loulou loulou

par loulou, samedi 04 mars 2017, 20:45 (il y a 2616 jours)

la lumière se dégourdit les jambes sur mon visage. elle s'étend, fait craquer ses os, rebondit comme un chat; clapotis de rivière, mon corps est mûr, gorgé de sang, c'est du jus. je l'épingle à la corde à linge d'une parole qui n'engage à rien, où je le regarde sécher. le ciel est plein d'une lumière jaune et cassante dont le crépuscule tarde à faire la moisson. elle se fane, ce qui laisse mieux passer la nuit. on en accrocherait un bout dans un cadre, par sympathie pour ce qui, mort, conserve sans qu'on ne l'explique une forme vivante, comme à avoir été soustrait d'un principe invisible. le ciel est peut-être une longue feuille de calque. quelque part, un meunier arrive. une jeune fille blonde soupire. on est bien comme dans un roman de giono.

- les évènements, les évènements - maugrée un personnage. - ils pourraient arriver en désordre qu'on ne les questionnerait pas : ils ont toujours raison. personne n'a l'oeil assez habile pour se retourner sur la chronologie de son regard. les évènements recommencent où l'on croit les avoir laissés, comme une chambre qui demeurerait immobile au bout de sa porte, par politesse ; mais les paysages, à leur entour, changent indépendamment des pensées auxquelles ces dernières, inconsciemment, s'accordent. on croit retrouver la vie au bout de chaque sommeil, mais un jour, on meurt - cela, remarquons-le, ne fait pas de doute.

où voulait-elle en venir? (il s'agit d'une femme). les pensées préexistent aux lieux dont on voudrait qu'ils les accueillent. dans cet endroit indéterminé qu'on appelle l'esprit, sans matérialité, ni texture, ni portes, ni fenêtres, mais ouvert à tous les vents, que la brise égaye, les pensées apparaissent au rythme régulier des assemblages de mots tirés du vocabulaire comme d'une mine dont les gemmes deviennent plus transparentes avec l'usage. travail de manufacture, travail d'usine. ce lieu est remis en jeu par chaque objet qui s'y donne tel, puisqu'il faut un quelque part aux apparitions. on ne pense pas toujours au même endroit de sa tête, selon la fatigue, l'ennui, les milles circonstances de la qualité de la drogue. c'est pour cela qu'on dit timidement allô au bout du fil, pour étrenner l'existence de ce lieu, signifier se virginité. lorsqu'on ne dit pas allô, je suis désorienté; le langage que je viens de saisir aurait-il été huilé par une pensée qui le précède, et sur lequel je devrais risquer de salir mes doigts?

les personnages ont une chance : une fonction. ils ne chôment pas, ne doutent pas. leurs doutes sont encore commandités. ils pourraient mourir qu'ils ne feraient que réciter leur poésie. ils vivent leurs malheurs pour nous, comme les morts. aussi, celle-ci raconte - j'ai toujours agi avec une prudence extrême, mais je ne me souviens plus vraiment quand tout a commencé à cesser de commencer. cela dû arriver par mégarde, comme la vie se foule la cheville comme on rate un train, une marche. mon corps a eu plusieurs fonctions. aujourd'hui, je sens sa pesanteur. la terre l'arrime à elle comme un fanion ou du linge, avec du jeu, pour ne le laisser retomber que dans une seule direction, ce qui fait sa syntaxe, résume son usage. il ne se désarticule jamais, le temps le coiffe comme fait le peigne, le recombine un peu, comme mentalement on opère des rotations sur les dés qui vous desservent - si on joue au 421.

- pour l'éprouver, je fis du tourisme. mais à tout improviser il n'est que la part congrue et je n'ai jamais eu l'esprit de planification. je visitais des gens où les dialogues, chaise musicale des pensées, me laissaient déshérité d'un siège pur. autre méthode: l'amour. c'est un joli manteau dont la doublure est la doublure; on porte sur les épaules un ciel qui cligne des yeux la nuit, le jour, les sentiments sont les enfants du tragique et de la météo. cela fait des éclipses singulières. à entrer dans une pièce on oublie parfois ce qu'on y venait chercher, sauf que là il s'agit -pardon- de sa vi... je blague.

les personnages vivent sur une longueur d'onde qui diffère de la notre, c'est comme l'infrarouge, l'ultraviolet, c'est pareil. la vibration de cette fréquence est irrégulière. elle s'effondre sur elle-même lorsqu'on referme un livre et qu'on ouvre un ciel à la place d'un café. dieu toute cette poésie! le printemps a de faux airs surréalistes, et trempe son spéculos dans le noisette de l'inspiration.


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