au feu

par c., mardi 11 novembre 2014, 16:49 (il y a 3448 jours)

dans l'angle noir de la pièce tu trafiques les fils électriques
avec un mauvais sourire ta barbe sombre me dit que tout va brûler
attachée sur la chaise de bois où je me démaquille tous les soirs
le ruban collant me garde de te parler et contient tous mouvements
tu arrêtes tes gestes concentrés pour me regarder
et dans tes yeux apparaissent des lames de couteaux glacés
tu éclates de rire devant ma panique
les larmes me piquent les yeux et dans mon brouillard
je supplie silencieusement d'être violée plutôt que de mourir impuissante
tu me dis que tu réalises ton rêve et que je suis toujours ta femme
mais cette fois-ci je ne pourrai pas me sauver ni me suicider
tu répands le bidon d'essence sur le sol puis sur moi
dans ton rire fou tes dents s'allongent et tout de toi sent la mort
j'essais de me calmer et je réalise que j'aie toujours su
ton désir profond de m'abolir était ce que tu ne te fais pas à toi
tu te penches sur les fils électriques et les mets en contact
les étincelles crépitent et aussitôt les flammes bleues oranges courent
elles dansent vite et prennent ton corps et tu paniques et cries
je balance la chaise sur le côté et m'assomme à moitié
il me reste combien de temps pour déplacer mon corps et le poids de la chaise ?
pendant que tu hurles et crames en te secouant
il me vient à l'esprit que le feu va au diable comme un habit
et je me demande comment éteindre ce rêve
si je t'ai quitté il y a dix ans la terreur elle ne m'a jamais quittée


assise au bord du lit j'essaie d'arrêter mes tremblements
j'écoute le silence de l'appartement
j'entends les lentes respirations de mes enfants
ils dorment paisibles
je fume deux cigarettes l'une après l'autre
en m'arrachant l'invisible ruban collant
je voudrais crier, crier de rage, de rage contre moi-même
il est trois heures du matin
les ombres des branches d'arbres dansent au plafond
couchée sur le dos j'éteins la troisième cigarette
dans ma tête une phrase revient sans arrêt : j'aurais dû mourir
et la honte me cuit : l'envie du meurtre est une longue dévoration.
c'est cette envie qui est mon cauchemar.

Fil complet: