condensations

par catr @, mercredi 22 mars 2017, 14:01 (il y a 2590 jours) @ Claire (pour Cat)

salut Claire,

oui, oui, d'abord il faut bien que je te le dise je trouve ton poème bien beau, pas beau de beauté-pesé-compté, non, beau de résonnances, beau comme... un étang bien caché des regards au fond d'un jardin ... ce n'est pas par bucolisme romantique que me vient ce sens/image, mais bien plutôt pour .. la discrétion et la pudeur de ce que le texte évoque — la délicatesse de ce qui est dit sans le dire vraiment — mais aussi toute l'intériorité de Léa, la rêverie amoureuse d'avant l'amour...
j'aime beaucoup la manière dont tu la présentes, lente et longue, ses gestes et ses yeux, je veux dire que je la vois ta Léa. et c'est d'une grande fraîcheur — j'allais dire d'une immense délicatesse (ton texte m'a ramenée bien loin derrière ..et puis moins loin aussi). j'aime la forme, le fond, le traitement, la chute, tout. et ... je n'étais pas certaine pour le titre mais ..oui, c'est cela, des condensations, les buées des rêveries des premiers émois silencieux et retenus, où "une folle espérance" d'une après-midi devient "un film intérieur" qui peut "nourrir" pendant des mois...où rien n'est dit et où la rêverie en elle-même contient le tout, comme s'il s'agissait d'un acte vécu, réel, l'émotion vibrante et presque trop intense... d'où cette fabuleuse lenteur.. qui ici s'illustre par la narration (et ça c'est vraiment vraiment un point fort dans ton écriture).
...j'ai mis en italique les passages les plus sensibles, passages qui, indépemment du texte, sont en eux-mêmes poèmes.
(j'écrirais bien plus de choses... mais je m'arrête là pour aujourd'hui. )
merci beaucoup..



condensations

Léa c'est la fille qu'est toujours là
la fille du maître nageur
elle va
des tribunes où s'ennuient les mères
anxieuses aux vestiaires,
évite d'un coup de rein las
les jets des douches,
en sortant du pédiluve
jamais ne glisse. Léa mate
sur le carrelage brillant la chair drue
des garçons du grand bain
et le peu qu'ils cachent.
Leur manière
de se hisser hors de l'eau
leurs torses
blanc chair sur les carreaux blancs
Leurs dos quand ils s’assoient
mouillés comme des poissons.




Tandis que son père en peignoir
pieds nus dehors fume une clope
avec la fille des vestiaires, elle boit
son coca derrière les cameras
de surveillance.
Ou bien, soudain elle déploie
sa longue taille de girafe,
sortant des couloirs elle parcourt
l'espace embué d'un pas élastique
son corps pâle semble s'effondrer
comme une lame dans l'eau
et tranche, à languides brassées
deux ou trois longueurs. C'est pour un seul
a qui elle jette en sortant
un regard torve.
Léa est toujours là
mais lui n'est jamais le même
.

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