le château

par seyne, vendredi 12 avril 2019, 12:42 (il y a 1840 jours)

dans le fond du passé, où toutes les choses luisent
il y a le vert de cette prairie en septembre.

une sieste solitaire
l’odeur de terre et d’herbe écrasée près du visage
la chaleur du soleil sur la couverture brune
les cailloux qu’on sent sous son corps,
la pente elle-même et ce temps de repos qu’on s’accorde.

un peu plus haut, ancien, l’arrière du château.

j’ai reçu de tes nouvelles par quelqu’un que je ne connais pas – ta femme.
j’ai appris que tu étais mort au mois de mai.

jamais je ne l’aurais imaginé, tu semblais si solide sur la dernière photo où l’on te voit
sérieux et calme, sur le chemin de Compostelle.

je cherche dans mes tiroirs celles que j’avais gardées, blanches et grises :
le château, ses
communs et ses couloirs, l’escalier de devant, la grande salle à manger avec ses
portes-fenêtres et les fresques de singes vêtus élégamment, la cour de derrière serrée par la forêt.

cette fin d’été picarde, l’herbe un peu humide qui déroulait son étendue au soleil
les nuits déjà froides
les taillis des bois alentour, et tous ces vieillards
qui ont quitté depuis longtemps la surface du monde.

ainsi
de toi aussi, le monde est désormais vide.

je me souviens de leurs visages, de leurs façons d’être.
le grand feu dans la nuit, et tout le monde assis avec des couvertures sur les épaules.
et cet endroit où l’on terminait la journée, éclairés par la lumière rouge des braises

et le hasard qui m’y a ramenée avec toi, pour quelques minutes silencieuses
tellement d’années après.
et rien n’avait changé : la poussière juste posée sur le sol
l’âtre
la paix des pièces oubliées.

quelques minutes où la vie se retourne
avant de fuir à nouveau
vers l’avant.

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