Le jour des Merveilles

par seyne, lundi 01 juillet 2019, 17:26 (il y a 1760 jours) @ 411

Ca ne m'étonne pas. Se voir "nu", sans tous le brouhaha de liens dont on entoure généralement nos introspections, c'est se voir seul, et on n'est pas faits pour être seuls.

Tiens, voilà une citation (dont je viens de me servir ailleurs:) mais qui dit quelque chose d'essentiel, je crois :


"...

L’homme n’est pas entier tant qu’il est unique [;]...il est essentiellement un membre possible de la société. En particulier, l’expérience d’un seul homme n’est rien, si elle est isolée. S’il voit ce que les autres ne voient pas, on qualifie cela d’hallucination. Ce n’est pas « mon expérience » mais « notre expérience » qu’il faut penser ; et ce « nous » a des possibilités indéfinies (Pierce, cp 5.402).

Ce « nous » est un général.
Et la panique perturbe ce général. Avec la panique se produit un effondrement de la relation triadique qui lie mon esprit faiseur d’habitudes à d’autres esprits faiseurs d’habitudes eu égard à notre capacité à partager les expériences du monde que nous découvrons. Le repliement solipsiste sur lui-même d’un esprit de plus en plus personnel produit quelque chose de terrifiant : l’implosion du soi. Dans la panique, le soi devient un « premier »monadique, amputé du reste du monde ; un « membre possible de la société » dont la seule capacité est de douter de l’existence de ses liens les plus « charnels » avec le monde, pour reprendre l’expression de Haraway. Le résultat, en somme, est un cogito cartésien sceptique : un « je pense (seulement symboliquement) donc je (doute que) je suis », plutôt qu’un « nous » croissant, espérant et émergent, avec toutes ses « possibilités indéfinies ».
…"

Ce texte est extrait d’un livre d’Eduardo Kohn – pas facile mais il en vaut la peine - : « Comment pensent les forêts ? ». L’auteur s’interroge sur une expérience de panique qu’il a ressentie alors qu’il circulait en bus sur une route qui s’effondrait pas endroits, devant l’indifférence et l’absence d’inquiétude des autres passagers du bus. Cette panique a duré assez longtemps et il s’interroge également sur ce qui l’a soudain fait sortir de la panique.

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