Enfance

par Soledad, mardi 11 juin 2019, 17:48 (il y a 1775 jours)

Le toussotement des marmites réveillait
un ventre à la demande et jamais satisfait.

Le patio exultait du parfum de grand-mère
Elle fredonnait ses airs au linge étendu
nostalgique, pensait à son amour perdu
fils des deux Espagnes éclatées par la guerre

Des châtaignes bouillies au creux de ma menotte
je bravais le brouillard grelottant des usines
franchissais apeuré le portail triste et sombre
de la cour emmurée et grise de septembre
Mon index suivait les profondes cicatrices
des pupitres en bois aux encriers éteints
rêves coagulés des nuits, aux lendemains
secs des badines, des soutanes castratrices

Dimanche dénouait les lacets des sentiers
croquait, à pleines dents, l’acidité des pommes
chapardait le soleil, des collines, des prés
voûtés sous le crachin insistant de l’automne
d’une baie famélique, avalant par poignées
les cargos qui craquaient, sous les serres des grues
Ils jetaient en pâture aux longs quais oxydés
les tignasses rouillées des sirènes déchues.

Enfance

par sobac @, mardi 11 juin 2019, 18:56 (il y a 1775 jours) @ Soledad

j'aime beaucoup j'ai apprécié toutes les images de cette enfance

je me permet de poster un texte que j'avais écris a ce sujet

Un reste d'enfance

Voilà que s'évapore un reste d'enfance
le regard perdu sur l'imaginaire ambiant, où coule une rivière d'argent.
Que sont devenus les jeux des préliminaires, quand l'envie musardait
entre des après-midi ensoleillées, et l'attente excitante.
Combien sont lointains les sons, les odeurs, le goût du risque
lorsque le déclic engendrait dans les prunelles
le désir de s'accaparer les rêves.

Il subsiste de ces journées, l'impression implicite d'avoir espéré

Souvent, pour ne pas dire toujours, résonnait la sentence d'être contraint à s'évader
au-delà des frontières permises. Ce qui faisait dire aux intrépides, le danger est un fruit
a la chair exquise .
Ce parfum d'insouciance guidait nos décisions, nos plans , et autres stratagèmes, même si cela semblait espiègle. La réalité à l'esprit pratique, et les pièges ne sont que de vulgaires prétextes pour s' amender de nos frasques.
il faut préciser que la plage horaire était le rempart contre toutes formes de dispersions, afin de continuer nos escapades amoureuses

le temps représente parfois un espace , ou la permission prend place

Quand, au hasard de nos sorties, le besoin de conquête prenait le pas sur nos lèvres
naissait alors ce sentiment que l'on dit éphémère en été, mais au combien essentiel
dans les joutes qui nous opposent.
ces instants devenaient le miel de nos étés, et rien ne pouvait nous faire lâcher prise
pas même la promesse naïve de ne jamais révéler cette intimité
un baiser, voilà tout le prestige, celui qui transforme le quotidien en voyage sensuel
et puis cet air plus sûr de soi flottant comme l'ivresse d'un parfum interdit

les souvenirs se constituent au gré des aventures , l'enfance reste à jamais gravée

Maintenant, a la force de l'habitude, le confort de l'expérience, la saveur d'avoir vécu,
mais personne n'est dupe, rien ne remplace l'émotion, la soif des incartades
l'impression de saisons bénies de ces heures anonymes.
Combien sommes-nous a défier encore la mort qui rôde, la maladie invasive, venin au suc
amer, dans un calice qui ne rouille.
les mots ont remplacé l'insouciance, si le ver est dans le fruit, il reste la sentence dont on connaît la forme, comme l'orfèvre cisèle les destins éponymes

la vie est une constante, son cercle une épure dont la construction est itinéraire hypothétique

Enfance

par Soledad, mercredi 12 juin 2019, 09:10 (il y a 1774 jours) @ sobac

Merci pour ce partage

Enfance

par Périscope @, mercredi 12 juin 2019, 12:15 (il y a 1774 jours) @ Soledad

deux regards tellement différents sur l'enfance

fille/garçon


du moins dans la façon de s'en souvenir

Enfance

par seyne, mercredi 12 juin 2019, 13:56 (il y a 1774 jours) @ Soledad

j'aime bien les quatre derniers vers, assez frappants.

Le reste est un peu convenu...mais solide au niveau formel. La métrique est un sans faute, je crois, et les quelques rimes libres ne déparent pas l'ensemble.

Enfance

par soledad, mercredi 12 juin 2019, 14:49 (il y a 1774 jours) @ seyne

Je ne sais pas si la faim, l'ennui, la peur de l'école, la brutalité des plus grands et les châtiments corporels, ont fait partie du "convenu", je ne l'espère pas... Un petit doigt supplémentaire de souffrance peut-être?
Il ne manquerait plus que je boite. Heureusement, malgré tout ça j'ai encore bon pied bon œil...Merci pour ce retour.

Enfance

par seyne, mercredi 12 juin 2019, 18:15 (il y a 1774 jours) @ soledad

c'est vrai que cela renvoie à un temps plus ancien où tout ça était monnaie courante, et donc à des écrits qu'on aurait lus plus qu'à des choses qu'on aurait vécues. Le style de poésie classique renforce cette impression.
Sans doute as-tu été élevé dans des conditions particulières et douloureuses.

C'est très difficile, ceci dit, d'écrire des choses neuves, ou de manière neuve, sur l'enfance.
au phil de la vie était très doué pour ça.

Enfance

par au phil de la vie, mercredi 12 juin 2019, 22:07 (il y a 1773 jours) @ seyne

Paix à l'écriture et l'esprit qui la guide.

Je me sens heureux dans ma vie, accompli, je consacre mon temps disponible à l'engagement, pour tenter d'inverser la pente, pour tenter de limiter les dégâts que nous lèguerons à nos descendances. Tout aussi sincèrement, guidé par la vitalité de vie, tout aussi nécessairement que je le faisais en écrivant.
Je viens vous lire, j'apprécie des fois, je n'écris plus ce n'est pas un drame. Je n'ai pas le temps disponible ni la disponibilité d'esprit.
Je reste pourtant le même, je n'oublie pas la poésie. Je vis avec, même quand j'en n'écris pas.

Enfance

par Soledad, jeudi 13 juin 2019, 01:18 (il y a 1773 jours) @ au phil de la vie

Merci en tout cas de prendre le temps de répondre à l'une comme à l'autre. Je citais il y a peu un poème de Gabriel Celaya: "La poésie est une arme chargée de futur" Je trouve que le fond n'a pas changé.
Je suis sans doute plus pessimiste que vous, je doute que nous puissions léguer quoi que ce soit, si ce n'est la sérénité nécessaire et l'honnêteté pour réussir leur vie.
Un adolescent me demandait: Qu'est ce c'est pour vous que de réussir dans la vie? Ma réponse a été ce que je pense avec conviction: "être prêt pour accepter qu'elle me quitte à tout moment".

Enfance

par au phil de la vie, jeudi 13 juin 2019, 11:13 (il y a 1773 jours) @ Soledad

Je partage en substance cette réponse.
Mais précision quant à mon commentaire, quand j'écris "nos "descendances", ce "nous", c'est nous les humains qui peuplons cette planète, en tant que passagers, voire locataires. Et notamment "nous" qui faisons partie des pays dominants - pour ne pas dire écrasants. Nous léguons ce que nous bâtissons, ou détruisons, ou saccageons, ou réparons, selon. Une planète viable, ou non. Etc.

Enfance

par Soledad, jeudi 13 juin 2019, 12:48 (il y a 1773 jours) @ au phil de la vie

C'est bien ainsi que je l'avais compris, c'est pourquoi je m'inclus car je me sens tout aussi responsable que quiconque. Pourtant, ce n'est pas faute d'implication. Avec le recul, il me semble que c'est davantage une question de méthode et de fond...

Enfance

par Florian, jeudi 13 juin 2019, 10:25 (il y a 1773 jours) @ seyne

Je crois que ce n'est pas convenu c'est ce que j'ai essayé de lui dire. Les propositions sont convenues, mais pas leur juxtaposition. Le contenu ainsi obtenu, hasardeux construit véritablement le poème et l'émotion qu'il suscite. Il ne recherche pas de formule mais une accumulation, jusqu'à un seuil où l'ordinaire se sublime. C'est d'autant plus intéressant que rien n'est vague ou abstrait mais les éléments eux même s'élèvent au-delà de leur signification.

Enfance

par Soledad, jeudi 13 juin 2019, 12:43 (il y a 1773 jours) @ Florian

Merci Florian.