Exoplanète

par catrine, jeudi 16 octobre 2014, 22:07 (il y a 3473 jours)

apocalypse* [ chant haut ]









courez jeunes loups courez
dévorez la chair chaude
courez dans les eaux et
donnez-leurs vos tumultes
qu'elles soient plus que vives
et blanches de lait
engendrez la steppe
jaune le fjord et la grotte
que le grondement
dans vos gorges
façonne vos espaces
ainsi des ciels se révulsent
dans l'orgasme sonore
ainsi une planète naît
à sa parole et le chant haut
qu'il monte
traverse le cri de Météor
qu'il monte et le renverse
















*au sens grec du terme : révélation

Exoplanète

par cat',trine, vendredi 17 octobre 2014, 09:02 (il y a 3472 jours) @ catrine

apocalypse* [ la voix sentie ]











rugir de sang contenu rugir autant
par sève vive
quand des âges nous fouettent
nous émulsent

rince parmi les pierres — tu diras eau, écheveau, quantum — ce qui te garde
dru et franc comme l'astre se plante devant ton visage
est cette tresse de silence

que ce qui te prolonge le coeur — l'arête pure, métal — jamais ne feinte ni ne ploie

redresse-toi et chante












*n'écris plus le monde, ouvre-le

Exoplanète

par catrine, samedi 18 octobre 2014, 03:59 (il y a 3472 jours) @ cat',trine

« La poésie est une clameur, elle doit être entendue comme la musique. Toute poésie destinée à n'être que lue et enfermée dans sa typographie n'est pas finie; elle ne prend son sexe qu'avec la corde vocale tout comme le violon prend le sien avec l'archet qui le touche. »
— Léo Ferré

Exoplanète

par catrine, samedi 18 octobre 2014, 09:01 (il y a 3471 jours) @ catrine

c'est curieux. intéressant. c'était sur la bonne piste je trouve, mais il y manque quelque chose à cette citation.. non?

Exoplanète

par zeio, samedi 18 octobre 2014, 20:12 (il y a 3471 jours) @ catrine

Je pense que léo ferré vend sa soupe sur ce coup, lui qui a clamé beaucoup de poètes. La poésie avant d'être vocalisée, tire sa puissance dans un tête à tête silencieux, dans le battement noir d'une solitude orgiaque et stellaire. Après, la voix intensifie, propose, interprète, mais ne lui ajoute certainement pas un sexe, qu'elle a sans elle, elle tend aussi à niveler le mystère en appliquant sur un écrit potentiellement fluctuant un timbre fixe, et réduit un million de possibilités à une seule. La voix assujetti le texte à sa glotte, crystallise ce qui n'était pas encore à l'état solide.

Exoplanète

par catrine, samedi 18 octobre 2014, 23:18 (il y a 3471 jours) @ zeio

oui, oui, mais plus j'y pense et réfléchis autour de cette proposition plus je sens que...les deux sont justes, la sienne, la tienne...
il y a une poésie qui ne vit que dans le silence, dans la profondeur de "la chambre noire" de soi, qui est (presque) impossible à lire à voix haute.. et une autre qui ne vit que parce qu'elle est donnée à la voix, et je pense aux conteurs notamment. oui je sais tu vas me parler de la distinction entre l'écrit et l'oral, mais plutôt je pense à la présence, sa qualité et la signature de celles-ci l'une dans l'autre, produisant un résultat unique dans un seul moment, un peu comme..."une minute de plus que vie", où c'est du vivant, du crucial, qui passe et se transmet... une résonnance sentie, concentrée, touchant des résonnances présentes...un peu comme un courant électrique passe et allume, dans le cas présent c'est un courant vivant qui passe.. ( hé ..finalement ma "théorie de l'impact" tient le coup et s'avère tout autant que mon travail sur l'abandon..)

Exoplanète

par zeio, dimanche 19 octobre 2014, 01:07 (il y a 3471 jours) @ catrine

Tu as raison les deux sont intriqués. Mais à lire sa phrase on croirait que les écrits sont incorporels, tandis que la voix leur donne présence, corps et sexe. Ça pourrait être les deux faces d'une même médaille. A le lire on croirait aussi que la mise en musique est la finalité de l'écrit. Il ne parle pas simplement de lecture à voix haute il parle spécifiquement de musique et sa métaphore à trait à la musique. Je sais que j'ai énormément de plaisir à écouter certaines mises en musiques de textes que j'aime (Dode, baschung, ferré un peu moins, paul fargier...), c'est comme redécouvrir une œuvre familière à travers un prisme nouveau, pour autant, je ne considérerais jamais cela comme une finalité, le pivot central c'est l'écrit, le reste gravite. La lecture je pense est plus créatrice que la simple écoute. Écouter c'est plutôt recevoir, une voix, une sueur, un angle nouveau. L'écrit c'est sa propre voix intérieure qui raconte et crée le texte en temps réel au fur et à mesure de la lecture, et chaque lecture laisse émerger une nouvelle musicalité silencieuse. Il dépend aussi de la qualité du lecteur de s'abandonner et de laisser son imagination s'iriser au contact de l'écrit et de recréer toujours la sensation. La mise en musique secoue ce cheminement sans le briser. La musique est plus facile d'accès, elle place dans un certain état d'esprit et de réceptivité l'auditeur sans que celui-ci ait nécessairement besoin de se lancer dans un effort créatif conséquent. La musique effectue une plus grande partie du travail. Mais elle apporte une pierre à la cathédrale et non des moindres. Elle apporte aussi une chose que l'écrit est incapable de fournir : la multiplicité. Sauf si c'est l'auteur lui-même qui lit ses propres textes (et encore, peut-on dire qu'il s'agit du "même auteur" puisqu'il n'est plus dans le même état d'esprit ni au même point de son évolution que lorsqu'il a écrit le texte, il pose donc une double voix sur son travail) une mise en musique est toujours plurielle : l'archet et le violon pour reprendre sa métaphore, la voix du locuteur/chanteur et les mots de l'auteur. C'est la force de la musique, de déployer un écrit en imposant ses faisceaux multiples et sonores.
La lecture silencieuse se fait dans une certaine unicité, intrication du lecteur qui mêle son cheminement intérieur au texte, pour ne faire qu'un, c'est un tout qui se forme, tandis que la musique est formée de plusieurs strates bien distinctes. C'est l'écrit d'abord, qui verse, et la musique cristallise et tend le verre.
L'écrit est inscrit dans une certaine intemporalité, tandis que la voix et la musique font entrer l'écrit dans le temps, en le fixant par la voix et les instruments, ce qui donne la sensation de lui apporter corps et présence. Comme si le texte parlé ou mis en musique "venait au monde". Il y a certainement du vrai là-dedans, je le crois, un potentiel de beauté supplémentaire. Mais reste que par un effort d'imagination et d'écoute, on s'habitue aussi à deviner, à sentir une présence dans la voix sans langue (qui ne parle pas : l'écrit) du fond de notre époque où tout est bruit et image, travail salubre de l'imagination et d'imprégnation d'un mystère.

Exoplanète

par catrine, dimanche 19 octobre 2014, 18:44 (il y a 3470 jours) @ zeio

..on s'habitue aussi... dis-tu


oui, mais c'est une autre résonance, une toute autre résonance que celle vibrée, reçue et donnée directement sur scène, où tous ceux qui sont dans la salle s'incluent, sont inclus, participent de..

bon, évidemment je parle de cette expérience récemment vécue où le texte donné a eu un effet étonnant, enfin, je veux dire... pour moi qui n'avais jamais fait une telle chose.. je veux dire .. cette unique et intense demie heure sur scène.. où il s'est produit quelque chose que je ne sais pas décrire...

Exoplanète

par zeio, dimanche 19 octobre 2014, 22:47 (il y a 3470 jours) @ catrine

Oui ça rejoint un peu ce que j'avais dit au sujet de la "multiplicité" de l'oral, comme une communion. Alors c'était comment ? soulagée ? Je serais bien incapable de parler sur scène, moi qui ai du mal à parler à une seule personne, d'autant plus lorsqu'il s'agit de poésie.

Exoplanète

par cat, lundi 20 octobre 2014, 18:20 (il y a 3469 jours) @ zeio

je pense que c'était bien, vue les échos reçus, et pour moi terrible et extra en même temps, parce que sur le tranchant pendant la demie heure, être là mais ne pas être là, laisser toute la place au texte, ne pas être en représentation mais incarner, ne pas faire de théâtre mais être le poème... pssshhh..puis d'abord je ne pensais même pas être capable de me souvenir de mon texte, j'ai eu la trouille de ma vie, une bonne trouille qui fait trembler de la tête aux pieds et qui te prend tous les organes ! de cette trouille qui te met au pied du mur, au bord du précipice, où si on comprend vraiment ça on ne peut pas tricher.. on ne peut que "s'envoler" ...alors on sera probablement à Bruxelles l'an prochain (et mon cadeau de noël cette année est un passeport) ;)

moi non plus je ne parle pas beaucoup, surtout à propos de poésie.. les entendants sont rares..

