matin

par Claire, dimanche 25 septembre 2016, 12:46 (il y a 2771 jours)

ouvre la
gueule chien de la maison 26b
dans le matin sans être humain
dans le matin au lierre mouillé
au bord de la voie ferrée.

ouvre la gueule pour que le
monde sorte et se déplie lentement
dans la brume qui s'efface
le train a disparu son bruit
est dissous aussi.

je ne sais pas, tu bailles
ou aboies sur la photo muette
l'humidité pénètre mes manches
fraîcheur de la forêt derrière,
soleil invisible.

chien créateur
l'odeur de tes poils humides
il faudrait voyager pour la découvrir
glisser les doigts dans leur grisaille
risquer la main vers ta tête.

mais la maison 26b si petite
son toit si enfantin sa cheminée
et près d'elle ce mur
globuleux obscur solide, ses barbelés rouillés
où sont-ils ?

ce matin vert où je touche
le chien sa tête dure mouillée
où je respire devant la forêt
respirant, c'est l'espace étranger
de la solitude commune.

matin

par dh, dimanche 25 septembre 2016, 13:17 (il y a 2771 jours) @ Claire

les quintils sont à la mode, on dirait !

matin

par Claire, dimanche 25 septembre 2016, 15:09 (il y a 2771 jours) @ dh

c'est venu comme ça. Par contre les vers sont volontairement (et librement) de six mots.

et à part ça, il te plaît ?

matin

par dh, lundi 26 septembre 2016, 09:59 (il y a 2770 jours) @ Claire

oui claire, j'aime bien ce poème.

escalier

par Claire, dimanche 25 septembre 2016, 15:07 (il y a 2771 jours) @ Claire

un grand mur dont une partie
est tapissée d'un lierre fatigué,
l'autre - en triangle vertical - moussue
trace probable d'un ancien bâtiment
fait comme un rêve d’escalier

des marches de ciment en perspective
vers un point impossible du mur
la mousse brodant contre le lierre
ses festons d'un jaune-vert militaire
paisible et têtu

comme la trace à déchiffrer, persistante
des projets auxquels on a renoncé.
un jour on démolit - les gravats
retournent à leur état sableux - le
liant gris se perd dans l'eau

la pluie froide. les mois suivants
les enfants qui venaient grimper là
repartent ou traînent, cherchant des restes
de petites choses cassées mais secrètes
oubliées par les déblayeurs.

escalier

par Essim, dimanche 25 septembre 2016, 15:48 (il y a 2771 jours) @ Claire

J'aime bien celui-ci et l'écriture, il suggère des choses, il y a une atmosphère.
Moitié réaliste, moitié onirique, imaginaire.


"trace probable d'un ancien bâtiment
fait comme un rêve d’escalier"

escalier

par Claire, dimanche 25 septembre 2016, 18:15 (il y a 2771 jours) @ Essim

oui, ça vient de photos de Christian Vogt, auxquelles j'ajoute quelque chose d'imaginaire.
merci Essim.

son

par Claire, dimanche 25 septembre 2016, 18:09 (il y a 2771 jours) @ Claire

tout est gris
ou blanc ou noir :
la grande bâtisse avec ses
mansardes et son toit d'ardoises mécaniques
les arches de béton en dessous supportant une passerelle
les arbres (des bouleaux graciles dénudés) - le trait blanc au milieu des troncs noirs, sinueux
les réverbères éteints et le ciel.

il y a une grande intensité de désir dans l'image, comme celle d'un couple qui viendrait là en fin de journée
et pour eux seuls l'absence de beauté serait comme une vibration puissante,
sans mouvement : rien qui monte ou arrive
une vibration dans le ciel.

tandis qu'ils ont ouvert la porte
gravi l'escalier intérieur
qu'ils sont entrés dans cet appartement situé au centre de la bâtisse
et ont refermé la porte.

industrielle

par Claire, dimanche 25 septembre 2016, 18:31 (il y a 2771 jours) @ Claire

ça a été construit
pour servir à quelque chose, pour servir d'abri à des machines
il est trois heures de l'après-midi, c'est un dimanche.
A huit heures du matin demain les fenêtres carrées, hautes
déverseront une lumière blafarde vers laquelle se presseront les gens
qui servent ces machines.

le ciel sera d'un bleu sombre
on devinera à peine le rose rouillé et atténué des grands murs, les traînées.
Les fenêtres plus basses et plus petites auront un jaune différent
pour d'autres machines ou des bureaux
et au ras du sol
les fenêtres de la cave seront encore éteintes.

Certains dont les silhouettes toutes semblables se hâtent
auront vu cette façade 200 fois cette année
en arrivant, plus ou moins éclairée selon la saison
et la verront ainsi 200 fois 40 ans.

Et quand l'usine sera désaffectée
ce qui ne manquera pas d'arriver
ils passeront encore
et la regarderont avec son vide
ses fenêtres cassées, béantes
et l'aimeront comme on voit son ennemi mort
et tout ce qu'il vous a fait vivre.

if

par Claire, lundi 26 septembre 2016, 11:56 (il y a 2770 jours) @ Claire

si on avait une grande demeure
entre les arbres colorés d'octobre
aux murs saumon aux volets verts
si la limite basse des nuages
se noyait dans le haut des
arbres.

si on avait quatre jeunes enfants
courant dans les escaliers ou dormant
dans les chambres jouets en désordre
si on avait une bonne, même,
dont la chambre serait un espace
interdit.


le seul de la maison entière
que les enfants auraient parfois entrevue
à travers la porte bleue entrouverte
un lit une armoire à glace
un chemisier posé sur le lit
froissé.


