Tu

par Claire, lundi 03 octobre 2016, 10:54 (il y a 2768 jours)

Tu fais le tour de la montagne. Il faut traverser un torrent, tu glisses sur les cailloux, tu vois un poisson qui s'incline et brille, disparaît, l'eau est du verre en mouvement.
tu regardes la roche au-dessus, ses plis de velours gris, sa façon d'être comme une robe. tu t'appuies dans un creux tiède, au soleil. de l'autre côté c'est la forêt, il y a des mélèzes, au repos, leurs aiguilles en tapis sur le sol roux.
cette montagne, tu y es venu de plusieurs côtés, et par tous les temps. l'hiver elle fait peur, menace de mort, mais respirer sous la neige qui tombe, quelle économie de lumière,
alors
rien n'a d'ombre, ou presque.
rien n'est si facile qu'on l'imagine quand on rêve de loin : marcher dans les prairies, avoir peur des taons qui collent, et ces files de randonneurs sur les sentiers.

Il y a des conversations vraies, y repenser c'est comme regarder la montagne depuis la vallée, avoir envie d'être en tout haut.
ou bien d’être sur le bord d’une falaise, au dessus du gouffre tapissé de forêts, de sauter et de planer. Elles laissent un vide égal à celui de la montagne, aussi attirant, aussi plein.

Il faut prendre le train : à la sortie du RER, voir dans la gare les images où la montagnge se dresse, à plat sur de grandes feuilles de papier.
tu vas dormir dans le train, et à l'arrivée les choses seront là pour de vrai.

En faisant le tour de cette montagne, qui n’a cessé de s’éloigner de toi, de revenir, en ayant froid aux mains l’hiver, malgré les gants, en ayant vu le torrent gainé de neige mais toujours courant.
En déchiffrant le temps qui glisse sous la couche des nuages, en ayant vu tomber la nuit, en ayant vu le petit car monter le long de la route en lacet. Le gris de l’hiver en longues traînées de pierres, l’effort soutenu des machines et des gens. Le bruit d’un caillou qui dégringole en contrebas du pont, l'appréhension de glisser sur un plaque de glace. A regarder les lumières disséminées la nuit sur le grand flanc noir. A deviner la limite supérieure de la montagne comme ligne séparant les lumières humaines
de celles des étoiles, et un imperceptible changement de valeur dans la noirceur. tout ce qui semble légendaire quand on a roulé longtemps dans la montagne prête à entrer dans l’hiver.

Tu

par cat @, vendredi 07 octobre 2016, 15:48 (il y a 2763 jours) @ Claire

beaucoup d'ouverture, hors d'attente, tout le texte "se tourne vers" la montagne, l'hiver, tu, et des espaces autres
j'aime beaucoup l'approche en petites touches de "couleurs" pleines ; je reprocherais peut-être l'européïsation,
la marque territoriale, je pense que le texte y perd ou plutôt... il gagnerait à pouvoir en "sortir" justement pour
que le territoire ne soit que "tu", c'est une question de point focal, d'attention recherchée, de définition indéfinie...
de voyage vers...

je regrette que ce texte n'ait pas reçu de commentaire

Tu

par Claire, vendredi 07 octobre 2016, 17:47 (il y a 2763 jours) @ cat

ah ben moi aussi je regrettais qu'il n'ait pas reçu de commentaire, merci Catrine :))

Je l'ai écrit avec l'image de ces mères indiennes qui massent leur bébé, en huilant, dépliant délicatement, tournant en tous sens les membres de l'enfant, déliant les muscles, assouplissant les articulations, de façon qu'à la fin - sans doute - il sente son corps beaucoup plus présent, libre et vivant.

C'est ce que j'ai essayé de faire avec l'esprit du lecteur (ce "tu" qui est aussi la montagne), en le désarticulant discrètement, en modifiant les focales, inspirée je crois par ce que j'ai pu lire ici de Ramm77, que j'ai beaucoup apprécié.
Et ce RER, ces affiches collées à plat, la gare, c'était un des angles de vue de l'idée de la montagne. C'est la dimension prosaïque qui m'intéressait, mais il est vrai qu'elle est non seulement européenne mais, plus étroitement encore, parisienne. C'était aussi pour mettre en regard deux sortes de "voyages". Dans le RER, le voyage est avant tout souterrain, intérieur, limité, et la part du rêve il faut la déplier en soi.
Je ne sais pas ce qu'on pourrait utiliser d'autre qui serait plus universel pour obtenir la même chose.

Tu

par Claire, vendredi 07 octobre 2016, 18:12 (il y a 2763 jours) @ Claire

si bien sûr : métro au lieu de RER ! il y en a partout des métros...mais c'est moins raide que RER :)

un peu prétentieux, dit comme ça

par Claire, vendredi 07 octobre 2016, 21:18 (il y a 2763 jours) @ Claire

en fait j'ai écrit un premier jet assez nul il y a deux mois, j'ai failli l'effacer comme souvent.
et puis je l'ai repris, avec cette image d'une légère désarticulation, d'une sorte de massage, de points de vue qui se déplacent.

un peu prétentieux, dit comme ça

par cat @, vendredi 07 octobre 2016, 22:01 (il y a 2763 jours) @ Claire

j'suis dans le sens (pas dans le jugement) je te suis là-dedans
— je réfléchis autour et dans ce que tu places et construis




..ai aussi trouvé certaines syntaxes inusitées .. ça m'interroge