Extrait 2 / de "dix jours en mai"

par Ecrire, mardi 02 juin 2015, 16:02 (il y a 3263 jours)

Je recueille encore ses paroles, longtemps après qu’elles se soient
éteintes. La lumière décline doucement, jusqu’à ce que nous soyons plongés dans la pénombre. Alors, je m’entends dire.

« Je sais peu de chose. Ce peu, je le dois aux bons soins d’une aïeule. Sans son témoignage, je serais aussi démuni qu’un bébé d’éprouvette. Ma mère n’abordait pas le sujet. Tout au plus s’y résolut-elle une ou deux fois, du bout des lèvres et de manière allusive.

Il est difficile de sortir d'un trou de cette sorte. La vacuité originelle ne se laisse guère oublier. On reste coincé quelque part entre la vie et son motif, mal élucidé. Il faut s’inventer là-dedans. C’est peut-être une chance.

J’ai parfois admiré les gens de vocation. Ceux qui font carrière de leur existence. C’est comme s’ils avaient été programmés pour une finalité précise, toute tracée à l’avance. Ce sont des trains. Ils partent à l’heure. Respectent les arrêts. Suivent des rails de bout en bout, jusqu’à la destination finale. Et si l’on s’étonne auprès d’eux d’une telle cohérence, ils s’en défendent avec autant de véhémence que de modestie. Mais non, mon bon monsieur, nous aussi nous avons nos hasards, nos tribulations et autres tombolas ! Vous voyez briller notre étoile, mais que savez-vous des cailloux qui s’invitent dans nos chaussures ?"

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