Les Gilets de l'Enfer
LES GILETS DE L'ENFER
les gilets jaunes ont le teint gris
et du mépris dans la misère
l'orgueil d'un routier lunatique
ou bien d'un commercial instable
ou d'une putain mal baisée
toutes les gorges sont nouées
les porte-monnaie s'achètent discount
la mort dit bonjour monsieur en quoi puis-je vous être utile
on parle de pédés de Boutin
de gamins gavés au Norman
au Cyprien
à la cyprine ou aux ordi
pc ou mac
quoi ? tu pleures gros sac ? normal t'es pas
normal
t'es rien
ton moral est un désastre
t'es l'épave
l'égal
d'un capitaine déshonoré
t'es sale
T'ES SALE !!!
tu pues le plouc le péquenaud le plâtre et le placo
t'es serveur dans un boui-boui
au pays de oui oui où dire merci est une épreuve
Macron ma caille t'as fini de nous crever
crâneur haut gradé gravé au feutre indélébile
délibérés son nos délires quand on s'oblige à s'agripper
à d'la peau de président
Les jacqueries ont le teint jaune
comme lors d'une bonne pancréatite
la grogne épargne les élite
les comédiens et prosélytes
d'une croyance aux dents nickelles
au rire si beau qu'ils en deviennent
comme l'opposé des gens craignant
pour le gasoil et pour l'oseille
pour les oiseaux défenestrés
les gilets jaunes ont le teint gris
et tout le vrai les anarchise
dans le sincère qui les habite
même s'ils ne font que reproduire
toute la grande erreur de Dieu
le risque de faillir
les gilets jaunes ont le teint gris
et du mépris dans la misère
l'orgueil d'un routier lunatique
ou bien d'un commercial instable
ou d'une putain mal baisée
toutes les gorges sont nouées
les porte-monnaie s'achètent discount
la mort dit bonjour monsieur en quoi puis-je vous être utile
on parle de pédés de Boutin
de gamins gavés au Norman
au Cyprien
à la cyprine ou aux ordi
pc ou mac
quoi ? tu pleures gros sac ? normal t'es pas
normal
t'es rien
ton moral est un désastre
t'es l'épave
l'égal
d'un capitaine déshonoré
t'es sale
T'ES SALE !!!
tu pues le plouc le péquenaud le plâtre et le placo
t'es serveur dans un boui-boui
au pays de oui oui où dire merci est une épreuve
Macron ma caille t'as fini de nous crever
crâneur haut gradé gravé au feutre indélébile
délibérés son nos délires quand on s'oblige à s'agripper
à d'la peau de président
Les jacqueries ont le teint jaune
comme lors d'une bonne pancréatite
la grogne épargne les élite
les comédiens et prosélytes
d'une croyance aux dents nickelles
au rire si beau qu'ils en deviennent
comme l'opposé des gens craignant
pour le gasoil et pour l'oseille
pour les oiseaux défenestrés
les gilets jaunes ont le teint gris
et tout le vrai les anarchise
dans le sincère qui les habite
même s'ils ne font que reproduire
toute la grande erreur de Dieu
le risque de faillir
Les Gilets de l'Enfer
Bravo ! Clap clap clap
Ca envoie, ça dit des trucs, ça slame, ça parle aux gens, eh oui ! Et aux tripes, et ça laisse des traces de vécus.
Que demande LE PEUPLE ???
Et ça manquait car,
où sont les poètes à c't'heure bordel. Ils comptent leur e-mail leur ri-mel leur rime au laid ?
La poésie elle est sur les champs gilets jaunes, bande d'aveugles.
Merci, merci aussi sobac, et moi etc.
Délivre net.
Ca envoie, ça dit des trucs, ça slame, ça parle aux gens, eh oui ! Et aux tripes, et ça laisse des traces de vécus.
Que demande LE PEUPLE ???
Et ça manquait car,
où sont les poètes à c't'heure bordel. Ils comptent leur e-mail leur ri-mel leur rime au laid ?
La poésie elle est sur les champs gilets jaunes, bande d'aveugles.
Merci, merci aussi sobac, et moi etc.
Délivre net.
Les Gilets de l'Enfer
le plus beau poème « engagé » que j’aie jamais lu. Intelligence, puissance de l’émotimon, subtilité des images.
Je doutais parfois que ça puisse exister, merci Pierre.
(Claire)
Je doutais parfois que ça puisse exister, merci Pierre.
(Claire)
Les Gilets de l'Enfer
en effet, c'est bien écrit.
par contre le sens me semble un peu flou. poème "engagé" ? vraiment ?
"la grande erreur de dieu" ? kesako ?
c'est toujours le même problème avec l'art "engagé" : la clarté et qualité du message sont presque antinomiques de la qualité artistique de l'oeuvre, sauf en de très rares cas.
d'où la nullité du réalisme socialiste et de ce qui en suit.
art, propagande ou catéchisme, il faut choisir.
par contre le sens me semble un peu flou. poème "engagé" ? vraiment ?
"la grande erreur de dieu" ? kesako ?
c'est toujours le même problème avec l'art "engagé" : la clarté et qualité du message sont presque antinomiques de la qualité artistique de l'oeuvre, sauf en de très rares cas.
d'où la nullité du réalisme socialiste et de ce qui en suit.
art, propagande ou catéchisme, il faut choisir.
Les Gilets stabilos
Les Gilets stabilos, n'ont plus honte , ils se montrent
Les Gilets de l'Enfer
Oui, il n’y a pas la morale de l’histoire, pas de « message », ce qui fait qu’on est bien dans un poème.
Mais la subtilité, l’empathie, la réflexion apportent quelque chose à notre regard, comme toute œuvre authentique, et cela dévoile du sens, dechiffre l’existence même de ce qui est décrit. Et donc le « soutient » au vrai sens du terme. C’est cela que l’art peut faire.
Mais la subtilité, l’empathie, la réflexion apportent quelque chose à notre regard, comme toute œuvre authentique, et cela dévoile du sens, dechiffre l’existence même de ce qui est décrit. Et donc le « soutient » au vrai sens du terme. C’est cela que l’art peut faire.
Les Gilets de l'Enfer
Salut à vous. Et merci. Je comprends un peu le point de vue de dh sur la différence entre poésie et propagande, art et politique. La propagande dans l'art ça rappelle trop de sales époques. En fait c'est tout nouveau pour moi, ça, écrire de "l'engagé", du politique, même de caser le mot "Macron"^^. C'est un exercice qui m'a amusé, intéressé. Mais pour être franc, je ne suis ni pour ni contre les gilets jaune, c'est juste que j'ai l'impression qu'il se passe "réellement" quelque chose de presque anarchiste. Et puis ce symbole du gilet jaune, imposé par l'état hier, et qui se retourne aujourd'hui contre le pouvoir, je trouve cela très révélateur. Comme si ce gilet tout moche devenait un treillis.
Les Gilets de l'Enfer
Eh oui, Houellebecq en est un cuisant exemple.
Tu es aussi pétri que les autres de contradictions denis.
Tu es aussi pétri que les autres de contradictions denis.
Les Gilets de l'Enfer
"je ne suis ni pour ni contre les gilets jaune"
Ouf, on a eu peur.
Un poète se doit de surtout ne pas prendre parti, selon la bonne morale contemporaine.
Ouf, on a eu peur.
Un poète se doit de surtout ne pas prendre parti, selon la bonne morale contemporaine.
Les Gilets de l'Enfer
Je comprends cet état cathartique dans lequel ce pays est plongé. Ca sent le soufre, réellement, et quelque part ça stimule une bonne partie de moi-même, dans ce sens où j'ai plutôt, normalement, une grille de lecture "sceptique" du monde. Là ça parle, ça gueule, même, et ça meurt pour de vrai, et ça part dans tous les sens et c'est un tableau de Pollock.
Le truc, c'est que moi je touche l'AAH (Allocation Adulte Handicapé), je ne bosse pas, je ne ressens pas, dans ma chair, cette hargne qui habite les français. Macron va m'augmenter mon AAH de 100 balles avant la fin de son mandat. Je suis "protégé".
Mais voilà. Je m'intéresse aux gilets jaunes. J'aime ce mouvement, cet élan, même dans tout ce qu'il peut révéler parfois de sordide.
Le truc, c'est que moi je touche l'AAH (Allocation Adulte Handicapé), je ne bosse pas, je ne ressens pas, dans ma chair, cette hargne qui habite les français. Macron va m'augmenter mon AAH de 100 balles avant la fin de son mandat. Je suis "protégé".
Mais voilà. Je m'intéresse aux gilets jaunes. J'aime ce mouvement, cet élan, même dans tout ce qu'il peut révéler parfois de sordide.
Les Gilets de l'Enfer
Ok, mais il y a des personnes touchant l'AAH parmi les gilets jaunes c'est sûr.
Les gilets jaunes, du moins la plupart d'entre eux, ne se battent pas que pour leur pomme, mais pour ce qu'ils considèrent comme un système profondément injuste à changer, et ils demandent aussi plus de démocratie.
Les gilets jaunes, du moins la plupart d'entre eux, ne se battent pas que pour leur pomme, mais pour ce qu'ils considèrent comme un système profondément injuste à changer, et ils demandent aussi plus de démocratie.
Les Gilets de l'Enfer
c'est quoi ton handicap pour pas bosser
Les Gilets de l'Enfer
Tu as tout à fait raison : on peut bien sûr se battre pour les autres sans penser uniquement à sa pomme. Et c'est ce que j'aime chez les gilets jaunes. J'ai des amis qui sont pour, d'autres qui sont contre, et moi j'essaie de synthétiser un peu tout ça. En tout cas mon poème est sincère, mais voilà: j'ai aussi des reproches à faire aux gilets jaunes. Je n'ai vraiment pas voulu prendre parti.
"Je ne suis pas toujours le même quand je parle et quand j'écris.
Je change mais je ne change pas beaucoup.
La couleur des fleurs n'est pas la même au soleil et lorsqu'un nuage passe ou que vient la nuit et que les fleurs ont la couleur de l'ombre.
Mais qui regarde bien voit que ce sont les mêmes fleurs.
Aussi quand je parais n'être pas en accord avec moi-même, faites bien attention :
si j'étais tourné vers la droite, me voici tourné vers la gauche mais c'est toujours moi, planté sur mes deux pieds ― toujours moi-même, grâce au ciel et à la terre,
à mes oreilles et à mes yeux grands ouverts et à la claire simplicité de mon âme…"
Fernando Pessoa alias Alberto Caeiro
"Je ne suis pas toujours le même quand je parle et quand j'écris.
Je change mais je ne change pas beaucoup.
La couleur des fleurs n'est pas la même au soleil et lorsqu'un nuage passe ou que vient la nuit et que les fleurs ont la couleur de l'ombre.
Mais qui regarde bien voit que ce sont les mêmes fleurs.
Aussi quand je parais n'être pas en accord avec moi-même, faites bien attention :
si j'étais tourné vers la droite, me voici tourné vers la gauche mais c'est toujours moi, planté sur mes deux pieds ― toujours moi-même, grâce au ciel et à la terre,
à mes oreilles et à mes yeux grands ouverts et à la claire simplicité de mon âme…"
Fernando Pessoa alias Alberto Caeiro
Les Gilets de l'Enfer
Borderline, ou TPL (trouble de la personnalité limite)
Les Gilets de l'Enfer
c'est trop cool la vie hein
Les Gilets de l'Enfer
Eh bien c'est pas si pire. Franchement. Aux States je serais à la rue. Après, je ne parle que de moyens financiers, mais faut pas non plus laisser dire que c'est cool la vie pour quelqu'un qui "dysfonctionne", qui "vrille", à qui "il manque une case", qui n'arrive pas à être juste normal. D'ailleurs, Macron va donner le droit de vote aux gens sous tutelle.
Bon, je me fais l'avocat du diable. Mais quand même je ne vois pas toute la vie en jaune. Il y a aussi des gens qui vivent sans passions. Et je pense que ça, c'est terrible. La déprime latente, la morosité, on la sent, on la palpe.
Bref.
Bon, je me fais l'avocat du diable. Mais quand même je ne vois pas toute la vie en jaune. Il y a aussi des gens qui vivent sans passions. Et je pense que ça, c'est terrible. La déprime latente, la morosité, on la sent, on la palpe.
Bref.
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As-tu déjà pensé à te foutre sous un train, toi qui : "dysfonctionne", qui "vrille", à qui "il manque une case" ?
Les Gilets de l'Enfer
Et toi?
Les Gilets de l'Enfer
Je t'ai d'abord posé la question, je te répondrais après ...
Les Gilets de l'Enfer
Ça me sidère qu’on pose des questions de ce genre, de cette façon, caché derrière un pseudo. Il y a vraiment des beaufs sur internet.
Les Gilets de l'Enfer
Oui c'est très beau.
J'avais lu un peu Pessoa, le gardien de troupeaux.
J'avais lu un peu Pessoa, le gardien de troupeaux.
Les Gilets stabilos
Et ils ont bien raison !
...
Ne rien lâcher, marqué au jaune fluo
Sur le corps, du jaune citron
Bien criard, pour se voir
Pour alerter, pour prévenir
On est là, avec nos vies
Chacune est importante soudain
Aux yeux de tout le monde
Il y a du nouveau
Pour échanger, pour partager
Le changement c'est maintenant
C'est-à-dire quand on n'attendait plus
Rien de rien
On s'est levé, élevé
On a dit STOP
On ralentit à présent, on se pose là
Ensemble, piquants
On va bien voir, déjà on voit
Certains rire jaune
Avec le teint pâle
Ils commencent à perdre en altitude
Ils vont se reconnecter, au fur-à-mesure
Patience, ne rien lâcher
Marqué au jaune fluo
...
Ne rien lâcher, marqué au jaune fluo
Sur le corps, du jaune citron
Bien criard, pour se voir
Pour alerter, pour prévenir
On est là, avec nos vies
Chacune est importante soudain
Aux yeux de tout le monde
Il y a du nouveau
Pour échanger, pour partager
Le changement c'est maintenant
C'est-à-dire quand on n'attendait plus
Rien de rien
On s'est levé, élevé
On a dit STOP
On ralentit à présent, on se pose là
Ensemble, piquants
On va bien voir, déjà on voit
Certains rire jaune
Avec le teint pâle
Ils commencent à perdre en altitude
Ils vont se reconnecter, au fur-à-mesure
Patience, ne rien lâcher
Marqué au jaune fluo
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oui, en plus ce gilet c’est celui des gens qui sont au service de tout le monde, je m’en suis rendu compte un matin ordinaire de ces semaines pas ordinaires...ils étaient dans la rue : éboueurs, employés de la voierie, « dames qui font traverser » les enfants des écoles.
Comme ce message lumineux un peu débile qu’on voyait au dessus des autoroutes : « attention à l’homme en jaune, c’est mon père ».
Et le message « publicitaire » de Karl Lagersfeld : « c’est moche, ça va avec rien mais ça peut vous sauver la vie ».
Comme ce message lumineux un peu débile qu’on voyait au dessus des autoroutes : « attention à l’homme en jaune, c’est mon père ».
Et le message « publicitaire » de Karl Lagersfeld : « c’est moche, ça va avec rien mais ça peut vous sauver la vie ».
Les Gilets stabilos
cette comparaison m'est venue le premier jour de ce mouvement
se faire voir pour ne point être ignoré
se faire voir pour ne point être ignoré
Les Gilets de l'Enfer
Longtemps que j'avais pas eu envie de commenter mais...
Sûrement la plus belle chose que j'ai lu ici depuis lurette.
