suite... du Cycle des rêves

par Claire, vendredi 13 juin 2014, 16:36 (il y a 3598 jours)

2 - Rêve du camp



Cette nuit j'ai rêvé que je vivais dans un camp, longé par un grand fleuve.
C'était une sorte de camp de scouts. Je devais partir, mais avant il fallait préparer un foulard enroulé pour une petite fille, trop petite pour le faire elle-même. Un garçon plus âgé me montrait : d'abord deux noeuds aux extrémités, fines et souples, qu'on noue devant le cou. Et puis la partie centrale qu'il fallait enrouler autour de longues brindilles trouvées dans des arbustes, pour rigidifier le foulard. Le camp était aussi un camp de réfugiés, de passage. Le fleuve qui le longeait était gris et puissant (il avait un nom allemand). Il était très pollué, avec des sortes de bancs d'huile jaunâtre, et en plongeant et en nageant sous l'eau, j'avais fait quelque chose, dérangé un équilibre, et l'huile s'était mêlée à l'eau, ce qui avait rendu trouble le fleuve entier. La vie était devenue difficile pour les poissons et les plantes, et j'étais tourmentée de cette erreur. Avais-je voulu le purifier ? De toute façon il était trop tard pour revenir en arrière. Peut-être un jour trouverait-on une solution ....ça me dépassait.
Je venais d'avoir un enfant, mais je ne parvenais pas à me souvenir de sa date de naissance (21 ou 22 août ?). Il était très petit, né depuis quelques semaines. L'accouchement avait été facile : j'avais attendu mon tour pour entrer dans la salle de travail, après d'autres femmes du camp. Je me promenais en le portant devant moi, sa tête dans le creux de ma main - il semblait tranquille.
Je devais partir avec ce petit enfant, m'occuper de lui désormais, ne pas oublier. Il fallait dire adieu à cet endroit.

vagues, les vagues d’âges
se suivent et se recouvrent
comme les tuiles de la mer
dans un lieu fait pour revivre
entouré de frontières
aisées à franchir.
je laisse dans ta main de fillette
la tige primitive
tresse-la
qu’elle soit comme un faisceau de preuves
de tout ce qui fut vécu
- et pour toi la preuve
que tu es venue, que tu restes ici à ton tour,
initiée.

les erreurs, les fautes,
la place commune,
et voir renaître.

3 - Novembres

par Claire @, samedi 14 juin 2014, 20:36 (il y a 3597 jours) @ Claire

J’ai rêvé de mon père la nuit dernière
il marchait – mains dans les poches,
à la tombée du jour
à côté de ma mère
et de ma plus jeune sœur
encore très petite.

La rue éclairée ce soir
s’ouvre comme un livre, là-bas,
au bout,
sur le ciel et la mer du même bleu éteint.
le bateau de la Seyne sur Mer
attend pour accoster.
Novembre est là.

Il portait un grand manteau sombre,
ouvert
le col relevé,
une chemise bleu nuit
et une cravate.
Il me disait en souriant :
« j’ai eu envie d’être bien habillé ».
(lui qui en avait si peu à faire
dans la vraie vie).
Je lui disais : « tu es magnifique. »

Je me souviens de ma sœur, adulte
devant le cercueil ouvert,
disant :
« il a toujours été beau mon papa ».



3 - Novembres

par zeio, dimanche 15 juin 2014, 03:27 (il y a 3597 jours) @ Claire

Ce rêve est beau et vraiment touchant claire. Pardon de ne pas en dire beaucoup plus, j'ai du mal à m'exprimer en ce moment.


Je me souviens pas de mes rêves ces temps-ci. C'est aussi une affaire de volonté. Le matin, la "mémoire tampon" est encore là, et puis disparaît, trace fugace. Pourquoi les rêves passent à pattes de mouches dans la mémoire, si nous n'y prenons pas garde ? Les personnes qui dorment mal se souviennent mieux de leur rêve, par le fait même qu'ils se réveillent souvent.

Une théorie sérieuse expliquait que le rêve était une construction ultra rapide du cerveau, construction qui avait lieu dans un laps très court, dans la fraction de seconde qui précédait le réveil. Nous ne rêvions pas, mais nous avions l'impression d'avoir vécu un rêve, le cerveau créant pendant ce laps l'illusion d'un étirement du temps : la sensation d'avoir vécu ces scènes. En quelque sorte le cerveau pendant ce big bang de la conscience (la conscience qui remonte à la surface), produisait cette sorte de bug, une masse de données chaotiques envoyées à la conscience et que celle-ci interprétait comme elle le pouvait, créant ces scènes, créant la sensation du temps, et donnant cette illusion d'avoir vécu un rêve.

N'est-ce pas une théorie intéressante ?

3 - Novembres

par zeio, dimanche 15 juin 2014, 15:50 (il y a 3596 jours) @ zeio

"laps très court" beau pléonasme

3 - Novembres

par Claire @, dimanche 15 juin 2014, 18:29 (il y a 3596 jours) @ zeio

oui, comme je l'ai dit déjà ailleurs, c'est une série de rêves assez étonnants que j'ai faits pendant à peu près une année. J'aime bien l'idée que ces récits si longs apparemment se déroulent en réalité très brièvement dans notre cerveau.
Si je les ai écrits et si je les donne à lire, ce n'est pas avec l'idée de leur interprétation, plus comme des petites histoires, dans lesquelles j'aimerais que mes lecteurs rentrent à leur tour.

4 -Car c'est ce que je désirais ( rêve du fleuve)

par Claire @, dimanche 15 juin 2014, 18:34 (il y a 3596 jours) @ Claire

J’ai rêvé cette nuit une chose étrange, un long rêve. J’avais un voyage à faire, un voyage dans un fleuve, et ce fleuve c’était le Nil. Mais ce n’était pas un voyage « sur » le Nil……la plus importante partie du voyage se passait à nager dans le fleuve, à me laisser entraîner sous la surface, d’affluent en petit port, de rive en milieu de courant, chargé d´objets flottants. Certains endroits étaient dangereux, à cause de tout ce qui encombrait l’eau noire et plutôt sale, à cause des innombrables embarcations qui se croisaient en désordre, ce désordre particulier des pays pauvres, où chacun sait avec une habileté presque surnaturelle tirer son épingle du jeu, se faufiler, mais où nous sommes si apeurés et maladroits et débordés, trop habitués à l’ordre et la sécurité. Pour autant, moi aussi dans le rêve, je m’en débrouillais bien, je n’avais pas peur. Quand je dis « moi », c’est plutôt le rêveur, moi-celui qui rêvait, qui nageait. Il n’y avait rien de féminin en moi, ni même (presque) une quelconque identité. J’étais le nageur-rêveur, un occidental depuis longtemps familier des eaux de ce fleuve. Habitué de défis inutiles, quelqu’un qui n’existait que dans les mouvements de la nage, l’attention aux obstacles et aux dangers, l’indifférence à la saleté inévitable. S’approcher des quais, être juste une tête mouillée dans l’obscurité, qui se déplace silencieusement entre les pilotis vaseux, les barques plates et les bidons.
Au cours du rêve je sortais souvent du fleuve, et pour certaines parties (sans doute plus difficiles) du voyage, j’allais sur une sorte de ponton flottant rejoindre deux hommes dont c’était le métier : accompagner, aider les voyageurs. Des gens du pays, que je connaissais depuis longtemps. Alors pour un jour ou deux je me laissais conduire, et dans ces moments où j’étais hors de l’eau, dans leur espèce de bateau un peu pourri, leur habitude du fleuve et de ses méandres, il me semble que j’étais une femme. Mais une sorte de femme fatiguée et intéressée seulement par ce qu’elle a à faire, qui se tait. Ma mère apparaissait dans le rêve juste un instant, participait à l’organisation du voyage, puis disparaissait.
Quand le réveil est venu, c’était trop tôt. J’ai lutté un moment pour rejoindre le rêve, replonger, car c’est ce que je désirais. Mais en vain.

eau noire, entrée
dans les moindres replis du corps dans les oreilles
la grotte étroite des narines et l’eau salée des yeux
je te partage avec toutes ces choses
qui s’écartent pour me laisser passer – eau sale
de tous les rejets de la vie tu ne pourrais rien salir
tu lisses
ma peau en toi, en qui je glisse.
j’ai quelques connaissances et quelques rappels
j’ai le plan des villes je connais quelques mots
je sais ce que font les gens qui se penchent
accroupis, à genoux – et la forme du contenant
qu’ils plongent dans tes reflets
l’écharpe de tes algues
reflue le long des pontons.
et certains t’habitent, on devine
l’éclat de leurs dents quand ils parlent
dans le noir j’entends (de là où je suis)
leurs rires planant sur la fumée d’un feu
dans la chaleur humide du soir
leurs épaules sont comme des poissons lisses.
alors je me retourne je plonge
vers le milieu du fleuve la rive opposée
presque invisible, de brumeux signaux au loin
il est temps de redevenir aveugle
de descendre dans le froid obscur et simple
au fond le courant est sans nuance
muscle serpent et roi invisible
je vais avec lui qui n’a qu’un seul sens.

5 - rêve du maître

par Claire, lundi 16 juin 2014, 18:06 (il y a 3595 jours) @ Claire

C’est un pays que je parcours dans une atmosphère crépusculaire, de déroute, de désordre. Beaucoup de gens vont et viennent, très loin de chez eux, en masses.
Je voyage avec plusieurs personnes inconnues, dont l’une est une femme gravement malade, mourante, qui survit immergée dans une sorte de cuve rectangulaire. Deux petites machines en forme de lampes l’approvisionnent alternativement en oxygène. Sa mort n’est qu’une question de temps, elle est inconsciente, et pourtant nous l’emmenons partout avec nous, tentons de la maintenir en vie. Il y a deux de ses enfants, adultes.
Un matin en me réveillant je me rends compte qu’une des machines manque, celle qui était en fonction. Je me hâte de faire ce qu’il faut, il est tout juste temps. Qui a pris la machine...serait-ce un des enfants ? Nous continuons notre chemin, et arrivons à l’endroit où vit un « maître », une sorte d‘ermite, dans une caverne très large et basse, dont le fond se perd dans l’obscurité. Une foule se presse autour de lui, un peu servile. Il a la réputation d’être imprévisible, lointain. Tous défilent devant une longue table de bois installée sur un côté, derrière laquelle il se tient, va et vient. On devine derrière lui des tableaux et des choses qu’il a créées. Je suis accompagnée de ma soeur, je m’approche avec elle de la table, il me regarde et prend un étrange objet, dont de nombreux exemplaires sont posés ici et là, objets bricolés, en attente. Il me le tend : c’est une sorte de longue lamelle de bois brun qu’il replie, surmontée d’un cristal vertical, un peu trouble. « Voyons si vous pouvez peindre des fumées » me dit-il. Le pinceau qu’il m’a donné est très fin mais ce que je peins, sur le cristal, me semble grossier alors je l’estompe avec beaucoup de soin.
Le résultat lui plaît, soudain il décide de quitter la grotte, m’emmenant avec lui. En me rendant l’objet que je viens de peindre il a accroché mes doigts et les garde mêlés aux siens, nous marchons ainsi côte à côte en silence sur un chemin, à côté d’une muraille à peine visible dans le soir. « Je lâche les gens parfois, vous savez » me dit-il au bout d’un moment. Je lui réponds que je le sais.

il plie une lamelle de bois c’est comme un exercice
et le cristal se dresse plein de fumées
sur la table, objet parmi d’autres semblables
dans les coins d’ombre.
Une arche, voûte aplatie, large
un refuge comme un arc, couché.

il me tend ce qui reste à faire
au-dessus du plateau luisant et lourd
par le soin, l’intuition
vient une sorte de concordance

- et s’accrochent entre nous
les doigts.
à donner et à prendre
le plus fin, le plus sensible
de nos franges, pulpes, plumes
des ailes absentes
je sens ses doigts comme des crochets innocents

aucune notation d’âge, de sexe ou de parenté.