Exoplanète

par zeio, lundi 20 octobre 2014, 18:57 (il y a 3469 jours) @ cat

Chapeau catrine. Est-ce que l'événement a été filmé ou enregistré ?
je ne retrouve plus le lien...

Exoplanète

par cat, lundi 20 octobre 2014, 19:11 (il y a 3469 jours) @ zeio

un lien
et un autre précédant du premier, ou antérieur, en résidence et en pleine construction.. et une cat fatiguée !

oui oui ça été filmé mais je n'en sais rien pour le moment, ils vont certainement en faire un montage ; par contre je vais tout faire pour ne pas le regarder lol ! Productions rhizome mettront le film sur leur cite quand il sera prêt

Exoplanète

par Claire @, vendredi 24 octobre 2014, 22:02 (il y a 3465 jours) @ zeio

oui, c'est le risque : se laisser embarquer par sa propre voix.

Exoplanète

par cat @, samedi 25 octobre 2014, 16:12 (il y a 3464 jours) @ Claire

oui, c'est le risque, mais en fait le risque c'est de se croire

Justesse est un bon garde-fou, exigent cependant

Exoplanète

par Claire @, lundi 27 octobre 2014, 09:27 (il y a 3462 jours) @ cat

oui, exactement.

Exoplanète

par catrine, dimanche 19 octobre 2014, 00:15 (il y a 3471 jours) @ catrine

j'attends toujours le moment de ta vision,
celui où tu échappes à tes propres règles
comme j'attends

il ne te reste quelques pas a faire
pour entrer
dans le cercle des pierres
au-delà je ne peux t'accompagner, tu sais bien,
je te regarde, ma vieille louve, et comme ta patte tremble
debout dans le choeur des pierres tu ne trembleras plus
tu resplendiras et nous saurons
qui sera le prochain porteur de don
il nous faut le voir avant que tu ne t'éteignes
ma si chère et vieille reine











elle dit

mille temps tournés autour de l'oeil de feu
mille fois
les pierres venues du ciel parlent
quand le jour-feu est au plus haut
avant sa pluie et l'époque des cendres
viens, donne ta main comme autrefois donne

ils viendront tu sais, ceux qui détruisent tout
ils viendront mais nous ne serons plus là
sache-le, car nous sommes les derniers
les derniers des loups debout
nous ne serons plus
— telle est ma vision mon fils
voilà pourquoi il nous faut atteindre le chant haut












elle dit encore

fils, nous sommes une dernière époque..
et elle entre dans le cercle de pierres tombées du ciel

Exoplanète

par catrine, dimanche 19 octobre 2014, 17:32 (il y a 3470 jours) @ catrine

ni jour ni nuit
un astre grandit
il vient couvrir de feu
les terres brutes et mauves
il s'approche
















ma mère, mille équins bleus hennissent et tournent
ils appellent ta vision et ta voix alors que le grand feu descend
leurs échines frissonnent et fiers ils piaffent
leur ancien dit connaître la grande fente du monde
où entrer dans la terre et nous garder vivants
mère que vois-tu dis-le moi car le temps presse











va avec l'ancien des équins, va au sud du sud
les meutes te suivront mais ne survivront pas toutes


mais mère, et vous ?

tu iras où le grand équin te mène
et caché dans le ventre du monde tu vivras
les équins savent trouver la mousse mauve et l'eau vivante
et toi, la petite chair chaude pour les nôtres

vous attendrez mille tombées du feu lointain
tu te rappelles comment compter le temps dans ton corps
tu te souviens comment sentir la rotation du monde dans tes membres
tu sauras ce qui est attendu de toi et quand l'agir.


et vous, où irez-vous ?

fils, prends la dent de métal et coupe ma tresse.
je vais entrer dans la pierre de mémoire
je vais y entrer et m'y garder

depuis là-bas tu poseras la tresse sur la pierre noire
et par elle tu sauras franchir ton silence et le mien
le grand équin sait où est la table de pierre

fils.. le monde ne sera plus jamais pareil, sache-le
mais je serai toujours de lui et en lui, avec toi
et tu seras le chant haut, tu l'incarneras
tu es le porteur de don, bientôt tu t'éveilleras

maintenant va et vite ! courez plus vite que le vent du feu !