Puissance, intensité, rythme, ruptures et un regard sans concession pour dire l'humanité dans ce qu'elle a de moche et de beau et les deux à la fois.
Les gilets jaunes comme un révélateur, un prisme...
Admiration.
Sûrement la plus belle chose que j'ai lu ici depuis lurette.
Puissance, intensité, rythme, ruptures et un regard sans concession pour dire l'humanité dans ce qu'elle a de moche et de beau et les deux à la fois.
Les gilets jaunes comme un révélateur, un prisme...
Admiration.
Les Gilets de l'Enfer
Merci à toi. Ca me va droit au coeur.
Les Gilets de l'Enfer
A force de lire, de voir et d'entendre les gilets jaunes sur toutes les ondes, je pense et je vois des genêts jaunes, comme c'est étrange et beau, ces brins de Bretagne qui saluent.
Les Gilets de l'Enfer
J'espère que les plantes nous survivront. Que même la couleur nous survivra.
Les Gilets de l'Enfer
La vie, les planètes, l'univers continuera, n'ayons aucun doute là-dessus. Les plantes oui, les couleurs aussi, si tant est qu'il faille des yeux animés d'un esprit en capacité de les distinguer.
Il n'y a pas d'autre choix que de se battre pour que vive notre espèce, dans le meilleur écosystème possible, et il est gravement en danger.
Une minorité aux commandes du monde a déjà fait le choix que seraient "sacrifiés" une grande partie, pensant continuer la route qu'ils ont dessiné sans. Ils sont dans l'erreur aucun doute ils n'y survivront pas non plus, mais c'est ainsi qu'ils cogitent dans leur entre-soit.
Pour nous les autres, il n'y a d'autre alternative que le tou-te-s ensemble, de résister de toutes nos forces, et de lutter pour, de toutes les manières possibles et imaginables.
Il n'y a pas d'autre choix que de se battre pour que vive notre espèce, dans le meilleur écosystème possible, et il est gravement en danger.
Une minorité aux commandes du monde a déjà fait le choix que seraient "sacrifiés" une grande partie, pensant continuer la route qu'ils ont dessiné sans. Ils sont dans l'erreur aucun doute ils n'y survivront pas non plus, mais c'est ainsi qu'ils cogitent dans leur entre-soit.
Pour nous les autres, il n'y a d'autre alternative que le tou-te-s ensemble, de résister de toutes nos forces, et de lutter pour, de toutes les manières possibles et imaginables.
à Rodrigue
Ça m’avait bien déplu ton compliment bordé de mépris, je trouve toujours ça suspect et très décourageant pour les autres. Du coup je n’avais pas envie de te parler...
...mais du coup aussi je suis retournée chercher ton livre (« Décomposition du verbe être ») et j’ai trouvé comment le lire : en une seule fois. Il faut lire relativement vite, survoler les trous, les hachures de la langue et la vision apparaît dans sa force émotionnelle et sa beauté terrible.
L’image qui m’est venue le plus souvent c’est celle d’un homme hébété de douleur qui, au petit matin, ouvre la porte et regarde depuis le seuil un monde devenu presque indéchiffrable. Qui prend son manteau et va marcher au hasard, seul avec ce qui marche à ses côtés.
J’espère que mon regard ne te semblera pas trop noir. La lecture m’a beaucoup touchée, en tout cas.
J’avais calé la première fois, comme je cale sur presque tous les livres, c’est assez lamentable.
...mais du coup aussi je suis retournée chercher ton livre (« Décomposition du verbe être ») et j’ai trouvé comment le lire : en une seule fois. Il faut lire relativement vite, survoler les trous, les hachures de la langue et la vision apparaît dans sa force émotionnelle et sa beauté terrible.
L’image qui m’est venue le plus souvent c’est celle d’un homme hébété de douleur qui, au petit matin, ouvre la porte et regarde depuis le seuil un monde devenu presque indéchiffrable. Qui prend son manteau et va marcher au hasard, seul avec ce qui marche à ses côtés.
J’espère que mon regard ne te semblera pas trop noir. La lecture m’a beaucoup touchée, en tout cas.
