Terre natale (photos)

par zeio @, mardi 11 novembre 2014, 18:54 (il y a 3457 jours)

Recherche sans objet

par zeio @, mercredi 12 novembre 2014, 04:15 (il y a 3456 jours) @ zeio

Cristaux liquides, fomentations, cataplasmes, trou d’air
hypnotique, catalyseur de brumes, je resterais volontiers des
heures devant l’écran de mon ordinateur. C’est, d’ailleurs, ce
que je fais depuis le plus jeune âge. Je ne suis pas le seul.
Le monde entier avance en armée molle vers l’ordinateur, cette
crevasse. Je l’aime, pourtant. C’est mon secours, mon bon ami,
mon cercueil scintillant, tout autant que la porte ouverte vers la
grande ourse. Un rêve. Je passe mes nuits entières à lire de la
littérature sur internet. Parfois je relis les mêmes textes en boucle,
écoutant les mêmes musiques en boucle, ressassant les mêmes
pensées en boucle, jusqu’à ce que je crois en avoir réellement
retiré quelque chose. Alors je passe à un autre texte, une autre
musique, une autre pensée. Sans doute une nouvelle humanité
émerge de l’écran et plus précisément d’internet. A vrai dire je
ne suis pas certain qu’une humanité n’ait jamais émergé de quoi
que ce soit. Perpétuelles fluctuations. Les hommes se confondent
avec le rêve qu’ils habitent. La réalité, songe parmi d’autres sur
lequel chacun s’accorde plus ou moins. Moi-même je me trouve
dans un rêve étrange. Je visite un pays ignoré, franchis une porte,
m’avance. Je m’écarte un peu. M’arrête. L’écran, qui me fait face,
se gélifie, il devient lanterne, veilleuse, fumerolle, braise gémissante
dans un âtre antique. Je m’écarte encore un peu. L’espace de silence,
entre chacune des notes du piano qui résonne à mes oreilles, retire des
fragments impossibles de l’ordinaire. Une ivresse familière remonte et me
berce, déjà, le monde se tait, je n’existe plus, et le mystère à nouveau me revient.

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par Claire @, lundi 17 novembre 2014, 19:14 (il y a 3451 jours) @ zeio

c'est drôle, j'ai écrit il y a quelques jours un texte qui parlait de ce qui se passe quand on a oublié son portable quelque part, qu'on n'est plus connecté jusqu'au lendemain (expérience que je vivais constamment il y a quelques années).

Je viens aussi de lire un petit bouquin de Winnicott qui s'appelle "La capacité d'être seul".
Il dit qu'une des expériences les plus nécessaires de l'être humain au tout début de sa vie, c'est celle d'être seul à côté de sa mère. Que ça demande déjà une grande maturité, mais qu'il faut encore qu'elle soit là comme un environnement soutenant, sans empiéter sur la solitude de l'enfant.
Alors il peut vivre une hallucination négative, c'est à dire effacer cette présence, et jouir pleinement du jeu avec lui-même, avec le monde. C'est seulement à partir de cette capacité à être "seul à deux" que nous pouvons un jour être "seul avec soi" et en jouir.

Il disait aussi qu'au plus profond de nous se trouve un noyau qu'il appelle le "self", qui doit rester dans un isolement absolu, ne pas être touché par les perceptions, ne pas entrer en communication, et que nous sauvegardons sauvagement l'isolement de cette entité intérieure, garante de notre vérité, de notre sentiment d'être vivant.


très belles, tes photos.

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par zeio @, lundi 17 novembre 2014, 21:49 (il y a 3451 jours) @ Claire

C’est sans doute dans ce château intérieur que naît le sentiment du sacré qui habite l’Homme depuis qu’il a conscience. Je pense, oui, qu’il y a un noyau dur dans l’être, un fragment de jaspe veiné d’or intouché. Isolement absolu, je ne suis pas sûr, ce fragment agirait plutôt comme une sorte de magnétite, qui serait sensible et entrerait en résonance avec le battement noir des ondes mystérieuses. Isolé du langage, du temps, oui… Je ne crois pas que cette chrysolite se trouve par nature en-dehors des perceptions, elle l’est parce que nous avons été conformé tels quels, à ne percevoir qu’un versant des choses. D’ailleurs si nous en avons la vague intuition, c’est qu’elle n’est pas dans un isolement si absolu que ça.

Il existe une « idée » répandue dans diverses cultures (qui n’ont parfois aucun liens entre elles, amérindiennes ou bouddhiques par exemple, sous d’autres mots et d’autres concepts) que castaneda a repiqué d’ailleurs… nous serions les proies d'entités inaccessibles à nos sens, inorganiques, qui nous « cultivent » comme nous cultivons les poules. Et comme les poulets nous n’avons pas conscience d’être « cultivés » et piégés. C’est cette entité qui a donné le mental à l’homme, la raison, cette idée d’être « vivant », pour que nous produisions en échange les désirs, les émotions, les colères, les peurs, l'égo, toutes ces choses dont elle se nourrit.

De ce point de vue on pourrait penser que ce noyau hors-champ qui apporterait le « sentiment d’être vivant » est une illusion parmi de nombreuses autres, placardée là, planifiée, entretenue par les prédateurs pour préserver notre statut de proie, de chairs à saucisses égotiques et faibles.




"Nous sommes en présence d'un prédateur qui gouverne notre existence. Les êtres humains sont ses prisonniers. Le prédateur est notre maître et seigneur. Il a fait de nous des êtres dociles, avachis et non secourables. Qui cherche à élever une protestation voit son désir supprimé ! Qui cherche à faire preuve d'indépendance se voit ramener dans les rangs !
Les sorciers croient que les prédateurs nous ont donné nos systèmes de croyance, nos conceptions du bien et du mal, nos mœurs sociales. Ce sont eux qui nous donnent nos espoirs et nos attentes, nos rêves de réussites et nos échecs. Ils nous ont donné la convoitise, la cupidité et la lâcheté. Les prédateurs ont fait de nous des êtres banals, routiniers, complaisants, égoïstes ”.

« Les sorciers ont découvert que s'ils opposaient à l'esprit des planeurs leur silence intérieur, cette implantation étrangère disparaîtrait »

Peut-être que pour bouddha il s’agissait d’atteindre l’illumination par le silence intérieur, pour faire cesser ce règne noir, pour les chamans toltèques il s’agissait de «se rendre indigeste pour qu’ils ne nous touchent plus ».

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par Claire @, lundi 17 novembre 2014, 22:25 (il y a 3450 jours) @ zeio

Pour moi, le mal vient de nous seuls, aucune entité autre que celles dont nous créons la figure...pour comprendre le malheur et la beauté d'être humains. Et rien d'autre ne nous dévore que cet appel.

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par zeio @, lundi 17 novembre 2014, 23:48 (il y a 3450 jours) @ Claire

Quid des êtres malades ou sous influences et qui ne sont pas considérés par la justice comme responsables de leurs actes ? Où se situe la frontière où s'arrête la sanité et commence la non responsabilité ? Comment affirmer que les bien-portants le sont véritablement, du fond de l'ignorance humaine... et si nous étions tous malades (l'état de nos vies et de notre environnement en fait foi), à quel degré peut-on affirmer que la maladie, ce "corps étranger" est la cause du mal plutôt que les êtres qui en sont atteints. Comme dirait Rousseau, l'homme naît bon, la société le corrompt. Pourtant, qui a fabriqué cette société sinon l'homme lui-même, société fabriquée nécessairement à sa ressemblance, sinon à son reflet ? Il existe des causes extérieures, naturelles ou mystiques, par le simple fait que l'homme ne s'est pas crée lui-même, quand ça n'est pas plus simplement dû au fait qu'il est exilé hors de lui-même, cet absent sur pattes, et que le mal est le produit de cette perte et souffrance fondamentale.

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par Claire @, mardi 18 novembre 2014, 19:26 (il y a 3450 jours) @ zeio

Pour moi, le mal qu'on fait vient du malheur qu'on a vécu...il en est le plus souvent une transformation, une conjuration, une défense.. Ce qu'on appelle "maladie" est une étrange alchimie née de multiples facteurs, mais guidée par le désir légitime de rester ou devenir soi, et d'être heureux, malgré les obstacles. Et à ce titre, oui, nous sommes tous malades.
Du coup, la question de la culpabilité, du sentiment de culpabilité se vide de son sens. Elle fait juste partie de la chaîne du malheur. Par contre je crois en une éthique de la responsabilité, c'est très différent.
Le malheur, je le vois de plus en plus comme les grecs, un oiseau noir qui se pose là où le conduit une logique parfois humaine, parfois in-humaine.

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par zeio @, mercredi 19 novembre 2014, 02:27 (il y a 3449 jours) @ Claire

Les chimpanzés sont infanticides (au contraire des bonobos paraît-il, aucun homme n'a jamais vu un bonobo en tuer un autre) les chimpanzés n'ont pourtant pas vécu plus de malheurs terrestres que les bonobos. En cas de conflit, les chimpanzés se battent, tandis que les bonobos règlent le problème par une enculade. Quelle quantité de malheurs les distinguent ? C'est la nature qui les a fait ainsi, qui porte la responsabilité du mal commis. Mais c'est une vue bien subjective et anthropomorphique, comment savoir si le bien et le mal existent véritablement, si le mal vécu n'est pas nécessairement compensé par un bien tout aussi grand, dans cette vie ou dans une autre, ici ou là-bas... L'ensemble formant un grand tout dans lequel le bien et le mal n'ont plus lieu d'être, s'annulant mutuellement, dans le grand manège cosmologique...
Sinon, ce que tu as écrit revient à ce que je disais, dans le sens où le mal qu'il répand vient de ce qu'il souffre... mais au-delà des malheurs communs ou extraordinaires, il y ce malheur fondamental qui est la séparation de l'homme avec lui-même... Séparation qui a été devinée depuis longtemps, sans doute depuis que l'homme s'est mis à croire que c'était lui, et pas un autre, ce visage qu'il voyait se refléter dans le bassin.
Dire que l'homme est l'unique responsable du mal qu'il commet, c'est non seulement le culpabiliser je pense, mais aussi augmenter ce mal en pénétrant dans une espèce de cercle vicieux sans fin. Il ne s'agirait pas non plus de le dédouaner, mais plutôt de l'alléger, plus il est léger, l'homme, et moins il tue... c'est ce que je pense. L'homme n'a plus ni totems, ni dieux ni démons pour s'alléger, il ne reste plus que lui-même, pantelant, et lourd...
De plus ça n'est peut-être pas le malheur vécu en tant que tel qui fait que nous réverbérons à notre tour le mal, mais plutôt l'idée que nous nous faisons de ce malheur, c'est cette idée qui tourmente et alimente les passions assassines. Nous ne sommes jamais tourmentés que par des idées subjectives... non par les "faits de malheurs" en tant que tels, qui sont des malheurs d'abord parce que nous les voyons ainsi. les faits, le vécu, lui, est absolument neutre et ne requiert aucune vengeance, je crois que ce sont les amalgames d'idées, d'opinions, d'émotions, de certitudes trompeuses, qui alimentent le mal.

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par Claire @, mercredi 19 novembre 2014, 10:45 (il y a 3449 jours) @ zeio

je suis assez d'accord avec l'ensemble de ce que tu dis. Une grande partie de notre destructivité (le "mal") est liée à nos instincts d'espèce, une autre à l'immaturité de nos premières années et l'insécurité, la dépendance où elle nous met. Mais c'est elle aussi qui permet le développement de notre intelligence

Juste une précision sur ce mot de : "responsabilité", par opposition à "culpabilité". Ce que je veux dire c'est que nous devons assumer la responsabilité de nos actes (et les paroles sont des actes), y compris celle des conséquences destructives qu'ils peuvent avoir...soit en les réparant, soit en subissant un châtiment. Il n'y a pas d'opprobre pour moi dans le châtiment, il est symbolique et fonctionnel : il limite la haine des victimes, reconnaît le mal qui leur a été fait et rompt le cycle infernal de la vengeance ; il limite la culpabilité auto-punitive du coupable et de ses descendants, les restaure dans leur place.

Et nous sommes responsables les uns des autres. Voilà.

Il y a un bouquin magnifique de Luc Dardenne qui parle de ça....je rechercherai le titre si ça t'intéresse.

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par zeio @, mercredi 19 novembre 2014, 15:02 (il y a 3449 jours) @ Claire

oui ça n'empêche pas la responsabilité, la nécéssité d'assumer ses actes et d'en payer les conséquences.
Je veux bien que tu me donne le titre du livre. Luc dardenne s'agit-il du réalisateur ?
J'ai une liste assez longue de bouquins en cours de lecture mais je l'y ajouterai et j'aime toujours découvrir de nouveaux auteurs..

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par Claire @, jeudi 20 novembre 2014, 21:34 (il y a 3448 jours) @ zeio

en fait il y a deux livres : l'un plus philosophique "Sur l'affaire humaine ", l'autre qui parle plus directement de leur travail de cinéastes "au dos de nos images".