6 - rêve du rayon rouge (et de la rencontre de ma mère)

par Claire @, mercredi 18 juin 2014, 23:42 (il y a 3593 jours) @ Claire

C’est une grande ville du futur, composée de très grands immeubles imbriqués, noirs ou gris. La vie se déroule sur d’innombrables niveaux, le sol n’est plus qu’une abstraction. Tout est perpendiculaire, vitré, vertical, artificiel. Au-dessus, comme dans une volière, le ciel semble tamisé par un très fin grillage, et on ne peut pas sentir le temps qu’il fait, ni deviner l’heure du jour. Il y a des lumières de toutes sortes. La ville elle-même évoque la semi-transparence d’une volière, un dédale en trois dimensions. Dans ce lieu d’une austère et redoutable beauté, je me déplace facilement, je suis en terrain connu. Mais un danger mortel est présent, menaçant, une sorte de fin rayon laser rouge, assez semblable à celui de certaines alarmes, transperce l’espace, se matérialise sur la paroi des immeubles, est par endroits comme filtré, atténué par le passage à travers des vitres teintées. Ce rayon unique qui règne sans que rien ne puisse s’y opposer ou s’en protéger, est un esprit malfaisant, qui tue ceux qu’il atteint, comme un chasseur non-humain. Je le combats et il le sait, il me cherche.
Tout le rêve est occupé par cette partie de cache-cache entre lui et moi. Je ne suis vraiment en sécurité nulle part, je cherche à atteindre l’origine du rayon, qui troue une façade au loin comme un oeil rouge et brûlant. A moment donné je suis descendue tout en bas de la ville, j’ai atteint le niveau du sol, dans une rue encaissée, pavée, où je gare avec difficulté une camionnette. Je vois alors ma mère venir à ma rencontre, petite femme tranquille et pragmatique, comme je l’ai connue chaque fois que j’ai eu besoin d’elle. Elle ne s’émeut pas plus que ça de la situation qu’elle comprend bien, on discute ensemble de ce qu’il faut faire.
Depuis quelques temps le rayon semble avoir perdu de son intensité, il paraît plus discontinu, plus hésitant, plus rare.
Et puis à la fin du rêve je vois qu’il a disparu. Je m’informe : est-ce vraiment fini ? Oui, il a été détruit, ou bien il s’est éteint tout seul, comme s’il avait suffi de lui échapper assez longtemps pour que son pouvoir s’annihile. Il n’y a plus rien à craindre, on peut maintenant se promener librement.

petite femme tout en bas dans cette ruelle
j’ai retrouvé ton visage et ta silhouette
ta démarche.
toi et moi
nous avions rendez-vous avec une peur sans nom
et nous faisions - comme on peut -
il fallait se cacher souvent.

le monde n’est plus fait pour ta marche
pour tes pas sur des pavés gris, luisants.
et pourtant je te vois revenir
ici-
sans peur de rien
entourée d’une simplicité.

7- rêve de l'assemblée du deuil

par Claire @, jeudi 19 juin 2014, 21:10 (il y a 3592 jours) @ Claire

Tout se passe dans une grande et ancienne maison, un peu à l’abandon, à la campagne. Nous sommes réunis à l’occasion d’un seuil, celui de mon ami X.
Dans une partie de la maison dorment les adultes, les enfants sont logés ailleurs (une autre aile ? un autre bâtiment ?). Les chambres sont disposées autour de couloirs compliqués, peu éclairés, dont les revêtements sont très vieux, fanés. Il y a des parties de la maison à moitié détruites, effritées. Par exemple dans une salle, le plancher s’interrompt à deux mètres du mur opposé et donne sur le vide. J’ai remarqué combien cet endroit serait dangereux si on arrivait avec trop d’élan. D’autres pièces sont remplies d’objets du passé, oubliés, touchants.
Dans une salle, au sol de terre battue, on voit des débris hétéroclites, parmi lesquels la partie supérieure d’un crâne de vache, retourné, très usé, et poudré d’une poussière noire qui en souligne les reliefs – on devine le palais, quelques dents.
Mais dans les grandes pièces du bas, des tables sont dressées, on va dîner. A la table où je m’assieds, avec mon mari à ma droite, la place de gauche est vide. Je vois au loin ma grand-mère qu’on entoure, à qui on propose de venir me rejoindre. Je n’en ai pas très envie mais je ne le montre pas, elle s’assied donc près de moi.
Puis c’est la fin du repas, une partie des convives est déjà partie - dont ma grand-mère - et je me retrouve à côté de deux jeunes hommes dont la compagnie me plaît. Je suis même à moitié appuyée sur mon voisin de gauche, j’ai un comportement plutôt impoli : je me rends compte que j’ai mangé à même le plat, plongeant ma cuillère dans la sauce jaune et crémeuse, j’ai taché la table, et maintenant je mange avec ses couverts à lui. Je me demande ce qu’il pense, je vois du coin de l’oeil que j’ai taché aussi sa chemise (mais les taches sont bleues). Je suis un peu embarrassée mais trop animée (ou ivre ?) pour le montrer.
Mon ami est mort très brutalement. Je vois sa femme, M., ses enfants adultes. Elle est dans le désespoir et se précipite dans la pièce dangereuse, elle voudrait se jeter dans le vide. Je la retiens par un bras, essaie de la raisonner. Elle se laisse peu à peu convaincre. Elle paraît très fragile, et pendant tout le temps où je la retenais je regardais l’intérieur de l’articulation de son coude tendu, son bras fin et bronzé.
C’est la nuit, une femme vient dans ma chambre en chuchotant, elle veut me montrer quelque chose. Nous suivons les couloirs sombres et abandonnés. C’est un vrai labyrinthe, je me demande comment elle se repère. Elle m’amène dans une série de chambres dont le sol est jonché de très gros objets brisés. On dirait qu’un être d’une force extrême a donné libre cours à sa colère. On sent le danger qui plane, je m’inquiète pour les enfants, mais tout est silencieux.
Le lendemain, nous devons nous séparer. Je vois passer dans un couloir, au milieu de personnes inconnues, un homme qui porte dans ses bras M., on dirait une petite fille. Elle est en vie mais va très mal.
Quelqu’un nous rassemble dans les salles du bas. « peut-être faudrait-il dire quelques mots ? », me glisse une personne proche de moi. Je lui réponds « très peu pour moi », mais elle insiste : il faut quand même remercier ces gens qui nous ont si bien accueillis. J’en conviens, commence à me creuser la tête.

