Confession

par loulou, vendredi 01 mai 2020, 05:54 (il y a 1455 jours)

Je m'émerveille parfois lorsque je me rappelle posséder une connaissance extensive de la Connaissance, un savoir substantiel du Savoir. Parcellaire, évidemment, mais d'une incomplétude par quelque miracle représentative, un monde en petit, une monade à la forme de ma mémoire. Pour le dire autrement, je sais des trucs. Je suis pas le premier, ni le dernier; parmi les gens de ma connaissance, y’en a a qui savent beaucoup de trucs que je saurai jamais, par incapacité ou manque de goût. Mais il savent des trucs; je sais des Trucs. C'est comme ça. Qu'est-ce que je sais? Petite liste: la littérature, la philosophie, les mathématiques, la physique, la biologie, la vie naturelle des plantes, l'aéronautique (je pourrais conduire un petit avion), l'histoire (la grande et la petite), les noms des fleurs dans la rue (et dans le jardin), la théorie musicale, la cuisson des pâtes (et la cuisson du riz), les pensées des gens (en général), rouler des cigarettes (en particulier), claquer des doigts (mais je sais pas siffler), l'informatique (et la programmation), la distribution du dénivelé dans l'Univers, la poésie génétique, les ontôs, ma biographie (et les biographies de mes proches), la biographie des gens célèbres (Victor Hugo, Emmanuel Macron, Benjamin Castaldi…), la véritable nature du rythme en poésie, etc. Au travail, par exemple, les gens viennent me voir parce que, malgré mon (relativement) jeune âge, je sais presque tout ce qu'il y a, dans ce contexte, à savoir, c'est à dire que je sais comment accéder à la connaissance de ce que je ne sais pas : voilà le savoir véritable. De la même façon, le soleil au petit-matin m'interroge, et je lui montre comment disposer ses langueurs sur l'étendoir de l'aube, pour les faire glisser jusqu'aux nuques encore tendres de ceux qui ont la chance d'avoir dormi; je suis le souffleur des ontologies qui ont oublié leur texte, et les voilà distribuer propriétés et prédicats, cependant que la logique modale répète comme l'acteur avant sa représentation l'arbre récursif de ses possibilités devant ma personne. Il m'arrive de faire faire aux objets leur petite récitation, comme les enfants le soir avant d'aller dormir. Il m'arrive de me tenir sur la pointe des pieds pour recoiffer le ciel, ou de remettre la vie à l'endroit, très simplement, si quelque brise l'a déplacée. Il m'arrive de superviser les exercices de yoga de l'étendue, pour qu'elle se déplie en ordre de marche, chaque chose à sa place, et leurs relations bien nouées, dans l'oeil de qui s'éveille. Il m’arrive de redisposer les couleurs de la lumière visible sur leur nuancier, après avoir été attirées par la nuit du côté des ultraviolets, et d’y faire tomber le couteau catégoriel des césures, afin que le rouge reste rouge, le vert vert, et le bleu bleu. Il m'arrive de ranger, de fond en comble, l'idée de Personnalité, voire l'idée de l'Âme, dont je taille régulièrement les rosiers. Il m’arrive d’accorder, pour les premiers joggueurs, les instruments des villes en utilisant le même tempérament que celui utilisé pour l’arche de Noé, et de causer avec Dieu des théories du complot sur l'existence des univers parallèles. il m'arrive de laisser mon numéro de téléphone aux constellations. Il m'arrive de me tromper insidieusement, honteusement, de commettre des fautes graves, de me compromettre sans retour, sans que cela n'ait aucune espèce d'importance. Et pourtant, pourtant, je ne sais toujours pas comment entretenir mon chez-moi, ni quoi faire de moi-même, de mon corps et de mon âme, particulièrement après une insomnie, vers 6 heures du matin.

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