texte retravaillé

par dh, lundi 07 janvier 2019, 16:48 (il y a 1907 jours) @ dh

Critériologie subjective pour tenter de reconnaître les composantes de l'émotion poétique


L’étrangeté

L'étrangeté n'est à proprement parler ni agréable ni désagréable. Elle est un subtil décalage, un léger écart par rapport aux normes qui constituent nos attentes. Ce n'est pas le grotesque ni le bizarre, trop démonstratifs et qui entraînent le lecteur parfois contre son gré dans l'outrance d'une poésie de l'effet mais n'ouvrent pas la lecture vers d'autres modalités de compréhension. L'étrangeté n'est pas non plus l'altérité dans laquelle le soi se perd et se met sous silence. L’étrangeté est un rapport auteur / lecteur qui met en jeu l’imagination, la fantaisie, avec toujours quelque chose d’indéfinissable.


La fragilité

On peut mettre en relation la fragilité avec la souplesse, l'absence de structures rigides qui obturent la lecture et la dirige autoritairement dans une direction plutôt qu’une autre. Dire qu’un poème est fragile n’indique pas nécessairement qu’il parle de choses fragiles, mais que le mode d’exposition des éléments qui le compose ne soit ni trop didactique, ni trop explicatif, et encore moins revendicatif. Suggérer plutôt que nommer, disait Mallarmé, afin que la raison discursive du lecteur, mise en retrait, laisse s’épanouir la richesse des connotations du sens et des sens.


Le souffle

Le souffle est un double mouvement d'inspiration et d'expiration, une circulation d'air qui nourrit le sang, lequel circule dans les veines, propulsé par la pulsation cardiaque. Cette circulation régulière est celle du sens à l'intérieur du poème. Le signifiant est la veine, le signifié le sang. A un niveau cosmique le souffle s'apparente aux courants d'air aériens qui parcourent les étendues terrestres et maritimes. Il peut être léger, rafraîchissant, mais aussi violent et destructeur. La voile des mots le capte pour atteindre de nouveaux territoires de perception et de désir


La Présence


Alors que le souffle est mobile et changeant, la présence repose dans la fixité du sens des mots et des émotions qu'ils peuvent produire, tels que les a voulus l’auteur. S’il y a présence, c’est qu’il y a quelqu'un ou quelque chose qui persiste et irradie dans la lecture une lumière fixe de sens. Peut-être est-ce le sentiment de nécessité intérieure qui a guidé le poète, comme la croissance du fruit ou de l’arbre, qui se transmet par le texte sous la forme d’une émotion au lecteur, d’un arôme, indiquant que le poème ne pouvait pas être autre qu’il n’est, immuablement.

( DH, janvier 2019 )

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