à l’ami mort, à la Mort soudaine
au corps brûlant du labyrinthe -
ce que nous partageons.
au sommeil inquiet dans la maison des vestiges
corps animal humain groupal sexuel
odeurs, bruits
montant du puits noir.

8 - rêve du jeune homme accidenté

par Claire @, vendredi 20 juin 2014, 13:18 (il y a 3591 jours) @ Claire

(impression d’un très long rêve, mais découpé, cahoteux.)

Le personnage principal est un jeune homme, très mince et fragile d’aspect. C’est un artiste de talent. Il vient d’avoir un grave accident, son corps est comme replié, enchevêtré de débris du véhicule qu’il utilisait (un vélo ?). Il agonise dans un immeuble pauvre, entouré de gens que sa présence encombre. Je propose qu’il vienne chez moi, il me semble que je pourrais au moins aider à une fin moins douloureuse. Dans la même famille vit ma nièce par alliance, c’est une jeune fille, et elle non plus n’a pas d’endroit où s’installer dans cet appartement vieillot, crasseux. Je propose de l’accueillir elle aussi, il y a plus de place chez moi. Mais sa mère m’agresse : « tu sais, je vois bien pourquoi tu l’invites : ta fille est en terminale S et la mienne est brillante en maths, tu comptes bien en tirer une aide gratuite ». Je suis offusquée d’une telle bassesse, et je renonce aussitôt à inviter la jeune fille, dont les cheveux d’un blond-roux profond sont étendus sur ses épaules, tandis qu’elle travaille à sa table de cuisine, sous une lumière faible.
Le jeune homme longiligne est transporté chez moi, un lieu guère plus confortable, même immeuble, même ambiance de lumière grisâtre, mêmes papiers peints pisseux. Dans la chambre où on l’installe, il y a un lit, une table de nuit. Je m’approche de lui et commence très doucement à tenter de démêler l’amas que forment ses membres et les bouts de métal. Je déplie, peu à peu, et oins d’un liquide apaisant ses longs bras, son dos, ses jambes. Je me rends compte qu’il est très souple et que c’est assez facile, indolore. Peu à peu il se déplie presque complètement. A ma surprise, il se lève et commence lentement à déambuler sur le palier, ployé en avant. Il est bien vivant, il n’est pas en danger, il va aller mieux.
Je suis très satisfaite, fière de mes soins. Je vais regarder sur internet (Wikipédia) ce qui le concerne, c’est effectivement une sorte de génie, mais je vois soudain avec stupéfaction qu’il est mort en 1980. Tout ce que j’ai vécu ces derniers temps, ce sauvetage, n’est qu’une illusion. Il est mort depuis plus de 30 ans, je ne l’ai jamais côtoyé.

Je vis tout en haut d'un escalier d'immeuble
de pallier en pallier ce sont des vies superposées
des fenêtres donnant sur des cours obscures
de vies pauvres, enlaidies.
le destin est une épicière rapace
qui serre nos enfants dans ses doigts
découpant leurs talents, leurs corps, les perçant d’éclairs roux.

Mais
quand tout espoir semble absent, parfois se déplie
derrière la mort annoncée une guérison
native - il suffit de la regarder
étendre ses membres vivants, partout ses vrilles neuves
une sorte de rire secret se déploie
et le temps s'emboîte
se répercute.

9 - rêve de la prairie haute

par Claire @, samedi 21 juin 2014, 18:13 (il y a 3590 jours) @ Claire

Je suis interne dans un service hospitalier, c’est un hôpital comme autrefois, il y a des salles communes et je circule entre les lits. Les gens (ou les enfants ?…….je crois voir un ours en peluche) sont tranquilles, j’ai ma blouse et mon stétho, je fais mon boulot.
Puis je rentre chez moi, je suis fatiguée, alors je vais dormir. Quand je me réveille, pensant qu’il est 14 h, en fait il est plus de 16h15 ……je dois retourner à l’hôpital, car je n’ai pas vu les familles...depuis que je suis interne dans ce service je n’ai jamais vu les familles et pourtant c’est ce qui doit être fait. Il y a aussi une contre-visite peut-être ? Je prends une douche, m’enveloppe dans mon grand peignoir gris. En sortant de la cabine de douche je vois qu’il y a beaucoup de monde dans la maison. Il y a en particulier à côté de moi un homme, avec son visage mince et ses yeux clairs – on est amis, il me sourit – je pars. Ma sœur est là, elle me propose de partir avec elle dans sa voiture, on grimpe ensemble sur une grande butte de terre glaise beige, nue et glissante, et elle perd l’équilibre, je la rattrape sous le bras, son bras maigre et nu à l’aisselle profonde. Elle me dit alors qu’elle doit passer chez le boulanger et je lui réponds un peu agacée que je vais prendre ma voiture, on ne va pas au même endroit et je suis en retard.
Le sentier devant moi fait une fourche, je prends celui de droite pour rejoindre l’endroit où m’a voiture est garée, sur des gravillons. Quand j’arrive à l’hôpital, dans le service règne déjà la pénombre. Je vais rencontrer les familles, les gens qui m’attendent.
A l’intérieur du rêve je m’interroge…… je repense à la dernière fois où j’ai vu cet homme, cet ami : l’ai-je vraiment vu ou était-ce aussi un rêve ? Cet après-midi passé à marcher dans une grande prairie à l’herbe haute, déjà un peu sèche par endroits, avec deux sentiers presque invisibles, parallèles mais éloignés de plusieurs mètres, où l’on avançait enfoncés jusqu’à la taille. On se parlait en riant par-dessus l’étendue baignée de lumière……il y avait juste la joie du rire, une complicité.

si je fais un rêve dans mon rêve
te verrai-je ?
la vie est séparée en couches, en espaces
séparés de cloisons ténues
et celui où je te regarde est le plus profond
le plus ensoleillé le plus libre :
ce champ où je te vois marcher à distance de moi
si libres du temps et du devoir.