J’avais calé la première fois, comme je cale sur presque tous les livres, c’est assez lamentable.
à Rodrigue
Je sais, j'aurais pas dû le formuler comme ça, si j'avais su comment le formuler autrement. Pourtant je regrette pas vu que c'est exactement ce que j'ai ressenti, y compris sur la raison-nécessité de commenter cette fois là.
Y a pas de mépris. Et je serais bien mal placé pour mépriser l'écriture de qui que ce soit, moi qui n'écris plus rien depuis tant, et rien d'intéressant depuis encore plus.
Alors oui quand j'ai lu ce texte, cette vitalité, cette justesse, j'ai voulu dire aussi la rareté de mon ressenti. Et le dernier mot, "admiration", ça voulait dire aussi un peu d'envie de ce talent là.
Pas de position "méta", pas de mépris. Juste la reconnaissance du talent qui, j'assume, dépasse le tout-venant du lieu (ça n'engage que moi). Sachant que si je déposais ici mes pauvres dernières tentatives d'écriture le niveau du tout-venant baisserait illico.
Ça me rappelle exactement les quelques années pendant lesquelles, en bon chanteur de salle de bain, je participais à une grande chorale de Lyon. On chantait tous pas mal, mais individuellement pas de quoi s'en relever la nuit. Sauf que, une ou deux fois, un nouveau se pointait, ou bien c'était un participant habituel qui passait soliste et tout à coup il se disait des trucs du genre "... longtemps qu'on n'avait pas entendu une voix pareille".
Voilà, m'en vais retourner à ma lecture silencieuse.
Et pour Décomposition: merci.
L'image est très... juste. Merci.
Y a pas de mépris. Et je serais bien mal placé pour mépriser l'écriture de qui que ce soit, moi qui n'écris plus rien depuis tant, et rien d'intéressant depuis encore plus.
Alors oui quand j'ai lu ce texte, cette vitalité, cette justesse, j'ai voulu dire aussi la rareté de mon ressenti. Et le dernier mot, "admiration", ça voulait dire aussi un peu d'envie de ce talent là.
Pas de position "méta", pas de mépris. Juste la reconnaissance du talent qui, j'assume, dépasse le tout-venant du lieu (ça n'engage que moi). Sachant que si je déposais ici mes pauvres dernières tentatives d'écriture le niveau du tout-venant baisserait illico.
Ça me rappelle exactement les quelques années pendant lesquelles, en bon chanteur de salle de bain, je participais à une grande chorale de Lyon. On chantait tous pas mal, mais individuellement pas de quoi s'en relever la nuit. Sauf que, une ou deux fois, un nouveau se pointait, ou bien c'était un participant habituel qui passait soliste et tout à coup il se disait des trucs du genre "... longtemps qu'on n'avait pas entendu une voix pareille".
Voilà, m'en vais retourner à ma lecture silencieuse.
Et pour Décomposition: merci.
L'image est très... juste. Merci.
à Rodrigue
C'est quand même assez extraordinaire la communication...en lisant ton commentaire du texte de Pierre j'ai vu presque exactement les images que tu développes ici, celle de la voix qui s'élève et réduit à un brouhaha de médiocrité celles qui l'entourent. Un moment, j'ai été assaillie du même profond découragement : à quoi bon écrire, je ne suis pas le genre de personne qui écrit des choses vraiment belles et saisissantes, d'ailleurs je n'arrive pas à m'y mettre, et puis à quoi bon delivre, ce que j'y fais, ces écritures hésitantes, d'"amateurs" ?
Puis je suis passée à la colère contre toi, "ce genre de gens qui ne peuvent faire un compliment sans en abaisser d'autres". Mais comme c'était toi et qu'on a pas mal échangé, je me suis dit que tu étais en train de nous transmettre quelque chose de très sombre que tu ressentais à propos de toi et je suis allée repêcher ton livre.