Exoplanète

par catrine, dimanche 19 octobre 2014, 18:16 (il y a 3470 jours) @ catrine

ainsi Oshi le loup debout partît sur le grand équin bleu
suivi des meutes et des hardes, coururent plus vite que le vent de feu
ils entrèrent dans le ventre du monde pour se garder du feu
et vécurent le temps noir d'après le feu tombé du ciel
et vécurent le temps gris des cendres qui ensevelirent tout
et vécurent jusqu'au jour bleu qu'ils n'avaient jamais connu













les fils et petits-fils d'Oshi se racontent l'histoire tous rassemblés autour de la tresse de l'ancienne, autour de la table de pierre noire où dort aussi la tresse de leur père et grand père. «avant, avant le monde était vraiment vraiment mauve ? la terre, l'herbe et le ciel et nous ?» demande Rama, septième petit-fils d'Oshi. les plus grands rient et laissent voir leurs beaux crocs bleutés, leurs yeux brillent de malice et de curiosité. Rama n'a jamais touché la pierre noire ni les tresses. aujourd'hui est son jour de naissance et sa septième année. ses frères et cousins attendent, ils attendent son geste. Rama entend dans leurs corps comme ils ont l'estomac noué, leur coeur qui va trop vite. Rama sent qu'il se passe quelque chose, tout, depuis la tension des corps, les crocs nerveusement saillants, lui dit que c'est important. « très bien » dit-il du ton sérieux des petits, en s'approchant davantage de la table de pierre noire. en y tendant ses fines pattes de jeune loups, il entonne le chant « je joins mon silence au silence de mes anciens », « je rejoins dans mon coeur le choeur des pierres de mémoires, car je suis d'elles et en elles réside la clé de mon être ». sitôt les pattes sur la table, le coeur de Rama luit. au travers sa fourrure la lueur de son thorax s'intensifie, une lueur mauve, la lueur des grands porteurs de don, dont la couleur est celle des rois. ses frères et cousins reculent tous ensembles, et dans une lenteur extrême, courbent devant le jeune Rama leurs échines.

Exoplanète / ce conte

par 4ine, lundi 20 octobre 2014, 20:45 (il y a 3469 jours) @ catrine

je ne sais pas pourquoi ce conte m'arrive, il doit y avoir quelque chose qui s'y dessine ou s'y dessinera... je le place ici, mais c'est qu'il m'arrive ici — j'ai découvert que pour moi certaines choses ne s'écrivent que dans certains espaces, c'est curieux quand on y pense surtout vu mon travail dans l'incertain, ça fait sourire... — alors voilà, donc je le laisse arriver, par bribes, je le laisse arriver ici. je pense bien que ça fait partie d'explorations de l'écrire, même si le mix est peut-être un peu barbare... formes et fond et tout... j'en sais rien

bon, faites signe si vous y trouvez quelque chose, moi je suis aveugle tout le temps que j'écris, tout le temps que c'est en "processus"

Exoplanète / ce conte

par 4ine, jeudi 23 octobre 2014, 13:45 (il y a 3466 jours) @ 4ine

ha! j'ai trouvé son fil — je ne vous embêterai plus avec et le range ailleurs ;)

byebye

Exoplanète / ce conte

par Claire @, vendredi 24 octobre 2014, 20:57 (il y a 3465 jours) @ 4ine

Je réfléchissais à ce que toi et zeio disiez de la voix, du chant. Ce conte (et tu parles de conteur), est un conte pour voix proférée, voix prophétique. Voix qui pousse vers l'avant, appuyée sur l'ancien, le mythe, le rite.

Je m'étais intéressée à ce qui relie des chants et danses résultant de la diaspora très ancienne d'un peuple, issu du Rajasthan, qui a donné naissance aux tziganes et aux gitans d'Espagne. Toutes ces musiques ont en commun l'extrême raffinement et tension du rythme, donc de la danse, et le chant en voix proférée, c'est à dire comme lancée en avant.
Toutes ont en commun une pratique exigeante et complexe, hors des cercles socialement reconnus, à la recherche d'une presque transe groupale.

Je retrouve un peu de tout ça dans ton texte, comme une invitation. Mais c'est difficile, quand il n'y a ni corps, ni voix, ni cercle, ni musique, tout dans la (les) têtes, dispersées..

l'oracle - voix proférée (une autre)

par Claire @, vendredi 24 octobre 2014, 21:05 (il y a 3465 jours) @ Claire

El pajaro negro

par Claire @, vendredi 24 octobre 2014, 22:00 (il y a 3465 jours) @ Claire

El pajaro negro

par cat @, samedi 25 octobre 2014, 15:56 (il y a 3464 jours) @ Claire

merci Claire !