10 rêve de l'université

par Claire @, lundi 23 juin 2014, 12:06 (il y a 3588 jours) @ Claire

C’est une fac dans un état lamentable. Portes préfabriquées battantes et dégradées, murs sales et couverts d’inscriptions, tout est cassé, de mauvaise qualité, pisseux et froid, couleurs blanches, grises ou bleu pâles....aux murs sont fixés avec des punaises des petits papiers à moitié déchirés, écrits à la main, et des imprimés périmés. Les étudiants naviguent là-dedans avec philosophie, se rassemblent autour de leurs professeurs dans une salle, tables le long des murs disposées en un grand rectangle. C’est le début de l’année.
Celle d’avant s’est mal terminée pour moi, parce que je n’ai absolument pas travaillé, c’est à peine si je connaissais les matières enseignées, encore moins les horaires des cours. Cette année j’ai décidé de m’y mettre, alors je commence par aller consulter le planning.
C’est un étrange document, en forme de jupe plate, posé sur une table. La couverture est en tissu, du jean ; les feuilles à l’intérieur sont plastifiées, gondolées, et tout le monde les tourne avec précaution, regarde les tableaux qui indiquent les horaires et les salles de cour. C’est une fac où on enseigne les techniques de l’habillement.
J’entre et m’assieds dans cette grande salle, à une de ces tables. On parle de ce qui s’est passé l’année dernière…quelque chose est arrivé à une fille nommée Rebecca, et ils échangent à mots couverts. Je ne suis au courant de rien, il semble que tout le monde se sente assez coupable. Il y a à côté de moi un garçon que je connais depuis longtemps, qui s’appelle D, que j’ai eu plaisir à retrouver car ainsi je me sens moins étrangère. Un des professeurs se lève et parle, debout à ma droite. Il est entre deux âges, vêtu de couleurs ternes, de ces vêtements sans attrait des années 60 (comme dans le film sur Hannah Arendt). Je ne comprends rien de ce qu’il dit.

sur les pentes pelées
d’herbe au soleil
nous mangions ensemble des sandwichs
nous attendions pendant des heures
et les couloirs étaient toujours d’un blanc sale
les salles étaient toujours meublées de tables et de chaises bruyantes.
le temps était celui de l’entre-deux
de la jeunesse,
des campus.
nous n’avions pas souvent envie
de ce temps sans qualité
jeune peuple en errance, déplacé
nous passions d’épreuve en épreuve
nous surveillant mutuellement du regard,
cherchant l’amitié comme un pain nécessaire
- certains ne passaient pas l’épreuve,
certains disparaissaient.

11 - rêve des générations

par Claire @, mardi 24 juin 2014, 16:15 (il y a 3587 jours) @ Claire

Il s’agit d’une réunion de travail, une sorte de colloque. Il se tient dans un parc aux larges allées sableuses. Les participants doivent s’asseoir sur des chaises, de chaque côté, mais ils ne sont pas encore là. Je prépare les interventions avec une femme, bientôt va arriver la principale conférencière. J’ai prévu un topo, avec des paragraphes : I, II, jusqu’à V. On parle de la prise en charge d’adolescents.
La conférencière arrive, mais elle n’a pratiquement rien à dire et je suis frustrée parce qu’on ne me donne pas la parole vraiment, pourtant j’avais finalement beaucoup d’idées. Le dernier paragraphe s’appelait : « L’identité » et traitait de la façon dont la question des générations joue son rôle dans cette construction.
Ensuite, le rêve se transforme : c’est une réunion de famille, un repas dans une grande salle, qui est tout juste terminé : presque tout le monde a quitté les tables, on parle en petits groupes. L’ambiance est assez étouffante. Il y a là un adolescent, qui m’emmène au dehors, et je respire mieux dès que nous nous sommes éloignés. Il est tard, la nuit tombe. Il me conduit dans une sorte de petite maison de chasseurs, au bord de la forêt. Je me demande s’il va m’embrasser, me serrer contre lui. Mais je réalise que je suis plus âgée que lui, alors je prends simplement sa main aux longs doigts et l’embrasse avec douceur.
De retour dans la salle du repas, je discute avec des femmes. Elles m’apprennent, en parlant très bas, que 5 bébés vont bientôt naître dans la famille : 4 sont les enfants de jeunes femmes, mais – c’est incroyable – le dernier est l’enfant de mon oncle et ma tante, qui ont plus de 75 ans. Ma tante enceinte est rentrée chez elle, pour préparer la naissance, on dit qu’elle est prête à assumer ce bébé tardif, mais pas mon oncle, qui est assis au bord de la salle, nous tourne le dos et semble accablé. Je me dis, en voyant de loin son visage âgé, que je le comprends. Il craint de mourir quand l’enfant sera très jeune encore, de ne pouvoir bien jouer son rôle.
tout se mélange dans cet endroit
la pensée tient son discours
mais tandis que je me repose,
mon esprit dort et fait le rêve
dans l’endroit qui n’existe pas
où règne une lumière latente.

parentés, âges de la vie
amours
- et moi béante
retournée,
touchée
par tout ce qui surgit du torrent
bondissant au-delà de ses bords
…..auxquels
quand même
je me cogne.

