dreamed a dream

par Claire, dimanche 06 décembre 2015, 10:48 (il y a 3073 jours)

la tristesse vibre comme une harpe :
pas de doigts, un courant d’air
une vibration de la terre


de l’autre côté de la montagne
la maison est fermée devant l’hiver
mais dans cette pièce
la fenêtre est grande ouverte
l’air froid l’a investie
avec les odeurs de tout ce qui est alentour.


l’esprit fait le tour de la montagne et revient
rien n’a été rencontré
la pluie va bientôt entrer dans la pièce
mouiller le sol sur une mince lisière.

je suis là, et pas là.

maison-maisons

par Claire, dimanche 06 décembre 2015, 10:52 (il y a 3073 jours) @ Claire

Je
suis le témoin de toi
de la petite maison au fond des forêts
où la nuit
tombe

la maison réfugiée
témoigne
au fond des endroits
où nul ne va

je
la regarde

depuis la bordure du bois
ce que tu es s’est assis en tailleur
couvrant le temps
arrêté

l’humidité a tout pénétré
et tout s’est déposé
comme des feuilles d’années
en paquets

la petite maison comme une poule couve
ce que tu es - étais.

maison-maisons

par catr, dimanche 06 décembre 2015, 22:55 (il y a 3073 jours) @ Claire

j'y suis et je n'y suis pas
il y a cette petite côte moussue où l'herbe perse
la fourmilière bombée les pommiers blancs
la mi-août la gelée claire

tout près du cottage le ruisseau chante
entre les pierres du pays
les fougères et les amélanches
il n'y aura pas de cassis cette année

ils ont fermé la grande maison
tout rangé — trop propre — trop
c'est pour la mise en vente
mais ils ne la vendent pas

c'était le lieu de mon aïeule
le lieu de ma mère
mon ancre et ma réserve
et la terre qui me garde

même ailleurs mon coeur y tient
l'esprit en rêve et retrouve l'odeur
des marées mêlée aux cèdres rouges
immenses et — immense

je n'y suis pas et j'y serai toujours

[mais ils ne la vendent pas]

par Claire, lundi 07 décembre 2015, 09:17 (il y a 3072 jours) @ catr

je suis en train d'écrire un truc sur l'Irlande, comme un pays que j'aurais dû quitter - sans doute - et dont je resterais l'exilée. Il y a beaucoup de choses dont je suis l'exilée sans les avoir habitées.
Il y a des maisons où on n'a jamais mis les pieds, importantes à cause de ceux qui y vivent.
Il y a les maisons qu'ils ne vendent pas, qu'ils ne peuvent pas vendre parce qu'elles existent trop dans l'esprit de quelqu'un pour avoir un prix, il y a les maisons qui sont non pas autour de nous mais au dedans de nous. Celles qui nous font signe du bout du temps.
Il y a la maison qu'on visite une dernière fois juste avant les travaux, et c'est comme si on voyait changer de fond en comble l'intérieur du corps et du cerveau de quelqu'un, en lui laissant la peau.
Tout cela est nécessaire, les maisons vides ne peuvent être transformées en musée, tout passe de main en main. Mais ça fait un peu mal quand même, sur le moment.

[mais ça fait mal un peu quand même]

par catr, lundi 07 décembre 2015, 14:31 (il y a 3072 jours) @ Claire

j'avais commencé une suite de textes situant l'être entre sa maison extérieure, celle qui l'abrite, et sa maison intérieure, celle qu'il abrite. mais l'écriture s'est arrêtée. par la sensation de flottement (recherchée), tranquillement je me suis souvenue de l'ancienne maison de ville que mes grands-parents habitaient et à laquelle nous nous rendions, tous petits enfants avec ma mère. en y repensant j'ai retrouvé le sentiment exact d'une disparition. la sienne. puis, la mienne aussi, dans les immenses rideaux de velours turquoise doublés de grands-jours crissant. j'adorais cette gigantesque maison anglaise, ses quatre étages, sa chambre de cèdre que j'avais nommée "le trésor de Naphtaline" comme s'il s'agissait de la chambre d'une personne. cette maison comptait douze lits, sept salles de bain, deux salons, et plus et tant. elle comptait également une loge de jardinage. c'est cette dernière qui m'était particulièrement fascinante : il y faisait sombre et l'odeur qui y régnait, entre terre noire et moisissure, me faisait frissonner, sur les étagères très sales et poussièreuses s'alignaient de petits bocaux de verre soigneusement étiquetés où étaient rangés les bulbes de tulipes, de narcisses, de jacynthes, et toute une collection de graines aux formes étonnantes. ma grand-mère chuchotait en disant que "tout le monde dormait" dans ses petits pots, j'étais convaincue qu'elle cachait de la mandragore et autres condiments de parfaite sorcière. c'est en retrouvant ces souvenirs que je réalisai que je n'avais jamais eu d'autres maisons que celles que ma grand-mère avait habitées...

bien des années plus tard, grand-mère dirait comme si elle venait d'échapper un vase de chine "ho! la maison ! la maison !" en couvrant immédiatement sa bouche de ses deux mains, réprimant à la fois l'amour pour la demeure et la douleur intime, incurable, du décès de sa fille ainée.

[mais ça fait mal un peu quand même]

par Claire, lundi 07 décembre 2015, 18:49 (il y a 3072 jours) @ catr

"jamais d'autres maisons que celles que ma grand-mère avait habitées" peut-être parce que vous portiez, elle et toi, la même habitante.

[mais ça fait mal un peu quand même]

par catr, mardi 08 décembre 2015, 15:37 (il y a 3071 jours) @ Claire

euh, c'est certain, mais bon , tu écris maison je réponds maison ...
maison-donc... (et hors causalité.s)

[mais ça fait mal un peu quand même]

par Claire, mardi 08 décembre 2015, 16:38 (il y a 3071 jours) @ catr

c'était en écho à ta maison intérieure/maison extérieure.

maison-maisons

par Claire, jeudi 10 décembre 2015, 21:58 (il y a 3069 jours) @ catr

Notre première maison, nous l'avons achetée à un homme qui nous semblait âgé, ne l'était sans doute pas tant que ça. Je me souviens de son émotion chez le notaire, il était rouge en écoutant l'interminable lecture des documents. Il nous avait dit qu'il avait perdu sa femme peu de temps auparavant. Nous étions venus revoir la maison avec notre premier fils, qui avait 5 ans.
Après lui avoir dit au revoir, en sortant de chez le notaire, nous sommes allés avec nos clefs, ouvrir la maison. Il avait laissé bien en évidence une petite boîte à musique dans une des chambres, avec un couple de minuscules danseurs entourés de miroirs. Ca m'avait beaucoup touchée.
Les papiers peints étaient désuets. Dans la petite salle de bains il y avait un papier peint à fond blanc, avec des oiseaux et des branches. Les deux enfants suivants ont été baignés, changés là, les yeux errants sur les arabesques.


La dernière, celle où je vis en ce moment, c'était pareil : le propriétaire avait beaucoup de mal à la quitter, pas trop le choix, sa femme avait un alzheimer. Il nous a relancés plusieurs fois. Il nous a invités le soir pour voir le coucher de soleil sur le balcon. Il avait ouvert une bouteille de vin d'Alsace. Il nous a parlé des projets qu'il avait encore pour la maison.
Dans un des placards du sous-sol il avait laissé de nombreux livres, des livres de psychologie, des recueils de pensées philosophiques.


Mon jardin dans les hortillonnages, il m'a fallu le vendre parce que je n'arrivais plus à l'entretenir. J'y ai amené un couple d'amis en barque avec leurs deux fils de 8 et 11 ans. Ausstôt ils ont commencé à imaginer dans quels arbres ils feraient leur cabane, comment ils dormiraient dans la maisonnette. Ils ont assiégés leurs parents (leur mère surtout qui n'était pas encore décidée) : dis oui ! dis oui !
Leurs parents leur ont dit qu'ils devaient discuter à deux, on est repartis...
un quart d'heure après mon ami m'appelait en riant : "bon, c'est oui .."

vendre, acheter une masion, c'est émouvant, et pas forcément triste. Souvent il y a une sorte de rencontre heureuse aussi entre acheteur et vendeur. On est content de penser que ce sont ces gens-là qui vont prendre la suite.

maison-maisons

par catr, dimanche 13 décembre 2015, 18:00 (il y a 3066 jours) @ Claire

parfois l'été j'allais quelques jours ou quelques semaines soit chez ma grand-mère, soit chez une tante ou en colonie de vacances. je laissais ma chambre toute rangée, j'avais hâte de revenir. pourtant je revenais rarement. je veux dire que je revenais, je retrouvais bien mon lit et mes petits avoirs (quoique des objets et des petits papiers avaient disparu sans que je n'y puisse rien) mais ce n'était pas dans la même maison.

— ...on est où?
— à la maison..
— mais non voyons, ici c'est pas chez nous !
— ta chambre est au fond.


c'était chaque fois le même vertige, et si ce n'était pas du vertige la sensation procédait d'un savant mélange de perte, de chagrin, de distance irréparable, avec la peine de n'avoir jamais pu dire aurevoir ou adieu, une sorte de culpabilité qui ne m'incombait pourtant pas, puis encore l'accablement de devoir tout recommencer les apprentissages, les repères, les noms des rues, le quartier, le chemin de l'école. et dès que je pensais à l'école j'avais des crampes dans le ventre. mes joues cuivrées devenaient blêmes. je tremblais comme une feuille. alors j'allais retrouver mes petits frères, et dans leurs yeux je trouvais très exactement les mêmes incompréhensions, le même déracinement.

maison-maisons

par Rémy @, lundi 14 décembre 2015, 00:24 (il y a 3066 jours) @ catr

C'est parce que vous n'aviez pas pratiqué de rituel de séparation en partant ni de retrouvailles en revenant ! En partant il faut dire au-revoir à l'endroit d'où on s'en va en laissant quelque chose comme si on allait revenir bientôt : un bouquet de fleurs, ou un livre ouvert, ou de l'encre dans l'encrier, ouc.. Sinon l'endroit croit que tu l'abandonnes, et, vexé et malheureux, il t'abandonne aussi, et le résultat, c'est ce que tu décris.
Ensuite en revenant il faut fêter les retrouvailles en apportant une trouvaille. Souvent c'est un petit bidule qu'on trouve dans la rue ou dans l'escalier : une pièce d'un kinder surprise, ou une boucle d'oreille, ou une pièce de monnaie qui n'a plus cours, ouc.. Mais pas une ordure, genre un vieux briquet qui ne marche plus, une capsule de bouteille cabossée, ni un bouchon de stylo ! Et pourquoi pas un papier gras ou une crotte de chien, tant qu'on y est ? Non ! Il faut que ce soit une trouvaille. On la nettoie bien et on la met dans l'endroit à retrouver, dans une boîte, ou dans un tiroir, ou dans un coin. De temps en temps on la retrouve et on se souvient d'à quoi elle a servi.

Il faut aussi faire la même cérémonie de trouvaille quand on emménage quelque part. Dans mon appartement actuel c'est un minuscule jouet en plastique vert (strictement interdit aux enfants, qui pourraient l'avaler) qui représente un oiseau qui picore (pas une poule, plutôt un merle ou un pigeon, mais uniformément vert clair). Je l'ai mis dans la salle de bain à côté des cotons-tiges et des cure-dents.
Et quand on s'en va pour toujours, il faut faire une cérémonie d'adieux et de deuil en cassant un objet. Pas un gros ! Ni un qu'on avait oublié et qu'on ressortirait pour l'occasion, ce serait méchant. Non, un objet utilisé mais usé, ou bien un qui a été bien utile mais qui ne l'est plus. On le casse dans le lieu qu'on quitte pour toujours et ensuite seulement, après avoir pris congé, on jette proprement les morceaux.

---------------------------

Tiens, cette semaine des poissons sont nés dans mon aquarium ! Une première énorme femelle black molly avait accouché mardi dernier (elles sont ovovivipares, on voit tout de suite les alevins), une deuxième, toute petite mais bien gonflée a aussi diminué jeudi ou vendredi, et aujourd'hui j'ai vu la troisième (aussi une grosse mafflue) perdre les œufs. Je suis arrivé juste à la fin de l'accouchement, je n'ai pas vu sortir les alevins, seulement la gelée qui les entourait dans le ventre de leur mère. Elle gît au fond tout épuisée, et l'aquarium grouille de larves noires, les dernières nées encore à moitié transparentes et avec un gros ventre, mais frétillantes, les nées de mardi déjà bien dégourdies et annageant (les poissons ne peuvent pas accourir !) quand je mets des flocons de nourriture. Au moins 25 ou 30 ! Normalement les adultes en avalent, mais j'ai une grosse boule de mousse de Java, les petits ont tous survécu cachés dedans. Qu'est-ce que je vais bien pouvoir en faire ?

maison-maisons

par catr, lundi 14 décembre 2015, 01:11 (il y a 3066 jours) @ Rémy

hé bé, chanceux, t'as d'jà tes cadeaux tout prêt, pas b'soin d'faire des courses,
un ou deux alevins dans un ziplock et hop un chou ! talalam ! noyeux joël !
ou tu les glisses dans une bouteille de vin blanc bien rincée, un bouchon et hop un chou !
...heu... t'as une collection de bouteille ou t'as tout foutu à la récup ?
(je te taquine bien sûr) ;)

maison-maisons

par Rémy @, lundi 14 décembre 2015, 18:09 (il y a 3065 jours) @ catr

Mais c'est qu'il faut les loger, les chauffer, les filtrer et les nourrir... Tout le monde n'a pas la place ni les moyens... Et avec 1/2 cm de long et va savoir combien d'arêtes, on ne peut pas non plus les manger...

