Une histoire de mains

par Celine 1946 @, mercredi 18 mai 2016, 19:44 (il y a 2901 jours)

Une histoire de mains



Quand la pluie diluvienne cesse, quel silence !
Les doigts caressent longuement d’autres doigts.
Claude s’interdit de regarder ailleurs que dans les yeux de Prisca.
Du bout des doigts, Bénédicte compte, avec lenteur, les grains de sa peau.
Pascal change de position pour réunifier pensée et sensation.
Tous s’efforcent quand même de rester à distance, sauf les mains qui travaillent tactilement.
Dans une supérette du quartier, on laisse un SDF feuilleter librement le journal, sur le présentoir.
« Liberté » est un mot qu’on affuble des parures les plus extravagantes.
On peut admettre alors que c’est le vêtement qui crée la forme.
A l’âge de soixante ans, Claude s’étonne qu’on l’appelle « monsieur ».
C’est qu’il se soupèse machinalement le sac à sperme, chaque matin, pour s’assurer qu’il existe.
Sur le petit nez de Bénédicte, il écrase son corps lourdaud.
Quand la pluie diluvienne cesse, dans le regard des vieux, on pourrait lire comme le désarroi démuni d’un enfant.
A Bruxelles, un attentat terroriste fait trente quatre morts.
Prisca, Claude, Bénédicte, Pascal, parlent poésie à table, en mangeant des rouleaux de printemps.
Béranger est un acteur. Il porte la ceinture de cuir de son personnage, à la scène comme à la ville.
Bien sûr chaque peignoir habille une nudité.
Dans la rue, une femme gravement handicapée, s’appuie contre le poteau électrique.
Si un enfant la regarde en souriant, elle s’oblige à sourire.
Les humains s’irritent souvent quand leurs machines grincent.
Avant leur départ précipité, Avigdor et Larbi s’échangent une longue et chaleureuse poignée de mains.
Les pluies diluviennes peuvent recommencer.

Une histoire de mains

par dh, jeudi 19 mai 2016, 10:58 (il y a 2900 jours) @ Celine 1946

pourquoi ce pseudo ?

Une histoire de mains

par cat&raven @, jeudi 19 mai 2016, 13:36 (il y a 2900 jours) @ dh

(m'enfin quoi, dh, c'est son trip, ça le/la regarde ; pourquoi gratter un masque ?)

Une histoire de mains

par Celine 1946 @, jeudi 19 mai 2016, 21:23 (il y a 2900 jours) @ dh

En hommage à un grand écrivain fort critiqué pour des raisons que je ne remets pas en cause. En hommage aussi au Paradoxe, la Contradiction, l'Equivoque. D'ailleurs Céline peut se porter aussi au féminin. 1946 : je n'étais pas encore expulsé de l'orifice. Donc j'ai de cette période qu'un rêve troublant.
Mais revenons à "Histoire de mains", c'est ça qui m'intéresse.

Une histoire de mains

par zeio, vendredi 20 mai 2016, 00:57 (il y a 2899 jours) @ Celine 1946

Céline est parmi mes écrivains préférés. Rien n'oblige à remettre en cause ou non ses penchants diaboliques (ses pamphlets), on peut s'en tenir à sa création littéraire, qui est inouïe.

Une histoire de mains

par Rémy @, vendredi 20 mai 2016, 00:47 (il y a 2899 jours) @ dh

Ça se lit à l'américaine : cilaïn, c'est-à-dire sea line, en français "estran".
Sinon il faut aussi gougler à ce propos "see line woman", "sea line woman", "sea lion woman" et "Nina Simone".

Une histoire de mains

par Écrire, jeudi 19 mai 2016, 22:29 (il y a 2900 jours) @ Celine 1946

Celui-ci déroule une chouette partition sous les pluies et de mains en mains.

Une histoire de mains

par Claire, vendredi 20 mai 2016, 15:05 (il y a 2899 jours) @ Celine 1946

on s'intéresse forcément à la construction de tes textes parce qu'elle surprend l'esprit, l'obligeant sans cesse à changer de focale avec des petits morceaux de réalité faussement isolés dégageant quand même un sentiment d'unité, de réalité commune (c'est ce que je voulais dire par "cubiste" ).
Mais je voudrais parler aussi de la tonalité émotionnelle, que j'aime beaucoup : une tendresse pour l'humanité éloignée de toute mièvrerie, un peu mélancolique mais pas désespérée du tout.

Une histoire de mains

par Claire, vendredi 20 mai 2016, 18:19 (il y a 2899 jours) @ Claire

ou on pourrait dire plus justement : tendre, amère, perçante et veloutée...