12 - rêve de la jalousie

par Claire @, mercredi 25 juin 2014, 10:25 (il y a 3586 jours) @ Claire

Je suis amoureuse d’un homme. Il vit dans une grande chambre, dans une ville éloignée de chez moi. Je vais chez lui, en fraude, car moi-même j’ai un compagnon.
Sa ville, je la connais bien, j’y ai grandi, elle a des ruelles tortueuses aux murs de pierre claire, et beaucoup de monde y vit, des petits commerçants, des artisans. On dirait presque un souk. J’y connais encore pas mal de gens, je m’y sens chez moi (on dirait Arles).
Pour aller chez lui je quitte l’autre ville, celle où se trouve ma maison ; c’est aussi une ville du Sud, aussi une ville blanche, mais presque déserte, une ville où vivent des gens plus riches. Quand j’arrive chez lui, le soir tombe, et, alors que nous sommes déjà dans des préliminaires amoureux, sonne son amie habituelle. Empruntée, niaise, il ne lui a pas dit de ne pas venir bien qu’il semble assez autoritaire avec elle, je ne comprends pas pourquoi. Nous nous couchons à trois dans le lit, je n’arrive pas à dormir, je suis déçue, contrariée.
Alors que je suis repartie, le lendemain, j’entends dire que des gens le cherchent, une sorte de milice qui fait régner la terreur dans la ville. Ils sont aux ordres d’un homme qui est jaloux de lui, à cause de moi. J’ai peur, je m’inquiète.
Puis j’apprends qu’il a été capturé, qu’on l’a emmené avec d’autres prisonniers sur un navire qui fait la navette entre les deux villes, par le fleuve. On me raconte qu’il protestait, mais que soudain il y a eu un silence inquiétant, qui a duré plusieurs heures. En fait ils l’ont bâillonné, et lui ont brûlé les pieds, profitant du trajet où il n’y avait pas de témoin, tout en l’emmenant vers l’autre ville riche et froide.
Je le vois plus tard, il ne peut presque plus marcher. Il me dit qu’il regrette le temps où il pouvait le faire, courir et bondir.

le fleuve fait le lien
entre deux villes
allers et retours...
dans la ville de l’enfance se trouve ce qu’on désire
- et le danger.
dans la ville de l’enfance et du désir se trouvent
la chambre en triangle
de l’insomnie
un chagrin une colère lasse
une rage fanée.
dans le long et silencieux voyage du bateau se trouvent
les représailles, les miliciens.

ô toi qui m’as sortie de moi
te voici maintenant enfermé
contraint
dans les extrémités brûlées de toi.

13 - rêve du travail ensemble

par Claire @, vendredi 27 juin 2014, 12:00 (il y a 3584 jours) @ Claire

Il vit dans un long jardin. Jamais il n’apparaît vraiment dans le rêve, c’est plutôt une silhouette, en retrait.
Au bout du jardin se trouvent des bâtiments, dans lesquels il entrepose tout ce dont il a besoin (et que sans doute il habite). En particulier, au fond d’une pièce peu utilisée, peu éclairée, il y a une étagère basse avec toute une collection de boîte plates de métal brillant, cylindriques, dans lesquelles il garde, sans marque distinctive, des vidéos, des films. Je suis surprise du nombre de documents qu’il a collectés, surprise aussi de la sûreté avec laquelle il va les choisir, comme s’il avait tout en mémoire.
Je travaille avec lui. Ce travail, ce qui en naît, c’est un plaisir profond, encore accru par le fait qu’il se fasse ensemble….il me semble qu’il n’y a rien d’autre qui puisse égaler cette satisfaction.
Une jeune fille passe dans ce jardin, elle est blonde, ses sourcils eux-mêmes sont dorés ; elle promène sa beauté, elle est avec lui - en dehors du travail.
Une autre jeune fille apparait dans le rêve, aux cheveux châtain roux. Elle les coiffe d’un bandeau, utilisant pour les lisser en arrière le mouvement violent du vent. Elle dit naïvement : j’aime quand j’ai raison.
Sur un côté du jardin, j’ai creusé une tranchée, et j’y ai installé de grands tronçons de branches de cerisiers. Ils feront des racines, puis des arbres. Lui me fait remarquer que le dernier d’entre eux est trop proche d’un arbre déjà adulte qu’il va gêner, alors je l’enlève. Il en reste encore 5 ou 6.

le jardin est comme un sarcophage – il vire au vert tout entier dans le soir
où luit et s’ouvre
la boîte cherchée, c’est ce qu’il fallait ce soir pour terminer.
la journée s’est passée comme les précédentes
calme sourde et féconde
et le temps est fécond – sans mesure et sans chiffre.
tout vient prendre sa place
dans ce qui naît sous nos yeux
le double regard suffit
pour trouver tout.
de même, dans l’architecture cachée du jardin,
dans les allées qui entourent les longs bâtiments
on plante et donne
à chaque espace son végétal
à chaque végétal une part de lumière, un trou.
le temps ne coule plus
à cause de cette fécondité, de cette architecture secrète
à cause de ce qui doit être, qui est.
le temps s’avance à son rythme.

14 - rêve de la maison de retraite

par Claire @, samedi 28 juin 2014, 16:34 (il y a 3583 jours) @ Claire

la maison de retraite, par derrière, est bordée d’une sorte de talus haut et nu, argileux. Je me tiens debout à une porte, il pleut beaucoup, et soudain je me rends compte que ce talus est creux, fissuré, et qu’il ondule, comme si quelque chose s’y déplaçait. Je suis inquiète : au-delà de ce talus, je sais que se trouve le zoo. Tout d’un coup la surface du sol crève, et apparaît un crocodile qui rampe et disparaît aussitôt, couvert de boue. La pluie tombe en rideau serré, et l’espace situé au-delà du talus n’est plus qu’une fondrière trempée, couverte de traces de petits pas, ou de petites pattes. Je dois pourtant absolument la traverser, avec quelqu’un de plus fragile, qui ne peut aller vite. On me dit que dernièrement un enfant a été dévoré ici par un des crocodiles, qui se sont échappés de leur enclos, car le zoo périclite et il y a une grande négligence. Je suis d’autant plus indignée que je sais que ce sont des gens pauvres qui vivent là, et que la mort d’un enfant de cet endroit ne doit guère compter. Je parviens quand même à traverser l’espace dangereux, en courant presque, pliée sous la pluie, avec la personne qui m’accompagne. On atteint ainsi un parking où des amis nous attendent.

