Des crues

par Rod., vendredi 30 janvier 2015, 10:48 (il y a 3375 jours)

on n'est que fragments
confins dispersés
proches
étrangers
parcelles à unir nuit et jour
seconde à seconde





on s'essouffle à
ramener à soi ces petits bouts
pensées larmes disjointes
joies différentes éclatées
suppurant d'orifices de chaque
autre





ça pue
dégouline en tous sens alors
bien obligé d'en faire une histoire connue
des idées possibles à rentrer dans
la cervelle
et ça fait quelque chose





quelque chose de plus ou moins
géométrique
à peu près carré ou bien rond
selon qu'on est plutôt
tel ou tel jour
ou d'un siècle à venir





et ça tient dans la main
ce qu'on fait de ce monde

un peu rond
dans la main
dans la poche et l'on va
son chemin
peuplé de semblables à ce qu'on dit





sous les semelles
des théories fantasques
de terres
de branches qu'on écrase
gravier mélangé fiché
dans les rainures





des pieds à la tête
en passant par les mains

ça ne change pas grand chose
à la fois victime et coupable
de trainer cette boue





le plus souvent
oublieux de ce qu'on porte
à marcher comme ça

un monde dans la poche
plus si rond ni carré
de moins en moins régulier à force





on sait pas tellement quoi faire
pour alléger son pas
se doute qu'il faudrait
peut-être s'arrêter nettoyer ce fourbi
se délester
curer ses souliers
sa tête





puis un jour
on sent bien que ça coule
se répand sur la cuisse
et le long de la jambe

ça gêne la marche on croit qu'
on s'est pissé dessus





de marcher un peu loin de concert
l'outre s'est déformée
ramollie

dissoutes les paroies chimériques
de ce monde de poche

et tout est à refaire encore





toujours
ensemble ou seul
on se pisse dessus
tant et tant

que marcher c'est noyer le chemin
de crues innombrables

Des crues

par dh, vendredi 30 janvier 2015, 10:51 (il y a 3375 jours) @ Rod.

je trouve ça très bien.

Des crues

par cat, vendredi 30 janvier 2015, 13:47 (il y a 3375 jours) @ Rod.

bonjour Rod,

tout lu!
est-ce un premier jet, une ébauche?
je suis surprise de te lire aussi "oralement"...

Des crues

par Rod., samedi 31 janvier 2015, 09:49 (il y a 3374 jours) @ cat

Bonjour Cat.
Presque un premier jet, à quelques détails près. Je crois que ce sera la fin du texte qui paraitra chez Centrifuges en fin d'année. Je sentais depuis un moment qu'il y manquait quelque chose sans mettre le doigt dessus. Et puis parallèlement j'étais en panne d'écriture depuis des mois. Cela dit je sais pas encore s' il va rester en l'état. Il est en effet assez différent du reste du texte, même s'il colle au thème. Voilà.

Des crues

par kel, vendredi 30 janvier 2015, 19:40 (il y a 3374 jours) @ Rod.

Je n'ai pas saisi le poème... Suis-je passé à côté, possible.

Des crues

par Claire, vendredi 06 février 2015, 13:55 (il y a 3368 jours) @ Rod.

c'est fort et dur, simple. j'aime la façon dont tu mets en images tous ces ressentis. en particulier celle d'avoir sur soi une poche pleine d'un liquide tiède, organique, qui peut se percer, c'est extrêmement pertinent. une sorte d'hémorragie psychique invisible, et une fausseté en même temps.


Il y a des moments où on a l'impression que notre identité est une sorte de bricolage que les évènements et les humeurs malmènent, remanient, dégonflent.
D'autres où on ne se pose même pas la question.

et où on est vraiment, dans ce chemin ?

Des crues

par cat, vendredi 06 février 2015, 15:58 (il y a 3368 jours) @ Claire

et où on est vraiment, dans ce chemin ?


parfois, dans la présence, c'est peut-être la seule chose qu'on a vraiment... ( ? )
mais je pense on l'oublie très très vite ...parce que tout nous absorbe

Des crues

par Claire, vendredi 06 février 2015, 17:34 (il y a 3368 jours) @ cat

oui.
La présence - dans un moment de désarroi glacé, ou dans un moment de joie profonde, se sentir juste exister. Quelque chose circule, entre le dedans et le dehors.

Des/ crues (vers°2)

par Rod., vendredi 13 février 2015, 10:53 (il y a 3361 jours) @ Rod.

nous disparates aux confins
proches
étrangers
nombre parcelles à unir
seconde à seconde







on s'essouffle à
ramener à soi ces bouts
pensées larmes disjointes
joies différentes éclatées
suppurant d'orifices de chaque
autre






ça pue
dégouline en tous sens alors
bien obligé d'en faire une histoire connue
des idées possibles à rentrer dans
la tête
et ça fait quelque chose






plus ou moins
géométrique
à peu près carré ou bien rond
selon qu'on est plutôt
tel ou tel jour
ou d'un siècle à venir






et ça tient dans la main
ce qu'on fait de ce monde

un peu rond
dans la main
la poche et l'on va
son chemin
peuplé de semblables à ce qu'on dit






sous les semelles
des théories fantasques
de terres
de branches qu'on écrase
gravier mélangé fiché
dans les rainures






des pieds à la tête
en passant par les mains

ça ne change pas grand chose
à la fois victime et coupable
de trainer cette boue






le plus souvent
oublieux de ce qu'on porte
à marcher comme ça

un monde dans la poche
plus si rond ni carré
de moins en moins régulier à force






on sait pas tellement quoi faire
pour alléger son pas
se doute qu'il faudrait
peut-être s'arrêter nettoyer ce fourbi
se délester
curer ses souliers sa cervelle






puis un jour on
sent bien que ça coule
se répand sur la cuisse
et le long de la jambe

ça gêne la marche on croit qu'
on s'est pissé dessus






de marcher un peu loin de concert
l'outre s'est déformée
ramollie

dissoutes les paroies chimériques
de ce monde de poche

et tout est à refaire encore






toujours
ensemble ou seul
on se pisse dessus
tant et tant

que marcher c'est noyer le chemin
de crues innombrables