Mutante

« Au retour, dans la voiture, tu t’étais rendormie, la tête appuyée contre la vitre. Dans le silence de l’habitacle je me suis mis a prier pour que notre petit ne soit pas viable, pour que notre petite ne soit pas viable puisqu’à l’échographie c’est une petite fille, une petite Christine. Tu te plains d’expulser difficilement ta merde, tu as vécu des trucs durs dont tu ne veux pas me parler. Le pire, peut-être, un viol par voie rectale. J’imaginais qu’en vacances à la campagne durant ton enfance un type t’avait sodomisé. Dans l’intimité des chiottes, on n’est pas confronté à ce genre de découverte. Mais sur une table d’accouchement, tout le monde verra ce reflexe inversé : serrer ou lieu de pousser. Avant de partir, quand je suis allé te réveiller, tu dormais seins nus dans le lit de tes parents, le ventre tendu vers le plafond. Tes vergetures ressemblaient à une rivière mal faite qui zigzaguait autour de ton nombril. J’ai dessaoulé net en imaginant mon sperme qui s’était désagrégé en toi. Comme dans ce navet, La Mutante, ça m’a filé la gerbe d’imaginer que ton corps allait devenir l’hôte d’une progéniture parasite, promise à se diviser et se multiplier, se multipliant encore et encore jusqu’à ce que tes muqueuses ressemblent à une champignonnière. »