Remarque qu'à part les blacks et la mousse de Java, j'ai aussi une pullulation d'escargots, et dans l'autre aquarium, une invasion de crevettes. Une tite bouteille, là-dedans un bouquet de mousse, un escargot, une crevette rose et un alevin négrillon, et à côté de ça un tube de flocons de nourriture de toutes les couleurs, ce serait mignon.

À suivre... Donne-moi ton adresse que je t'en envoie un par la poste ! Je l'ai déjà fait avec des crevettes, ça marche très bien.

maison-maisons

par catr, lundi 14 décembre 2015, 19:44 (il y a 3065 jours) @ Rémy

tu crois que les crevettes suporteraient le voyage jusqu'en amérique ? hihi


en tout cas tes amis seraient choyés, si j'étais à côté je te dirais tout de suite que je viens chercher un super combo ;)
(never been to Berlin)

maison-maisons

par Rémy @, mercredi 16 décembre 2015, 21:33 (il y a 3063 jours) @ catr

Ah pour l'Amérique je ne mettrai pas de nourriture, c'est interdit. Tu devras en acheter au magasin d'animaux de ton quartier.

Les crevettes et les escargots survivent à tout tant qu'il ne gèle pas. On pourrait d'abord s'envoyer un thermomètre à mémoire pour vérifier. Par contre les petits poissons, c'est plus délicat. D'un autre côté, si le poisson meurt, ça fait de la nourriture pour les invertébrés... La mousse ne survivrait pas à une semaine dans le noir, mais c'est pas grave, tu en trouveras sur place.

maison-maisons

par catr, mercredi 16 décembre 2015, 22:01 (il y a 3063 jours) @ Rémy

! chuis open à l'expérimentation postale !
tu devrais avoir reçu skifo dans un mail

maison-maisons

par catr, jeudi 17 décembre 2015, 18:37 (il y a 3062 jours) @ catr

(étoile)






nous ne savions pas. mes frères et moi. nous parlions chacun son tour de ce qui avait été. assis au sol les jambes croisées, nous nous touchions les genoux les mains en racontant l'espace que nous avions quitté, ce qu'il avait été pour chacun. enfants d'architecte, nos mots reconstruisaient des chambres des couloirs des cachettes, et pendant que nous échaffaudions raisons sentiments les lieux quittés brillaient entre nous. nous ne savions pas que tout en racontant deux garçons une fille dessinent avec leur corps et leur coeur un triangle dans un espace présent et que leur esprit dessine un second triangle d'espaces passés. plus nous parlions plus l'espace était vivant, plus nous prenions de la force, une sorte de courage, une plus grande capacité à voir et comprendre. ces instants partagés à refaire le monde du monde et notre place en lui aura été notre plus grand secret. à trois nous formions une étoile. nous la formerions jusqu'à ce que nous soyons séparés.

de quelque endroit de la maison le père nous hélait, que faites vous, disait-il. nous repondions que nous étions en voyage, vers Jerusalem

inclinaisons

par Claire, mardi 15 décembre 2015, 22:24 (il y a 3064 jours) @ Claire

comme un ange
bras au repos
flancs d'une montagne
cape mouillée d'un berger
surpris par la nuit sous un arbre.

les yeux vivants à l'intérieur du crâne
la tiède cathédrale
fermée au public après la cérémonie.

cherchant par quelle issue
du corps repassera la route
ou la rivière dont le flux naissant
était si glacé
en sortant du fond de la terre.

rêve rêvé

par catr, jeudi 17 décembre 2015, 19:04 (il y a 3062 jours) @ Claire

la maison dans la montagne
dort entre les cèdres et les épinettes
une brise caresse le manteau de la cheminée
la rampe d'un escalier
un parquet de bois orange
elle attend un retour qui n'arrive jamais
fenêtres et portes ouvertes
mon souffle court sur les arbres
le chemin de pierres moussues le ruisseau
dans le miroir de la chambre du haut
apparaît mon visage
je suis
la maison dans la montagne