De là où ils ont été jetés et rangés
je regarde tomber la pluie
à l’abri d’un avant-toit.
je vois les monstres des rêves
- les dévorations latentes –
la gueule profonde et rose
du petit crocodile en plastique
bordée d’un feston de dents.
De la terre comme un terrier, un tube boueux
jaillit sous la pluie battante
ce qui fut si longtemps enfermé,
rangé.
Et il faudra
- oui
il faudra bien traverser la boue.

15 - rêve des rosiers sur l'eau

par Claire @, dimanche 29 juin 2014, 16:22 (il y a 3582 jours) @ Claire

C’est une institution qui reçoit des enfants, avec une équipe de jeunes femmes gentilles et gaies, dont je suis responsable. Les parents amènent leurs enfants dans une première pièce, vitrée dans sa partie supérieure, et toute blanche. Un père accompagne son fils, il est très inquiet et veut s’occuper de tout, il est un peu irritant (mais je me dis que je peux le comprendre, c’est la première fois).
Il y a une autre très grande pièce, qui est aussi un jardin, et dont étrangement une partie est engloutie sous l’eau ; mais c’est comme si l’espace était divisé verticalement, moitié aérien d’un côté, moitié aquatique de l’autre, la limite qui les sépare est indistincte, progressive. Les rosiers le supportent très bien, on voit leurs roses de toutes les couleurs, modifiées par la transparence vert jade de l’eau, avec leurs pétales enroulés.
Dans la troisième pièce, le dortoir des bébés, sont installés à mi-hauteur des murs, dans un renfoncement, une série d’aquariums, dont l’un est beaucoup plus grand que les autres. Ils sont à sec, remplis de débris de plantes. Je dis aux jeunes femmes que ça ne fait pas bon effet, c’est un peu comme ces services chroniques d’hôpitaux qui sont dans l’immobilité, à moitié morts. Et puis pour les bébés c’est bien de voir des poissons qui bougent, leurs mouvements les intéressent, ils ne s’ennuient pas.
Je décide de nettoyer les aquariums, un des enfants du Centre veut m’aider, un petit garçon brun, très débrouillard, mais je refuse car je me dis que les aquariums pourraient se casser et il pourrait gravement se couper avec ce verre lourd et tranchant.
Dans un coin du jardin se trouve aussi une sorte de mare trouble, dans laquelle on voit nager des animaux difficiles à identifier, un peu effrayants, blancs.
Haut dans le ciel, apparaît brusquement un aigle, qui rattrape au vol un autre oiseau et le saisit….mais quand il passe, on voit entre ses serres un petit hérisson encore vivant, dont ne dépassent que le museau pointu et les yeux brillants. Il n’a aucun moyen d’exprimer les émotions qu’il ressent, et c’est ce qui me semble le plus terrible, qui me saisit de pitié.

où vont les enfants
ceux du premier âge
quand ils sont confiés ?
et les plus grands encore petits
- entre maison et jardin.
l’eau de l’enfance
baigne toutes choses
autour d’eux, et leurs couleurs
nous les voyons aussi.
nos soins
sont centrés par leur fragilité,
leur douleur serait comme un stylet
qui nous transpercerait.
et derrière eux marchant à leur pas
nous buvons le vin nouveau de leur treille
ces raisins qu’ils écrasent dans leurs mains
tendues et charnues comme des fleurs.

c'est "rêve des rosiers sous l'eau "

par Claire @, lundi 30 juin 2014, 11:36 (il y a 3581 jours) @ Claire

- pas de texte -

16 - rêve de la route et du mobile perdus

par Claire @, lundi 30 juin 2014, 12:18 (il y a 3581 jours) @ Claire

Je dois à nouveau, après des années d’absence, travailler au CMP de D. , à une dizaine de kilomètres de l’endroit où je me trouve : j’ai des rendez-vous prévus à partir de 14 h.
Ma fille et un ami sont là, ils ont eux aussi une voiture et veulent visiter D.. ; je leur propose de me suivre. Le plan de la ville où nous nous trouvons est compliqué et je me rends compte que je l’ai oublié, bien que j’y aie vécu très longtemps. Il y a peu de panneaux indicateurs, les rues sont sinueuses, beaucoup de jardins…. je ne sais plus comment on la quitte pour aller à D. Une première tentative m’amène dans un chemin de terre, il est évident que je me suis trompée, bien que j’aie suivi les panneaux indicateurs... je me souviens vaguement qu’il fallait d’abord aller en direction d’un village qu’on traversait, et dont le nom m’échappe, pour rejoindre ensuite la route principale. Tout en roulant, je me rends compte que j’ai « perdu » ma fille et son ami depuis longtemps dans mes demi-tours successifs et - avec anxiété - que je ne pourrai pas être à l’heure pour le premier rendez-vous. La route étroite, sans indication, traverse un paysage picard aux tons mordorés et terreux, assez sombres, une campagne profonde dans l’humidité d’un début d’automne.
Je m’arrête devant une maison pour demander mon chemin. Il y a là une femme compréhensive, qui me donne accès à un ordinateur dans une chambre d’adolescente. Je voudrais appeler le Centre, et aussi ma fille pour lui donner les indications. Je m’aperçois alors que j’ai perdu mon portable, ce qui est tout à fait sidérant parce que je l’avais dans la main en arrivant, et je ne peux comprendre où je l’ai mis, il y a pourtant très peu d’endroits possibles, seulement le désordre sur le bureau. J’ai l’impression d’être envahie de stupidité et de honte, prise dans l’hostilité perverse des objets. Au bout d’un moment je le retrouve enfin : il a glissé verticalement, noir, brillant et mince, dans un tiroir. J’appelle le CMP, leur demande de prévenir les gens du premier rendez-vous...j’espère être à l’heure pour le second. Je me demande pourquoi je suis si angoissée, il n’y a pourtant rien de grave dans tout ça.