Je me souviens toujours de ce que me disait un ami écrivain, celui dont le nom soudain apparu m'a poussée à reprendre la poésie : il me disait qu'avant d'écrire il lui fallait toujours se battre contre ces voix qui disent : "c'est nul, c'est fade, ça a déjà été écrit cent fois, tu n'es qu'un imposteur". Il a posé devant un panneau où il avait écrit : "L'écriture est un sport de combat".
Ces voix, ce sont les voix de la dépression qui nous accompagne toujours, qui définit un idéal, une étoile, et une échelle en dessous à laquelle on tente misérablement de grimper, retombant toujours. Il y a "ceux de tout en haut", le plus Fort, la plus Belle, la Voix sublime et singulière, et puis il y a la foule des nuls, médiocres etc...qui feraient mieux de se taire, de se cacher dans l'ombre. En haut de l'échelle il peut d'ailleurs y avoir "moi autrefois", quand j'écrivais des choses magiques, sans effort où presque, baignée par l'inspiration.
Mais quelquefois, je crois qu'on peut penser autrement. Par exemple, s'il y a une évidence c'est que ni Pierre ni Rimbaud ni personne ne pourra écrire ce que j'écris, avec la voix que j'ai et que j'essaie de faire résonner aussi justement que possible. Et encore plus profond : personne ne pourra témoigner de ce que j'ai vécu, de ce moment particulier, unique, de cette émotion complexe dont j'essaie de témoigner dans ce texte, de cette rêverie qui m'est venue du fond de mon esprit. Je me suis rendu compte que les moments sur lesquels j'ai écrit deviennent inoubliables, ne s'enfoncent pas dans le temps.
Et rien d'autre ne pourra en témoigner. Quand j'essaie de parler de ton livre, j'en dis des choses, mais le plus important, l'émotion particulière que j'ai ressentie, la beauté terrible dont je parle, on ne peut les sentir qu'en le lisant, elle ne ressemblent à aucune autres. Et on sent le travail que tu as fait pour y parvenir : pesant chaque mot, chaque article , élaguant, tâtonnant sur une paroi invisible, pour lire ses anfractuosité. Et je ne peux pas imaginer que tu ne l'aies pas fait avec un étrange bonheur, qu'on ne trouve nulle part ailleurs
Alors, à bas l'image des premiers de cordée, vive les gilets jaunes, les gilets de l'enfer ! Car que serait le monde sans leur diversité ?
C'est vrai aussi pour l'art je crois.
Puis je suis passée à la colère contre toi, "ce genre de gens qui ne peuvent faire un compliment sans en abaisser d'autres". Mais comme c'était toi et qu'on a pas mal échangé, je me suis dit que tu étais en train de nous transmettre quelque chose de très sombre que tu ressentais à propos de toi et je suis allée repêcher ton livre.
Je me souviens toujours de ce que me disait un ami écrivain, celui dont le nom soudain apparu m'a poussée à reprendre la poésie : il me disait qu'avant d'écrire il lui fallait toujours se battre contre ces voix qui disent : "c'est nul, c'est fade, ça a déjà été écrit cent fois, tu n'es qu'un imposteur". Il a posé devant un panneau où il avait écrit : "L'écriture est un sport de combat".
Ces voix, ce sont les voix de la dépression qui nous accompagne toujours, qui définit un idéal, une étoile, et une échelle en dessous à laquelle on tente misérablement de grimper, retombant toujours. Il y a "ceux de tout en haut", le plus Fort, la plus Belle, la Voix sublime et singulière, et puis il y a la foule des nuls, médiocres etc...qui feraient mieux de se taire, de se cacher dans l'ombre. En haut de l'échelle il peut d'ailleurs y avoir "moi autrefois", quand j'écrivais des choses magiques, sans effort où presque, baignée par l'inspiration.
Mais quelquefois, je crois qu'on peut penser autrement. Par exemple, s'il y a une évidence c'est que ni Pierre ni Rimbaud ni personne ne pourra écrire ce que j'écris, avec la voix que j'ai et que j'essaie de faire résonner aussi justement que possible. Et encore plus profond : personne ne pourra témoigner de ce que j'ai vécu, de ce moment particulier, unique, de cette émotion complexe dont j'essaie de témoigner dans ce texte, de cette rêverie qui m'est venue du fond de mon esprit. Je me suis rendu compte que les moments sur lesquels j'ai écrit deviennent inoubliables, ne s'enfoncent pas dans le temps.
