Moments z'ordinaires

par Périscope @, samedi 30 novembre 2019, 09:36 (il y a 1599 jours)

Moments z’ordinaires


Aujourd’hui la ligne des collines
trace la journée,
jusqu’à peut-être ce soir.
Et le déplacement d’air de la queue du chat,
ressemble déjà à une présence.
La fille, à l’arrêt du bus,
dans un rayon de soleil, se prend en photo.
Le bourdon des cloches
se confond au dimanche silencieux.
Mes belles chaussures sont des hirondelles,
si bien que je fais des vols planés,
et je vois des mimosas se balancer,
tandis qu’un cumulonimbus passe.
La fille allume sa bougie. Ses yeux brillent.
Elle ne pleure pas. La flamme au contraire danse un peu.
Le soleil est jaune,
dans le ciel bleu,
sur la campagne verte, aujourd’hui,
c’est exact, géométriquement exact.
Et une pie sur une branche de pin
est rejointe par une autre pie. C’est tout.
Merci ombres et lumières de rendre visible,
sans dévoiler le mystère.
Bébé, dans sa chaise,
regarde devant lui sa grosse mère,
bouffer une glace.
Le matin, je tourne mon café comme un
mortier, dur dans mon bol, pour tenir toute la journée.
Je n’ai plus que ma respiration
pour identité.
La table de ping-pong dehors,
se repose, sous des nappes d’eau lisses et tranquilles.
Un insecte noir grignote la pomme mûre,
l’avenir ronge l‘instant présent.
La blancheur soudaine des azalées,
est comme un sourire tombant du ciel.
Devant moi le grand fleuve coule,
en plein soleil,
tandis que je téléphone à l’hospice.
De l’horloge j’ai bloqué le lourd balancier ;
une demi victoire sur le temps.
Avec les débris de ma vie,
j’ai réussi à faire une cabane.
Il y a des pays,
où la lumière est si fatiguée,
qu’elle ne donne plus d’ombre aux gens.
Sur le muret, courent des escargots.
Les enfants jettent des brindilles sur leur passage.
Déjà dans le râle des animaux,
on entend celui des humains.
Moi, je n’suis pas du matin, dit la fille,
en bâillant, une âpre odeur de nuit aux lèvres.
Ce midi nous irons place Clichy manger des fruits de mer,
et après tu m’ouvriras ton coquillage.
Le souffle de la clim,
dans les vieilles guimbardes,
fait comme un chant de pluie,
pendant l’hiver.
Alors pour expier nos fautes,
le bureau on le range,
les vieux papiers on les jette,
et sa femme on l’aime.
Les films lents sont des trains
qu’on prend en marche,
et ils mènent nulle part au bout du voyage.
Entre chien et loup,
dans la belle voiture des parents,
les bocages griffus défilaient.
Dans le hall,
les yeux brillants des filles
demandent si vous avez amené du Champagne.
Non.
Je jouais dans les vagues,
je suis tombé, et me suis noyé :
souvenir de plage à Saint-Aubin-sur-Mer.
C’est toujours comme ça,
les lacets des chaussures se cassent,
avant l’usure complète des semelles.
Et c’est quand cesse le bruit
du long remplissage de la baignoire,
que flotte enfin un silence.
Devant le banc de pierre
il y a une mare où se reflètent des grands peupliers.
Sur les quais, s’entassent des bagages,
et si un petit enfant pleure parmi eux, que faire ?
Seules les feuilles mortes dans les parcs
sont vraiment solidaires ;
elles bouchent les égouts.
Même un jour férié,
on doit manger,
sans avoir travaillé pour mériter son pain.
Je me lève alors de table.
Quelqu’un me dit ;
« Qu’est-ce qui te manque ? »
« Quelque chose ! ». Et je ne reviens pas.

Mais la nuit escamote
les jambes fines des choses,
et ne restent que des corps en suspens.

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