PD

par RG, lundi 15 décembre 2014, 17:14 (il y a 3418 jours)

L’homosexualité n’est qu’un mauvais moment à passer parmi d’autres. Je n’en sais pas grand-chose, sinon que la découverte de la mienne coïncide avec la haine.
À vingt-six ans, je n’ai même pas le sida. Hervé Guibert, lui, s’est injecté le sang exprès. Quelle idée géniale ! Quand j’ai lu que le sida avait été la chance de sa vie, que grâce à ça il avait pu faire un livre, moi aussi j’ai voulu courir ce risque. Mais j’étais bien trop lâche pour ça. Imaginer le virus d’un autre qui passait au travers de mes tissus pour atteindre mon sang, l’idée me donnait envie de vomir. J’avais voulu devenir écrivain, j’avais pensé à l’homosexualité, j’avais eu cette faiblesse-là. Je me retrouvais maintenant avec toute cette matière inutilisable.
L’écriture, quelle merde c’était devenue. Personne ne dit du mal de sa communauté, me disait Christine. Il n’y a que toi. Ça ne te suffisait pas d’être un garçon poisseux et lourd vis-à-vis des camarades de classe ? Je répondais : Non et je jetais mon verre, je quittais la table. J’aurais dû répondre : Et tous les hommes en vrac, et depuis toujours.
J’avais rencontré deux hommes que j’avais aimés, aucun des deux ne m’avaient rendu cet amour. Quelques mois plus tard, je me retrouvais seul et je me réinitialisais. Le premier, par téléphone, le deuxième au pied de la Tour Montparnasse, un dimanche de décembre, alors qu’il pleuvait. Plus tard, quand j’avais essayé d’écrire là-dessus, j’avais trouvé l’image très belle. Je ne me rendais pas compte qu’elle était simplement conne, et tellement utilisée, déjà, par tellement d’écrivains. Il aurait fallu un regroupement improbable d’hommes pour me punir et me faire comprendre que je me trompais. Mais je m'entêtais à croire que j'étais un écrivain. Je cherchais une indication pour me perdre.

PD

par Claire @, lundi 15 décembre 2014, 19:13 (il y a 3418 jours) @ RG

j'imagine que les élucubrations biographiques qui concernent Hervé Guibert sont du second degré (tu m'as l'air assez fort pour ça, ainsi que pour l'indistinction entre le lard et le cochon). En tout cas ça va bien avec ce personnage un peu flou que tu dessines.

PD

par RG, lundi 15 décembre 2014, 22:00 (il y a 3418 jours) @ Claire

C'est marrant (ou pas) mais les (rares) personnes à qui j'ai fait lire ce texte - il s'agit en fait du début d'un manuscrit - se focalisent tous sur Guibert et le sang injecté exprès.
Oui, comme tu le dis c'est une forme de second degré, et en même temps, mais si je n'ai moi-même jamais voulu courir le "risque" évoqué dans le texte, il est vrai que j'avais trouvé génial, à l'époque, quand j'avais lu ses livres, qu'ils disent que le sida avait été la chance de sa vie. Je crois que ce qui me plait, quand je lis ou j'écris (les deux se confondent un peu dans ma tête, c'est étrange), c'est cette forme d'ironie tragique. Ça fait un peu discours littéraire pompeux, mais je ne crois pas qu'il existe d'objet littéraire ou poétique en soi. Donc, mélanger les torchons et les serviettes, ou le lard et le cochon, j'aime plutôt ça.
Une fois de plus, merci pour ta lecture, Claire.

PD

par Claire @, lundi 15 décembre 2014, 22:22 (il y a 3418 jours) @ RG

Je vais te dire, il y a très longtemps, j'ai vu à la télé Hervé Guibert, déjà très maigre, qui parlait de ce livre : "A l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie" (et j'ai lu ensuite le "Protocole compassionnel".).
C'était un très long entretien, une heure je pense, comme on pouvait en faire à l'époque. Il était dans une nudité et une sincérité absolue, comme seul peut en avoir quelqu'un qui a traversé et dépassé l'enthousiasme puis le cynisme, et qui fait face à la mort.
De sa voix assez mate, calme, il a évoqué tout ce qu'il avait vécu, après avoir découvert comme tous les homosexuels du monde, le sida, l'avoir défié, avoir accompagné ses amis, amants mourants.
J'ai été profondément touchée, je ne l'ai jamais oublié. Pourtant à priori, Guibert n'était pas quelqu'un avec qui je pouvais accrocher vraiment, trop grinçant, trop intelligent.
Dans "Le protocole compassionnel" il raconte ce qui a suivi : il a été submergé d'une masse de courrier incroyable, de gens qui lui disaient une forme d'amour qui l'a complètement retourné. Il racontait que quand on les lui amenait son ascenseur était rempli de lettres, qui se déversaient sur le pallier.

