumes auxquelles
le vent cherche querelle
sous les draps de la ville
ne trouvent rien, tâtonnent.

pourtant ce n'était faute
de plonger tout entier
assoiffé de lumière
dans la lumière des choses...

*

j'ai perdu l'évidence
des gestes primitifs,
le rire irréfléchi
derrière portes closes ;

l'évidence bleutée
du rêve à la fenêtre,
la cigarette aux lèvres
que le vide rallume ;

du son lointain des vagues
qui, comme gais soupirs,
à l'âme se déclinent
et font la chair frémir.

*

j'ai perdu l'évidence
la plus élémentaire
des plumes du repos
et le sexe candide,

innocence d'amour
où l'enfance en corolle
éclôt, je t'ai perdue
hier, le mois dernier,
jadis...

*

j'ai perdu l'évidence
de toute sensation.

comme flaques salées
séparées de la mer,
les ans stagnent encore
à ce bassin perdu,

et me suis réveillé
à l'âge d'aujourd'hui
avec pour grand désir
le désir du désir.

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