encre (corr)

par seyne, mardi 27 novembre 2018, 19:16 (il y a 1975 jours) @ seyne

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tout est flou, nimbé, liquide comme le soir
une ligne d’eau pour avoir encore rendez-vous
avec ce pays en soi / soi en ce pays
et avec le non-soi d’une voix
basse qui bourdonne.

tout est flou parce que cette ligne, cette eau et ces pierres
singulières on doit les chercher longtemps
elles ne sont jamais certaines
jamais frappées d’un sceau
et rien ne s’en monnaie.

un animal mourant jette un dernier regard devant lui, et puis éteint le monde
dans cet espace où flottent les îles, où la lumière, tout le temps, existe.

des verbes se font entendre
(on y allait, on pouvait toujours y revenir
y laisser son no man’s land).
je l’atteins à nouveau d’un pas incertain
seule je crois.






Il y a bien longtemps maintenant, j’ai trouvé un livre à la bibliothèque d’Amiens, où j’habitais encore. Je m’étais remise à la poésie après avoir trouvé dans la même bibliothèque un livre de poésie irlandaise traduite en anglais, et dedans le nom d’un ami perdu de vue depuis la nuit des temps...depuis le temps où j’écrivais de la poésie.
Je m’étais dit : « et toi, qu’as-tu fait de ton talent ? » et je m’étais mise au défi.
Bref, dans cette bibliothèque, ce deuxième livre s’appelait « Encres », c’étaient des encres en noir et blanc de Zao Wou-Ki, très inspirantes. Je les ai utilisées un peu comme des planches de Rorschach, j’en ai fait une série de poèmes. Pourtant, dans le livre, Zao Wou-Ki insiste sur le fait qu’on peut y voir toutes sortes de choses, en particulier de la nature, mais que pour lui ce sont des oeuvres abstraites.
Récemment, alors que je n’avais vu ce livre sur internet qu’à des prix inaccessibles, j’en ai trouvé un exemplaire beaucoup moins cher et je l’ai acheté.

J’essaie d’aller vers l’abstraction, j’essaie surtout de retrouver la poésie, son essence, ce « dérangement » que j’ai l’impression d’avoir perdu même si j’en écris toujours. Ce qui m’a fait ressentir cela c’est de relire par hasard un poème ancien, « longe », lui aussi inspiré par une oeuvre de Zao Wou-Ki, et j’ai eu l’impression terrible d’avoir perdu la capacité d’écrire ainsi, de toucher cette énigme, cette émotion d’un autre monde.

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