Amuse-gueule

par zeio @, mardi 03 mai 2016, 17:34 (il y a 2921 jours)

Ma grande frayeur était de voir mes amis graduellement se muer en coquilles vides, en automates qui ont à leur disposition un cortège de divertissements intoxicants, avec dans leur corps et leur esprit, un assemblage d’algorithmes capables de s’adapter à toutes (ou presque) les situations possibles. Plus le temps passe, hélas, plus je réalise que ma crainte de toujours est plus fondée que je n’osais l’imaginer. Mais c’est peut-être moi qui me résorbe, comment le savoir, peut-être est-ce moi qui me détache, comme un opercule, du grand cylindre évanescent et putréfié qu’ils appellent l’existence, dans un curieux et paradoxal renversement de la terminologie.
Ils vont bon train dans la vie comme dans un paysage éclairé par un nombre illimité de signaux versicolores, qu’il s’agit seulement de suivre, tandis que je reste fixé dans l’arrière-boutique des choses, sous le coup d’un effet retard que je n’ai jamais été en mesure de compenser, malgré mes efforts ou plutôt, il serait plus honnête de dire : à cause de mes efforts. Les signaux s’éteignent aussitôt que je m’en rapproche, plutôt que de courir vers le suivant, situé un peu plus loin, j’ai rompu le combat, pour me laisser porter par les courants de l’univers, qui me portent d’ailleurs bien mieux que ne le pourraient mes propres jambes. Dénué de volonté quand il s’agit de rivaliser dans cette course à bâtons rompus vers cessation et la mort. Mais le réconfort vient du fait que je ne m’y trouve pas seul, dans cette arrière-boutique, et que je ne me suis jamais senti véritablement seul, tout court. On a dit que les chats se cachaient pour mourir, vraisemblablement il n’en va pas de même pour les hommes, qui accumulent les chants du signe de leur vitalité et de leur intelligence, pour en faire ce brasier violent, éblouissant et sonore dont ils ont le goût. Je nourris pour ma part un petit feu sacré, à l’abri des phénomènes, avec tout ce que je peux offrir d’attentions et de soins ; il ne sert peut-être à rien, mais je le préserve tout de même, ce petit feu sacré auquel j’ai tout confié. Il brasille sous les étoiles.

Amuse-gueule

par julien, mardi 03 mai 2016, 19:27 (il y a 2921 jours) @ zeio

Bravo. C'est très juste.
Quoique le titre, qui pourrait être bien, ne l'est pas tant que ça, je trouve. Quel sens tu y mets, en fait ?

Amuse-gueule

par zeio @, mardi 03 mai 2016, 19:54 (il y a 2921 jours) @ julien

Merci julien pour ton retour. Le titre m'est venu comme ça, difficile d'expliquer le sens... L'idée est quand même d'avoir quelque chose d'improbable, qui n'alourdisse pas le texte, qui ne donne pas de piste évidente, quitte à ce qu'il y ait un contraste quasi inexplicable entre le texte et son titre. Je crois quand même qu'il y a de l'auto-dérision dans ce titre.

Amuse-gueule

par julien, mardi 03 mai 2016, 20:04 (il y a 2921 jours) @ zeio

Ok. "Arrière-boutique" eût mieux convenu, mais collait peut-être trop à ton goût...

Amuse-gueule

par zeio, mardi 03 mai 2016, 23:50 (il y a 2921 jours) @ julien

C'est pas mal, mais ça reste trop évident je pense. De toute façon je suis pas sûr que ce texte a besoin d'un titre. Ou alors, un titre générique du type "Carnet".

Amuse-gueule

par julien, mercredi 04 mai 2016, 09:23 (il y a 2921 jours) @ zeio

Amuse-gueule

par Florian, dimanche 08 mai 2016, 02:04 (il y a 2917 jours) @ zeio

Ah les carnets du sous-sol. ..