tandis qu’ils l'appellent timidement
et aussitôt elle apparaît, cache tout.
c'était le début du siècle
elle avait grandi dans la demeure
elle aimait les enfants n'en
aurait pas.

abri

par Claire, lundi 26 septembre 2016, 12:16 (il y a 2770 jours) @ Claire

une maison de pierres sèches
une ancienne porte condamnée, une fenêtre haute
une statue de la vierge ou d'une sainte quelconque, plus loin
sous une falaise et des buissons en surplomb
pas de ciel
une étrange construction métallique, grise aussi.

la falaise est faite de la même pierre, sur laquelle la pluie a dessiné des flammes puissantes et noires. on devine de quelle façon chaque bloc après bloc s'est effondré, il y a très longtemps, par le relief en creux qu'il a laissé. La petite maison (ou la chapelle) est comme tranchée elle aussi, on dirait qu'elle a perdu la moitié d'elle-même, ou qu'on a oublié de la construire, ou qu'on n'avait pas assez de temps et d'argent.
mais la ligne inclinée de son toit prolonge l'oblique d'une faille, derrière elle.
le lierre semble couler de cette pente.
la statue a la tête inclinée
du même côté.

abri

par Essim, lundi 26 septembre 2016, 17:23 (il y a 2770 jours) @ Claire

Ca te va bien d'écrire sur les photos Claire, ça fait une belle série. Et j'aime aussi le thème.
Tu pourrais mettre la photo correspondante sous les textes-poèmes ?

abri

par Claire, lundi 26 septembre 2016, 18:02 (il y a 2770 jours) @ Essim

c'est compliqué, elles viennent d'un livre, mais j'ai trouvé un endroit où on voit quelques pages, dont deux photos qui correspondent à "abri" et à "if" :

Christian Vogt

je suis en train de replonger dans tous mes vieux poèmes, et ce livre qui pour moi dégage une grande force (un livre en allemand dont je ne comprends pas un mot, acheté à Mona Lisait sur le port), je m'en suis beaucoup inspirée à moment donné.
J'aime partir de l'œuvre de quelqu'un d'autre, j'ai fait ça beaucoup...films, photos, encres, poèmes.

abri

par Essim, lundi 26 septembre 2016, 18:13 (il y a 2770 jours) @ Claire

C'est intéressant.
Les deux qui me touchent, me parlent le plus, les deux que j'ai commentés.
Merci pour la photo.

abri

par Claire, lundi 26 septembre 2016, 18:16 (il y a 2770 jours) @ Essim

il y a celle de "son" et d'"abri" ici : son
(les deux plus à gauche


toutes ces photos sont prises au bord d'une voie ferrée.

abri

par Claire, lundi 26 septembre 2016, 18:25 (il y a 2770 jours) @ Claire

et j'ai écrit sur cette série aussi : "c'est une pièce"
plusieurs poèmes qui commençaient par ces mots.

l'histoire est curieuse : dans ces pièces se sont passées des choses particulières, ou vivaient des gens célèbres comme Klee et Erich Fromm, je ne l'ai appris qu'après.
Par exemple celle avec des chaises, Lénine y a tenu une réunion importante.
Moi, je sentais une sorte d'aura qui m'a attirée.

matin

par zeio, mardi 27 septembre 2016, 00:52 (il y a 2770 jours) @ Claire

C'est réussi. Il y a comme du sang frais dans cette voie que tu empruntes.
Les deux dernières strophes, on dirait qu'elles ont été écrites à distance. Comme cela t'arrive parfois, il y a comme un doute, un besoin d'expliquer et de questionner dans ces deux dernières. Le ton est différent, la forme aussi, on passe de l'abstrait puissant et radical, à l'explicatif et au figuratif. Avec une surabondance d'adjectifs qui sont peut-être le signe chez toi d'un creux que tu essaies de remplir. Sont-elles vraiment nécéssaires ?
Personnellement je m'arrêterais à "risquer la main vers ta tête". Une fin magnifique pour un texte magnifique.

matin

par Claire, mardi 27 septembre 2016, 09:59 (il y a 2769 jours) @ zeio

Oui, tu as raison, la dernière strophe est inutile, philosophico-filandreuse, ce genre d'interrogation inutile qu'on ne peut s'empêcher d'évoquer face à l'évidence de la vision. Mais la précédente, cette question sur un lieu à trouver, cet exil, ou plutôt cette impression qu'on pourrait avoir vécu dans tous les lieux, toutes les maisons, avec leurs caractéristiques, c'est un sentiment très personnel que je ressens souvent. Particulièrement dans les trains en regardant les endroits traversés, dont on ne sait rien même pas leur nom ni leur emplacement sur la carte.
Simplement, je vais inverser les strophes, pour finir comme tu dis.

matin

par Claire, mardi 27 septembre 2016, 11:51 (il y a 2769 jours) @ Claire

ouvre la
gueule chien de la maison 26b
dans le matin sans être humain
dans le matin au lierre mouillé
au bord de la voie ferrée.

ouvre la gueule pour que le
monde sorte et se déplie lentement
dans la brume qui s’efface
le train a disparu son bruit
est dissous aussi.

je ne sais pas, tu bailles
ou aboies sur la photo muette
l’humidité pénètre mes manches
fraîcheur de la forêt derrière,
du soleil invisible.

la maison 26b près des voies
son toit si enfantin sa cheminée
et près d’elle ce mur
globuleux obscur solide, ses barbelés rouillés
où sont-ils ?

chien créateur
l’odeur de tes poils mouillés
il faudrait voyager pour la connaître
glisser les doigts dans leur grisaille
risquer la main vers ta tête.

matin

par zeio, mercredi 28 septembre 2016, 01:15 (il y a 2769 jours) @ Claire

Je trouve que c'est beaucoup mieux