Poète, poésie

par et poème, lundi 07 juillet 2014, 20:39 (il y a 3552 jours) @ Rodrigue

Lundi 7 juillet 2014
Poète, poésie et poème
À Lou, affirmament que je n’aimais pas la poésie, j’ai répondu qu’elle, si. Le problème étant plutôt ce qu’en font font font les petites marionnettes des poètes auto-proclamés et leurs poèmes. Manque de bol, ma remarque est tombé sous l’œil d’Alphonse Salafia - pote poète - et il me demande (amygalement) de m’expliquer.

Ce qu’il te faut savoir, cher lecteur, c’est que pour moi, écrire, dès le début et pour une bonne vingtaine d’année, ça a été écrire de la poésie. Ne vois là aucune prétention d’expertise, c’est juste pour dire que le sujet me préoccupe de longue date. Depuis, j’ai exploré d’autres genres, tout particulièrement la fiction et je préside même aux destinées d’une revue littéraire dans laquelle sont régulièrement publiés Aline Fernandez, Jean-Marc La Frenière, Alphonse Salafia, Gabriel Henry… tous plus poètes les uns que les autres.

Tout ça pour dire que je ne suis pas en guerre. Je ne mène aucune croisade pro ou anti. Après tout, si certains restent persuadés que pour « faire poème », il suffit de passer à la ligne quand il faudrait une virgule, commencer son vers par une majuscule et le finir par un mot désuet mais plaqué or, c’est leur affaire. Mais pour essayer de faire comprendre ce qu’est pour moi la poésie, le plus simple est de partir de ce que je crois : La langue, le langage m’apparaît comme un organisme symbiote. À ce titre, le langage est si intimement attaché à chacun d’entre nous qu’il fait partie de notre personne. Écriture manuscrite, voix, vocabulaire, style : c’est nous. Mais il n’est pourtant ni totalement notre création ni notre propriété puisque nous l’avons appris, que nous partageons notre langue maternelle avec plein d’autres et qu’au final le langage signe notre appartenance à l’humanité.

Là, bien sûr, on pourra penser que l’espèce humaine n’est peut-être pas la seule espèce animale dotée du langage et que les machines ne sont peut-être pas très loin de disposer du leur. Mais ça vient plutôt à l’appui de ma thèse : comment s’étonner qu’un organisme symbiote cherche de nouveaux hôtes ? Pour nous comme ailleurs, pour le langage comme pour les autres organismes symbiotes, l’association est à profit mutuel : à nous, grâce à lui, la capacité de penser, de dire, d’écrire, de communiquer. À lui, grâce à nous, les bénéfices attendus par n’importe quel organisme de n’importe quelle espèce : croître, s’adapter, prospérer, se diversifier, se reproduire.

Et la poésie alors ? On y vient. La poésie, je la vois, je la sens, je la ressens quand le « curseur » de l’expression quitte la zone de service de l’auteur, où elle est utilisée comme outil, comme véhicule du discours, de l’exposé, et que l’expression quitte également la zone opposée du foisonnement formel, de la recherche, de l’exploration, pour se situer pile poil au point d’équilibre entre les deux. Autrement dit, le poème me touche quand il témoigne de la symbiose, quand le poète ne parait pas tordre le bras de la langue pour lui faire avouer on ne sait quoi, mais également quand le poème n’apparaît pas comme du langage désincarné, sans rien ni personne derrière. C’est donc bien entre le poète et le poème qu’apparaît la poésie*, à distance identique des deux, mais les réunissant, témoignant également de l’être et du langage.
* On pourra remplacer par "auteur" et "texte", également par "réalisateur" et "film" etc. La poésie n'est pas l'apanage de la langue ; plutôt de l'expression.

Jean-Marie Dutey

trouvé chez JML

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