Et rien d'autre ne pourra en témoigner. Quand j'essaie de parler de ton livre, j'en dis des choses, mais le plus important, l'émotion particulière que j'ai ressentie, la beauté terrible dont je parle, on ne peut les sentir qu'en le lisant, elle ne ressemblent à aucune autres. Et on sent le travail que tu as fait pour y parvenir : pesant chaque mot, chaque article , élaguant, tâtonnant sur une paroi invisible, pour lire ses anfractuosité. Et je ne peux pas imaginer que tu ne l'aies pas fait avec un étrange bonheur, qu'on ne trouve nulle part ailleurs
Alors, à bas l'image des premiers de cordée, vive les gilets jaunes, les gilets de l'enfer ! Car que serait le monde sans leur diversité ?
C'est vrai aussi pour l'art je crois.
Admiration
je voulais ajouter quelque chose : ce mot, ce sentiment que nous avons partagé autour de ce poème, quelquefois pour moi c’ est très proche, c’est comme la matrice de l’inspiration...d’ailleurs on respire mieux.
à Rodrigue
Alors, à bas l'image des premiers de cordée, vive les gilets jaunes, les gilets de l'enfer ! Car que serait le monde sans leur diversité ?
C'est vrai aussi pour l'art je crois.
Extra.
à Rodrigue (et Claire)
"Par exemple, s'il y a une évidence c'est que ni Pierre ni Rimbaud ni personne ne pourra écrire ce que j'écris, avec la voix que j'ai et que j'essaie de faire résonner aussi justement que possible."
Tu as tout juste, d'ailleurs je ne pense pas qu'il faille forcément chercher un style, une voix singulière. Sinon on se compare. Non. Je pense que le style est là depuis le début, et qu'il se révèle un jour, à force d'avoir parfois "honte" de ce qu'on écrit, à force de douter. De tâtonner. Pour moi c'est Cendrars que j'ai longtemps essayé de copier, sans le faire exprès, même. Mais ce qui est sûr, c'est que l'écriture de Claire appartient à Claire. Elle est unique (et de qualité). Elle décrit, elle existe. Après y'a du travail, faut pas non plus déconner, le niveau sur Delivre est quand même élevé. D’ailleurs j'ai parfois du mal à suivre certains débats.
On fait acte, au quotidien, de poésie, la poésie n'existe pas que sur la feuille, c'est du nectar d'essence d'art. La poésie ne coûte rien mais elle n'est pas gratuite. Ça fait mal l'écriture verticale. On compte les syllabes de ses pensées, on s'agrège aux signes sensibles. On est dans une écoute permanente. C'est vraiment dur.
Tu as tout juste, d'ailleurs je ne pense pas qu'il faille forcément chercher un style, une voix singulière. Sinon on se compare. Non. Je pense que le style est là depuis le début, et qu'il se révèle un jour, à force d'avoir parfois "honte" de ce qu'on écrit, à force de douter. De tâtonner. Pour moi c'est Cendrars que j'ai longtemps essayé de copier, sans le faire exprès, même. Mais ce qui est sûr, c'est que l'écriture de Claire appartient à Claire. Elle est unique (et de qualité). Elle décrit, elle existe. Après y'a du travail, faut pas non plus déconner, le niveau sur Delivre est quand même élevé. D’ailleurs j'ai parfois du mal à suivre certains débats.
On fait acte, au quotidien, de poésie, la poésie n'existe pas que sur la feuille, c'est du nectar d'essence d'art. La poésie ne coûte rien mais elle n'est pas gratuite. Ça fait mal l'écriture verticale. On compte les syllabes de ses pensées, on s'agrège aux signes sensibles. On est dans une écoute permanente. C'est vraiment dur.