à effacer, voilà la fonction exacte de la poésie

par seyne, dimanche 31 mars 2019, 13:22 (il y a 1824 jours) @ d i v

oui, c'est très proche de ce que je prévoyais de dire, à la suite de focale (15).

J'ai passé quelques semaines dans l'aggravation et la paralysie d'un grand doute : doute sur ma capacité à écrire quelque chose qui mérite d'être donné à lire (capacité qui aurait disparu ou n'aurait jamais existé) - mais bien plus tristement doute sur la poésie, l'écriture, l'art en général.
Comme si c'était une illusion qu'on superpose à la réalité, pour éviter de voir sa permanente et lente dégradation, celle de notre corps aussi, et finalement la mort.

Or je me rends compte que la question n'a aucun sens. Hier j'ai écouté une émission sur Imre Kertész, un écrivain hongrois que je ne connais pas, grand lecteur et même traducteur de Nietzsche, athée, qui a été déporté en 44, à l'âge de 14 ans, en camp de concentration. Les juifs hongrois ne s'attendaient absolument pas, dit-on, à la réalité de camps d'extermination. Ils s'attendaient à des camps de travail. Il décrit la visite médicale qui lui permet d'être sélectionné pour la partie travail, et non l'extermination immédiate, c'est assez drôle.
Mais ce que je voulais dire c'est que lui aussi, en revenant des camps, s'est posé la question de l'art - encore possible ou pas ? Et qu'il a découvert que l'art est absolument inévitable, qu'il est la vie humaine. Par exemple il raconte qu'il lui est arrivé de trouver, en y repensant, de la beauté dans ce qu'il avait vécu dans le camp. Il dit que la mémoire, le regard, ne peuvent exister sans une esthétisation du monde. Nous sommes faits ainsi.
Et plus nous voyons et disons la réalité, plus cette capacité esthétique est vivante.

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