Figures (suite)

par Écrire, lundi 16 février 2015, 22:07 (il y a 3365 jours)

Ils se dirigèrent vers l’accueil, distant d’une quinzaine de mètres. Le réceptionniste, supposément penché sur le registre (à moins qu'il n'ait été plongé dans un grand quotidien national de référence), leva la tête comme mû par un sixième sens professionnel. De fait, leur arrivée n’avait été accompagnée d’aucun son. La porte était aussi disserte qu’une musaraigne aphone. Le groom, nous l’avons vu, se formait à l’école du mime et la moquette grenat rendait leurs pas fantomatiques. Les vertus émollientes du feutre étaient telles qu’on aurait pu y jeter un pavé sans réveiller le couple hypnotisé. Ils se déplacèrent ainsi en quasi apesanteur et toute discrétion jusqu’au comptoir derrière lequel officiait l'employé, lui aussi modèle. Ce dernier leur offrit le sourire calibré maison, mais se démarqua de son collègue en s’exprimant oralement.
- Bonsoir Madame, bonsoir Monsieur. Quelle chambre avez-vous réservé ? A moins qu’il ne s’agisse d’une suite ?
Sa voix onctueuse versait les phrases à la façon d’une crème au caramel dans une coupelle cristalline. Il n’avait pas le moindre accent. On eut dit qu’il l’avait raboté de toutes les scories vernaculaires à l’aide d’un orthophoniste Républicain. Il est vrai que l'idiolecte bas Breton ou le patois Picard auraient jurés avec le cadre.

Figures (suite)

par kel, mardi 17 février 2015, 22:35 (il y a 3364 jours) @ Écrire

Me suis particulièrement délecté à la lecture de ce paragraphe.

(sûrement parce qu'il y a bas Breton dedans)

Figures (suite)

par Ecrire, mercredi 18 février 2015, 12:23 (il y a 3363 jours) @ kel

On constate que les présentateurs TV sont dépourvus d'accents. L'absence de cette caractéristique régionale (en fait, il y a toujours un accent, si faible soit il), constitue un marqueur social avantageux.

Au contraire, l'accent marqué, (pis le dialecte), dévalorise celui qui en est pourvu.

A l'inverse, on trouve en général que le toulousain est agréable à l'écoute, car il se contente de colorer légèrement le français "standard".

La classe supérieure se déleste de l'accent. Il y a un français "du bas" régionalisé et un français "du haut" déterritorialisé.