Black Mountain

par zeio @, vendredi 10 juillet 2015, 14:55 (il y a 3221 jours) @ zeio

Et certainement pas eux, qui voudraient pour rien au monde s'intéresser à leurs propres textes, quand bien même il s'agit de leurs propres textes, ou disparaître en usurpant le pseudonyme de quelqu'un d'autre, ou avouer une affection profonde et complexe pour quelqu'un d'autre sans être en mesure de l'exprimer autrement que par un long silence négligé, dégraissé, ou en usurpant le pseudonyme de quelqu'un d'autre, ou de trouver mille et une manières de disparaître et de s'auto-effacer ou de s'auto-dénigrer, ou encore de s'auto-flagéler voire de s'auto-enculer par la racine d'un verbe maculé, avec tout ce qu'il faut d'affection pour un grand vide sur lequel on a posé le visage de quelqu'un d'autre, quand il s'agit de dénigrer consciencieusement quelqu'un d'autre, pour éviter de se dénigrer soi-même, car cela est certes lassant et classique, la facilité étant de prendre le chemin le plus difficile à savoir de ne jamais rien avouer et de voir dans le monde un amas de malséances impropres et défigurées qui nous ignorent avec toute l'outrecuidance nécéssaire au bouillon pour prendre ce teint noirâtre et cette viscosité sophistiquée. La facilité étant naturellement d'entrer dans le monde à reculons, avant de se plaindre de sa distance, de sa froideur et de sa malhonnêteté, de déployer la totalité du peu d'énergie qu'il nous reste à détecter à tout prix, je dis bien à tout prix, détecter un grain de beauté très noir tombé là par hasard sur un visage certes resté très blanc, je dirais porcelaine, mais peu importe, ce qui entre en ligne de compte, par-dessus tout, je dis bien par-dessus tout le reste, c'est ce grain de beauté très noir aperçu quand bien même le mouvement du visage était rapide et la pièce passablement mal éclairée. Ce grain de beauté très noir propre à défigurer le visage qui est restée, certes, de façon générale, proche de la porcelaine mais peu importe, le grain de beauté très noir resté planté là a suffit à gâcher le tout et surtout, les quelques mots prononcés malencontreusement par ce visage, lequel pourtant, nous le croyions fermement, ne contenait pas de lèvres (ni yeux par ailleurs, ni pommettes rouges, ni rien), les quelques mots que ce visage inopportun a pu prononcer, peu importent, les quelques mots prononcés par le visage qui pourtant ne contenait pas de lèvres, éclipsés, aspirés sur-le-champ par le grain de beauté très noir qu'il s'agit désormais, avec la totalité du peu d'énergie qu'il nous reste, de décrire et d'approfondir le plus scrupuleusement du monde, le grain de beauté très noir qu'il s'agit maintenant de dépecer, semblable à une tâche solaire entêtante.

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