Ténia

par Écrire, mardi 26 avril 2016, 22:27 (il y a 2928 jours)

Dans mon portable, j'ai trouvé ces quelques mots : si tu m'aimes, laisse moi partir. Cette phrase ne m'a plus quitté. Elle s'est installé dans mon cerveau et depuis, elle mange tout ce qui passe à sa portée. Un genre de Ténia cérébral. Une migraine qui bouge. Tel que je le conçois, (car il a omis de m'expédier sa photo) l'intrus est rose, hérissé de poils pubiens. De longueur variable, il manifeste une élasticité opportuniste. Sa grosse tête de propriétaire présente une grappe de quinquets globuleux, indénombrables et pas drôles. Il est difficile de déterminer si cette bestiole obsessionnelle est aveugle ou visionnaire. Ce qui est sûr, c'est qu'elle n'est jamais rassasiée.

Ténia

par Claire, mardi 26 avril 2016, 22:31 (il y a 2928 jours) @ Écrire

oui, on entend un bruit de succion dans cette phrase.

Ténia

par Rémy @, mercredi 27 avril 2016, 21:06 (il y a 2927 jours) @ Écrire

Ça marcherait mieux en anglais ou en allemand, langues dans lesquelles il n'y a qu'un mot pour "laisser faire" et pour "faire faire".

Ténia

par Écrire, jeudi 28 avril 2016, 21:50 (il y a 2926 jours) @ Écrire

L'animal de tête suggère les lapins d'enfance. Ils s'alimentaient sans cesse. Nous remplissions quotidiennement leurs cages de nos cueillettes. Ils avalaient en dix minutes le fruit d'une heure de labeur courbé. L'été, nous les convertissions en tondeuses à gazon. Grand père avait confectionné des dômes grillagés que nous mouvions de place en place sur les herbes hautes qui envahissaient la cour. Ils avaient tôt fait de tout ratiboiser. C'étaient des bêtes à concours. Des raseurs de première, capable de rivaliser avec un troupeau de vaches. On aurait pu proposer leurs services aux voisins. Sauf qu'on ne confie pas volontiers des phénomènes de ce gabarit à des étrangers, fussent-ils mitoyens. À ce rythme, les rongeurs forcissaient plus vite que des Sumo. Cette croissance leur était fatale. Ils récoltaient l'un après l'autre un méchant coup de gourdin sur la nuque. Crac. J'assistais à l'ensemble des opérations, de l'exécution à la suspension sur un croc de boucher. Ensuite, grand père dépiautait l'herbivore, l'éventrait et le vidait de ses organes. C'est seulement alors que je commençais à éprouver un certain soulagement. Pensez, ce salopard et ses semblables avaient failli nous réduire en esclavage !

Ténia

par Rémy @, jeudi 28 avril 2016, 22:10 (il y a 2926 jours) @ Écrire

Héhé, ça ne va pas plaire aux bobos éleveurs de poules sur leur balcon...
Et le plus terrible, c'est qu'on peut ressentir ça même pour des plantes ! Au service de l'haricot vert à récolter avant qu'il fasse du fil, puis condamné à manger aujourd'hui la salade qui monte et demain la pomme qui pourrit... Le supermarché est quand même une grande invention libératrice, qu'on le veuille ou non. Pour autant qu'il vende régulièrement du lapin - chez moi c'est trois fois par an, et alors on est esclave du supermarché, on mange ce qu'il y a dans les rayons au moment où c'est dans les rayons. Et franchement, esclave d'un supermarché c'est encore pire qu'esclave d'un lapin.

Ténia

par Écrire, samedi 30 avril 2016, 13:29 (il y a 2924 jours) @ Écrire

J'aime à croire que, tandis que nous rétablissions l'ordre naturel, les lagomorphes réalisaient l'ampleur de leur méprise et l'inanité de toute prétention à nous détrôner. D'ailleurs, aucun auteur de science fiction n'avait songé à rédiger un roman intitulé "demain les lapins". Cela illustrait assez combien cette occurrence était inconcevable. Nous avions donc échappé à l'inimaginable ! Pour autant, nos apparences étaient sauves et nous persistions à considérer nos concitoyens en qualité d'égaux différemment pareils.

Ténia

par Écrire, samedi 30 avril 2016, 14:01 (il y a 2924 jours) @ Écrire

Le meilleur moment survenait à l'heure du repas. Le plat fumant consacrait la prééminence des "petites oreilles" attablées sur les grandes qui avaient disparues, leurs souvenirs en sauce ne suggérant à la postérité que quelques sensations fugaces dans nos palais. Nous avions gagné la partie et bientôt, emporté les morceaux. Mais avec le ver occipital, la chaîne alimentaire s'inversait. Le lombric gobait mon énergie psychique à la source. "Si tu m'aimes laisse moi partir" frisait l'injonction paradoxale. Ça rendait fou et comestible.