Ouf (v2)

par artrictrac, jeudi 18 juin 2020, 15:26 (il y a 1380 jours)

Ouf


C'était
C'était une
C'était une voix
une voix humaine
chacun l'entend cette voix voix du dedans
la voix minuscule
la voix-pensée qui vibre pour de faux
la voix dans la tête
voix de voix pleine de tête
la voix claire, claire comme une feinte céphalo-rachidienne
(les rottweilers de la voisine pensent-ils à aboyer dans leur tête ?)
(entendent-ils leur voix avant de l'aboyer ?)
(ont-ils l'imagination de la voix ?)
la voix mystérieusement logée au toit du corps et pas à tel ongle tel orteil tel orifice indédié
voix sans surface sans profondeur céphalo-cellophane réduit à son idée d'emballage sous vide
voix dont phallange ne brasserait pas l'eau filante
voix ouverte espace vacant de grotte nappant toutes roches calcaires
roches du crâne effleurées de vide apparent
voix pleine inaudible invoisée voix de sang pulsant dans la migraine voix d'angoisse naufrageant dans le plexus
chant du bocal formol de pensées écholocalisées
nappe totale mouvant linceul sur corps bruni, Voix
invariable contre-alto
voix pas divine, pas Sienne, pas créatrice... eh bien c'était

c'était ma

c'était ma voix ! ma petite voix, toute petite minuscule, que j'élargissais d'un coup, et même moins qu'un coup,
ma voix qu'en quasi-rien j'élargissais en songeant
« rien n'est plus »
ma voix dépeuplant sous terre lombrics cloportes fourmis limaces taupes tatous
ma voix évacuant par grands ensembles simultanés camps de réfugiés célestes et camps un peu moins célestes
ma voix atomisant les hameaux de hobbits et les villes (nos psychotiques villes de béton d'alu) et les Babels hystériques, et les mondes en ligne et les chemins y sinuant
ma voix amalgamant déshabillant dératisant quartiers bourgeois champs et aurores
ma voix déracinant désincendiant et désarbrant les arbres – du saule arctique au sequoia à feuille d'if sempervirent (vu sur arte-découverte), la faune grimpeuse ailée rieuse
ma voix dévoiturant les voies régionales encore boisées (les déboisant), les voies nationales leurs lapins plats bitumés (dénationalisées, débitumés, délapinés), les voies ferrées et déferrées, les voies impénétrables
ma voix de particules fines et de vroum vroum tourisme flash dépassement de vitesse ta gueule connard ; ma voix dévoûtant – comme on arracherait en looping un cockpit vers le haut – dévoûtant ma voix basiliques et continuums de ciels et d'avions ; ma voix en satellites et champ ultra profond de Hubble ; ma voix qui désarchitecture et désurbanise et désindustrialise et désherbe (pesticide) le fatras des constellations les vapeurs de lumière scalaire et ma voix qui perce dans le tas humain post-histoire chaque cellule du papier-bulle spéculatif
ma voix désoxygénant désagrégeant et dématérialisant ; dézinguillant, décomposant, désimplifiant ;
ma voix dédualisant, détrinitisant, démonadisant, démonétisant (après dislike et signalement) la chaîne Youtube de Yahwé
Voix de dépressurisation systémique systématique, de désintégration anthropo-cosmo-théandrique, Voix d'apeirophagie

je l'enflais ma voix ! l'enflais comme le corps croâssant du crapaud-univers, la gonflais comme un diodon bouffi dans la courbure spatio-temporelle de son aquarium, je l'énormais jusqu'au grotesque « rien n'est »
un presque instant suffit, elle prit tout, ingéra tout, emporta tout, tout-tout-tout avec grande nihilité (sa seule probité) fulgura plus-vite-et-brutale-que-déluge, grondant à pire qu'en bouillie, à rien le moindre quark dans le moindre coin-pli-abscisse-ordonnée possible — même Dieu — la moindre cachette, le moindre secret, la moindre issue spirituelle, la moindre illusion d'optique-auditive : sphère de nulle part parfaite éclatée comme un ballon de baudruche entre les griffes hallucinées d'un non-chat de Schrodinger,
ma voix en acte, vent négateur infini d'à peine un maintenant, qu'aucun Dieu ne put égaler, jamais, car Dieu même, sous toutes figures bondieusement bonnes et materpaternelles, avec tous ses verbes – soufflé, pris de court, n'ayant eu temps ou audace de désaccoucher

c'était ma voix ! ma voix ! ma voix création subverse, démanifestation qui vibra d'une infra virgule de temps, désamorçant – comme le reflet d'une explosion de l'autre côté du miroir – l'éternelle unité des contraires, ma voix-voix-voix qui tout éteignit tout éventa tout désenfla tout dévocalisa tout désembobina ! – et avant tout ses organes...

et quand l'interrupteur à tirette du réel fut tiré une bonne fois pour toutes

j'ouvris les yeux

et alors là grande surprise

rien

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