PD

par Claire @, lundi 15 décembre 2014, 22:40 (il y a 3418 jours) @ Claire

en fait, c'est probablement un souvenir déformé. je n'ai retrouvé nulle part ce très long entretien et je peine à le reconnaître dans l'assez brève participation à Apostrophe. Pour moi il est en noir et blanc, hors d'un studio, et Guibert est seul avec celui qui l'interviewe.
Peut-être je lfais un mélange avec ce qu'il dit dans les deux livres qui ont suivi, et ai-je imaginé sa voix. Il me semble aussi que je l'ai revu à la télé, encore plus maigre, avec ce chapeau rouge qui donne son titre à un des livres.
mais peu importe finalement.

PD

par dh, mardi 16 décembre 2014, 13:34 (il y a 3418 jours) @ Claire

oui, peu importe, on s'en contrefout de ce guignol.

PD

par RG, mardi 16 décembre 2014, 17:06 (il y a 3417 jours) @ Claire

Je dois t'avouer qu'au départ, Guibert n'est pas du tout ma tasse de thé, mais la lecture de sa trilogie sur la maladie m'a vraiment marqué.
En ce qui concerne l'interview évoquée, ne s'agirait-il pas de son film La Pudeur ou l'impudeur ? Je n'en ai vu qu'un court extrait, donc je ne peux te renseigner plus amplement.
Pour moi, s'il y a un livre, un seul, à lire de lui, c'est Fou de Vincent, un journal intime magnifique, sous forme de fragments, sur un histoire d'amour ratée.

PD

par Claire @, mardi 16 décembre 2014, 17:21 (il y a 3417 jours) @ RG

non, ce n'est pas ça, je l'ai vu aussi...en tout cas cette interview, réelle ou à demi-reconstruite, a rejoint pour moi le territoire de ces "présences" qu'on n'oublie pas, parce qu'elles sont venues rencontrer quelque chose en nous. Je crois qu'il n'y a rien du hasard là-dedans, mais que c'est si proche de l'inconscient (le vrai, celui qui doit le rester), que cela nous a changé.
Il n'est pas surprenant d'ailleurs qu'un film de Chéreau, "L'homme blessé", m'ait fait le même effet, et que je n'aie découvert que bien plus tard la part que Guibert y avait prise.
Je pourrais écrire des pages sur toutes les réflexions qui en sont nées.

Dernier écho : à la radio récemment, une lecture d'une lettre où Guibert parle de deux photos de lui, prises à 10 ans d'intervalle, 12 et 22 ans, et de la terrible différence qu'il voit entre elles. Une catastrophe qu'il ne dévoile pas.
J'ai un peu cherché, parce que j'aime les énigmes humaines. Tout ce que j'ai trouvé c'est ceci : à un certain âge il a appris sur sa mère quelque chose d'inacceptable.
Certainement aussi le sida a été pour lui un révélateur tout à fait essentiel.



Je me dis que je pourrais faire un petit panthéon personnel de ces "présences", que ce serait bien intéressant.




c'est marrant, je viens de voir (et de corriger) un lapsus plus haut : j'avais écrit à propos des deux photos "la terrible différence qu'ils voient entre elles". Comme si les deux photos avaient, aussi, regardé Guibert comme deux hommes distincts.

PD

par Claire @, lundi 15 décembre 2014, 22:46 (il y a 3418 jours) @ Claire

j'ai pensé aussi à Kundera, "La vie est ailleurs".

PD

par tam @, mardi 16 décembre 2014, 00:14 (il y a 3418 jours) @ Claire

Juste dire merci en passant pour cette évocation du souvenir de Jaromil, Claire, dont le fantôme hante encore mes années d'adolescent. Celles de La haine, précisément. J'ai dévoré tout Kundera dans la foulée jusqu'à son Art du roman, mais la vie est ailleurs, risibles amours et la plaisanterie restent mes préférés.

En profiter au passage - pas si fréquents - pour dire que non, l'homosexualité n'est sûrement pas "juste un mauvais moment à passer", mais j'imagine que la formulation relevait de la provocation, comme une rage rentrée on dirait.

Pour finir sur la maladie - depuis qu'on n'en meurt plus - une amie médecin très impliquée dans la prise en charge des malades depuis les tous débuts des tri-therapies dit qu'aujourd'hui le drame, c'est qu'on rencontre des patients, des cinquantenaires le plus souvent, qui s' y réfugient. Ou quand la fiction, blablabla... sauf que l'histoire ne dit pas s'ils en tirent des romans.

des bises quand même aux flous et aux plus nets.

PD

par dh, mardi 16 décembre 2014, 13:27 (il y a 3418 jours) @ tam

rien à foutre d'hervé guibert !

rien !

PD

par Claire @, mardi 16 décembre 2014, 15:31 (il y a 3417 jours) @ dh

ça c'est sûr vu qu'il est mort :(

PD

par RG, mardi 16 décembre 2014, 17:09 (il y a 3417 jours) @ dh

C'est marrant, je pense la même chose de toi. Enfin, je veux dire, de tes textes amphigouriques qui, selon moi, ne font que révéler un goitre d'autosatisfaction qui te permet de te gargariser de pseudo poésie.
Tu ne devais pas "quitter" ce forum, après ta petite crise d'hystérie ? Toi, tu es un homme de principe, c'est certain.

PD

par RG, mardi 16 décembre 2014, 17:03 (il y a 3417 jours) @ tam

Franchement, avions-nous besoin de ton moralisme ?
J'écris ce que je veux, dans la mesure où j'estime qu'en littérature il n'y a ni morale ni responsabilité.
Tu m'obliges à dire : je suis moi-même homosexuel, donc évidemment qu'il y a une forme de provocation là-dedans.
En plus, venir apporter une anecdote médicale, c'est pire que cracher sur mon texte, car tu le sors du champ littéraire pour le tirer vers le réel le plus bas.
J'accepte toutes les critiques d'ordre narratives, stylistiques... littéraires, quoi, mais la morale, non, non et non.
Je n'ai rien contre toi, mais là j'ai juste envie de te dire de retourner à la messe, Tam, et d'écrire des versets. Autre option : te lancer dans la rédaction de brochure de prévention.

PD

par tam @, mardi 16 décembre 2014, 18:54 (il y a 3417 jours) @ RG

Doux Jésus Marie Joseph - c'est d'saison - je sens qu' il va m'plaire ce garçon !

Mon enfant, je sens bien que Denis t'a énervé et je ne t'en tiens pas rigueur ; c'est un sale gosse qui fait rien qu'à tancer ses copains sous prétexte qu'ils ne lisent pas assez ni assez bien. Mais de là à te draper dans l'amoralité pour refuser d'admettre que ton texte est daté et jeter l'opprobre sur les copains, tu pousses le goupillon un peu loin.


Ça m'apprendra tiens à vouloir aider mon prochain.

PD

par tam, mardi 16 décembre 2014, 22:14 (il y a 3417 jours) @ tam

RG,

Je te présente mes excuses pour l'intervention ci-dessus, nulle et non avenue, épidermique.

Y a que la vérité qui blesse et tu n'es pas le premier à m'en faire la remarque : tu dois avoir raison, il subsiste sûrement un fond judéo-chrétien dans le regard que je porte sur le monde et je ne suis probablement pas capable de dissocier vie et littérature.

Pardon d'avoir pollué ce fil.

PD

par Claire @, mardi 16 décembre 2014, 22:58 (il y a 3417 jours) @ tam

Ne t'excuse pas tam, personne n'a à s'excuser...ni RG ni toi. Il reste encore des espaces pour dire ce qu'on ressent, ce qui vous passe par la tête, sans tourner sa langue 77 fois dans sa bouche..et lire la liberté, aussi, des réactions en face.
Heureusement.
Et reviens polluer et enrichir tant que tu en auras envie.

PD

par RG, jeudi 18 décembre 2014, 15:57 (il y a 3415 jours) @ tam

Tu ne pollues rien du tout !
L'invective est un art à part entière ;)

PD

par RG, jeudi 18 décembre 2014, 15:59 (il y a 3415 jours) @ tam

Daté en quoi ?
Tu t'es juste contenté de venir nous faire un prechi precha sur l'homosexualité et la maladie, sans jamais évoquer le texte en lui-même.
Comment pourrais-je donc refuser d'admettre quelque chose que tu n'as même pas verbalisé ??