C'est pas bien, de me motiver à écrire de la politique au lieu de poésie !

par Rémy @, vendredi 17 février 2017, 11:11 (il y a 2597 jours) @ dh

Ce n'est pas en écoutant les reportages de ces deux journalistes que tu verras si elles parlent de tout ce qu'il y a à dire, ni si elles ont pu recouper leurs informations : ce à quoi elles n'ont pas accès, tu n'en entends pas parler, tu ne peux même pas deviner que ça manque au tableau.

C'est ça l'ennui avec les médias : tu ne peux pas savoir si ce qu'ils te disent est complet et équilibré. Et en fait, comme la plupart des journalistes sont engagés et fiers de l'être (certains par choix, d'autres malgré eux à cause de leur ethnie), tu peut être certain que ce n'est pas complet, parce que les personnes qui pourraient leur faire parvenir les infos se méfient d'eux, et comme les journaux doivent vendre, tu peux être certain que ce n'est pas équilibré, mais sensationnaliste.

Par exemple pour les centrales nucléaires : tu ne peux pas savoir dans quel état elles sont, parce que les journalistes qui sont autorisés à aller y voir sont triés sur le volet et croient par avance que tout va bien, alors que les journalistes qui en parlent le font par conviction écolo, croient par avance que tout va mal et ne sont pas autorisés à aller vérifier. Dès qu'un sujet est politisé sur le mode hystérique, les citoyens ne peuvent plus savoir où les choses en sont.

Exemple comparable pour les abattoirs en ce moment : les seuls journalistes qui y vont et qui en parlent sont ceux qui croient par avance qu'on y maltraite les animaux, du coup tu ne peux pas savoir si les maltraitances qu'on te montre sont habituelles ou exceptionnelles, ni s'il faut envoyer la police s'en occuper ou s'il suffit de mettre trois cinglés à la porte. Tu peux subodorer l'entourloupe en constatant qu'on ne te dit presque jamais combien d'abattoirs il y a en France, et jamais dans combien d'entre eux ont été placées des caméras-espions, et encore moins dans combien de cas ces caméras n'ont rien repéré de répréhensible.

Un autre exemple un peu différent, c'est l'Europe. Chaque grand journal français a envoyé un seul correspondant à Bruxelles et l'a laissé en place pendant des dizaines d'années. Ces correspondants y sont allés par conviction, et au fil des années, ils ont tissé des amitiés et des inimitiés, ils sont reçus par tel député mais pas par tel autre, ils parlent à tel lobbyiste et sont mis à la porte de tel autre, ils défendent telle ou telle opinion, ils se parlent entre eux maix concurrence oblige, ils se cachent les scoops, de sorte que l'un ne peut pas vérifier ce que l'autre a découvert. Et tout ce qu'ils ne voient pas, soit parce que ça leur est caché, soit parce qu'ils n'y ont pas pensé ou que ça ne les intéresse pas, ou tout simplement qu'ils sont passés à côté, les citoyens ne le voient pas non plus. Pendant des dizaines d'années ! Et ensuite on se rend compte que Junker nous a fait un petit dans le dos avec le CETA ou que Barroso roulait pour Goldman Sachs, et que Quatremer a attendu qu'il soit trop tard pour nous en parler. Les journalistes, censés faire parvenir l'information aux citoyens, se retrouvent en position de filtre et bloquent des informations. Ce n'est même pas qu'ils fassent mal leur travail : c'est qu'ils sont trop peu nombreux et trop longtemps en place, et que leur mission est trop généraliste.

Et ça ce ne sont que les reporters, mais les directeurs de rédaction sont encore plus nuisibles : ils réduisent encore la quantité d'info déjà filtrée par les journalistes...

Mutatis mutandis c'est le même problème que la démocratie par représentation (ton député te représente pour tout, alors que tu ne partages peut-être qu'un quart de ses idées) et de la longévité des élus. En ce qui concerne les pouvoirs législatif et exécutif, on a vu le problème et organisé des élections régulières, mais en ce qui concerne le pouvoir informatif, ça n'a jamais été théorisé et ça ne marche plus correctement.

Fil complet: