Ecrit sur place

par Périscope @, lundi 03 décembre 2018, 08:48 (il y a 1969 jours)

Ecrit sur place

Une place est un endroit où on se trouve
De quelle manière une place nous oblige-t-elle à y prendre place ?
Une place est la convergence, le carrefour, la dissolution de plusieurs directions qui vont déterminer une place centrale, de laquelle, une fois en la place, on pourrait se déplacer vers d’autres directions, celles précisément dont l’axe a permis de converger pour l’instauration de cette place où je me trouve
Mais par pour longtemps
Car on ne se trouve pas sur une place, on s’y perd facilement, on se cherche, on s’y donne rendez-vous alors que sur une place il n’est rien de plus compliqué que de s’y repérer
Les repères n’en sont pas essentiellement les points cardinaux, pas toujours commodes à fixer dans une métropole dont on est soi-même qu’un minime point perdu parmi tant d’autres qui constituent le tout
Il y aurait bien des monuments, ou d’autres singularités architecturales que l’histoire a cru bon de figer sur la place, ou autour de la place, car une place a une circonférence qui délimite son emplacement
Mais être sur la ligne de démarcation de cette place est-ce encore être dans la place, sur la place, une place par définition étant un endroit qui entoure, cerne, embrasse celui qui se réclame avoir pris position et même prit place par cette position lui faisant dire justement à ceux qui le chercheraient « je suis sur la place, donc vous me trouverez là ! »
Pourtant une place se reconnaît à ce qui la limite, à ce qui est extérieur à elle, à ce qui ne laisse plus de champ ni de place à ce qui pourrait y avoir un emplacement, c’est-à-dire tout !
Car si une place est un vide, le lieu d’un aboutissement, là où on parvient qu’avec essoufflement, ce vide sera alors forcément rempli
On entend dire parfois avec soulagement « la place est vide », c’est toujours un événement, car à quoi peut servir une place vide, le vide invitant toujours à vouloir le combler
Nous avons vu des places vides, en temps de guerre, ou après des catastrophes, ou bien simplement quand la fête est finie, la place est ramenée à son origine, l’espace devient libre, chacun est libre de s’y rendre, les municipalités prévoient toujours des places libres dans leur ville, elles servent aux rassemblements, elles servent à regrouper toutes les forces qui ne peuvent plus contenir dans les artères voisines, les places envahies renversent les pouvoirs, mais aussi on les nettoie vite pour remettre de l’ordre
Une place vide avec un enfant qui joue au ballon,
Une place vide avec un vieillard chancelant qui a entrepris de la traverser
Une place vide avec des papiers gras que le vent fait rouler
Une place vide avec un banc
Une place vide avec l’arrivée d’un cirque à l’aube
Une place vide comme il n’en existe plus
Où est votre place, mais il n’y a plus de place, le monde affiche complet
On se déplace de plus en plus, nous serons obligatoirement des déplacés,
Il n’y a que la place du mort qui sera notre dernière place,
Celle-ci nous est déjà réservée.

Ecrit sur place

par sobac @, lundi 03 décembre 2018, 09:59 (il y a 1968 jours) @ Périscope

Trouver sa place, en quête d'absolu
dans ce tohu-bohu, de grimaces
où s'entrelace, même le superflu
c'est le trop-perçu, l'autre carapace


bon texte sur la réflexion de la place, avec toutes ses interpretations

Ecrit sur place

par seyne, vendredi 07 décembre 2018, 09:59 (il y a 1964 jours) @ Périscope

l'ensemble demande de la concentration et il y a des passages un peu filandreux, mais c'est quand même très intéressant tout ça.

Pour prolonger:


Un groupe thérapeutique pour de jeunes enfants. On définit l'espace, on définit ce qu'on va y faire, le jeu qui va permettre d'exprimer ce qui ne va pas, à l'intérieur de soi, de le partager. Certains enfants sont terrifiés, ne peuvent participer à rien, tentent de s'enfuir ou manifestent leur angoisse. Mais s'ils peuvent trouver un refuge juste au bord, par exemple se glisser sous un siège, il vont pouvoir être là sans être là, assister sans se sentir forcés d'ex-ister. Et un jour, ils sortent du trou, prennent leur place dans le jeu, dans le groupe.

La première fois, justement, où on a senti qu'on avait sa place dans un groupe hors de la famille. Un moment enivrant.

La place Emile Landrin, la première que j'ai habitée. C'est un petit triangle, dont un seul côté est numéroté sous ce nom, les deux autres sont les rues qui y convergent. Il n'y a donc que deux immeubles, le 1 et le 3. On vivait au 6eme (sans ascenseur). Dans mon esprit d'enfant c'était la placémilandrin. Je l'ai quittée à 5 ans, je me souviens qu'il y avait beaucoup de petits artisans à l'époque, un quartier très populaire. Ma mère nous emmenait jouer au Père Lachaise.

Les "points de rencontre" qu'on est obligé de créer sur certaines places, pour que les gens se retrouvent.

Ecrit sur place

par Périscope @, lundi 10 décembre 2018, 09:42 (il y a 1961 jours) @ seyne

Selon les périodes, il y des mots qui logent en nous

des mots clé, pour soi, ils demandent à être auscultés

interrogés, déclinés, passant ainsi peut-être du particulier au général

par leur sonorité scandée on essaie d'en faire exploser le sens

de leur logique on accède à l'absurde parfois

Et alors par les références au réel que tu évoques, se soulève la question
du rapport du vécu au langage

comment nos souvenirs donnent sens aux mots
de cette adéquation on peut se sentir prisonnier

quelle est l'autonomie des mots ? pour moi c'est une question poétique

Ecrit sur place

par seyne, lundi 10 décembre 2018, 13:50 (il y a 1961 jours) @ Périscope

je me dis que je suis vraiment toujours à la recherche du sens, et que je ne me laisse pas aller à goûter les mots autrement. Surtout les mots assez abstraits comme "place".

Et que la répétition provoque toujours chez moi un premier sentiment d'agacement, l'impression qu'on n'a pas grand chose à dire, qu'on meuble...or elle est souvent pratiquée dans la poésie contemporaine, dans le sens d'un creusement, un peu à tâtons.