quand on revient sur ses pas
on voit ce qu’on a aimé
on voit combien c’était inconnu
hachuré, ambré,
mêlé. la ville connue se défait comme un chignon,
écroule ses rues sur les arbres et les pelouses,
ses voies s’ouvrent, coupures,
à chaque tournant.
et la peur vient :
- d’être perdu
d’avoir par sa faute perdu -
tout ce qui nous tient à l’abri
d’un Monde inconnu.
aller en avant
sans noms de lieux ni appareils
sans heure - et séparé
de ceux qui comptent pour nous.
comment,
comment pourrions-nous faire encore
ces choses qui nous protégeaient
de notre inutilité ?

last but not least : 17 - rêve des horaires illisibles

par Claire @, mardi 01 juillet 2014, 14:44 (il y a 3580 jours) @ Claire

Je suis dans une sorte de camp d’adolescents, ou d’enfants. J’y ai été accueillie moi-même autrefois, maintenant je fais partie de l’équipe des moniteurs. Je me sens chez moi dans cet endroit, à cause de tous les étés que j’y ai passés, depuis tant d’années.
Je range des vêtements, dans un grand dortoir désert au plafond très bas et je vois entrer par la porte du fond le directeur, un homme jeune qui tient un seau et une serpillière. Il vient vers moi et aimablement mais fermement commence à me faire des reproches : » Tu te conduis encore comme si tu faisais partie des enfants. Tout le monde ici participe aux frais, met un billet de 20 euros dans le pot commun de temps à autre, mais toi tu ne le fais jamais ». Effectivement l’idée ne m’en a même pas traversé l’esprit puisque j’y travaille, mais je suis très gênée. Dès qu’il est sorti je me dépêche d’aller mettre de l’argent, mais j’ai l’impression que tout le monde m’a jugée depuis longtemps sans rien me dire. Mon sentiment d’avoir ma place dans le groupe des adultes a disparu, et je n’ai qu’une envie : partir.
Le rêve change de lieu : je suis dans une grande maison familiale, je dois prendre le train pour rejoindre, avant le lendemain matin, un autre camp qui se trouve dans les montagnes, un endroit connu pour son fromage et ses pâturages. La beauté célèbre de l’endroit m’attire, mais je n’ai plus aucune envie de travailler avec ces gens. Pourtant il le faut, je ne peux pas les laisser avec une équipe réduite les premiers jours, ceux où on installe et organise tout.
On me conduit à la gare. C’est difficile de trouver une place pour la voiture, alors je descends pour aller prendre les billets, deux personnes de ma famille doivent m’accompagner. La gare est ancienne et tout est vieillot à l’intérieur, les horloges, les quais, les panneaux d’affichages mécaniques, compliqués et incompréhensibles. Nous devons prendre un train pour Toulouse (ou pour l’Espagne ?). Je prends des fiches horaires, mais les caractères sont si petits que je n’arrive pas à les lire. Je les tends au conducteur de la voiture qui m’a rejoint, lui non plus n’y voit rien. Deux employés sont aux guichets mais parlent entre eux et quand je viens leur demander des renseignements ils ne me regardent même pas. Péniblement, je déchiffre les fiches. C’est exactement l’heure du dernier train, alors je me précipite et il démarre. Je cherche des yeux sur le quai ceux qui m’accompagnaient, je ne les vois plus……comment descendre maintenant ? Et je réalise que ce n’est pas dans cette direction mais dans les Alpes que je dois aller. Je ne pourrai plus y être à temps.
J’ai réussi à descendre, je marche sur le quai, j’attends le bon train. Le temps est couvert, pas d’ombre, tout semble sans relief sous le ciel blanc. Plus loin, il n’y a plus de quai, on peut s’asseoir le long du grillage. Et plus loin encore, le long des voies, se trouvent des petits groupes de femmes, accompagnées d’hommes mauvais, qui cherchent à les vendre comme prostituées – des femmes africaines. Ces hommes me font peur mais je vais quand même leur parler, je me dis qu’on ne peut pas leur laisser croire que personne ne voit rien. Je me moque : « alors, ça marche votre petit commerce ? ». Ils ne réagissent pas.
Je remarque surtout une femme grande et musclée, sa peau semble frottée de cendres. Elle a la tête baissée, on a relevé ses cheveux frisés pour découvrir, sur sa nuque, sa vulve noire offerte aux regards. Elle est parfaitement immobile, le visage invisible, dénudée et honteusement silencieuse devant tous.

Tu fais comme si le temps ne passait pas
comme s’il pouvait s’enrouler -
tu campes dans ton adolescence éternelle,
sa douce naïveté qui ne doit rien, non rien à personne
or quelque chose se coince presque toujours
dans tes glissements,
la réalité ne se laisse pas séduire
l’horloge chantonne
planant dans une lumière de passé
où personne n’est là.
……courant toujours, coupable et bête
après le juste train
tu t’arrêtes hors d’haleine
en bordure de voie.
la lumière s’est figée
c’est comme une éclipse
qui entame le soleil.
tu te tournes et derrière toi
tu vois cette statue de toi-même
souillée de terre, dénudée.

(Fin du cycle des rêves)

suite... du Cycle des rêves

par Catrine @, jeudi 19 juin 2014, 04:21 (il y a 3592 jours) @ Claire

j'aime beaucoup, tout ça, cette suite en partitions
certains me parlent plus que d'autres bien sûr

puis il y a ce travail sur "image non fixe" mais qui se fixe ensuite,
la description, tes choix de mots pour l'image/action, image/état, chacune,
et l'autre travail... celui du poème..
j'aime ça, je ne sais pas où ça va et j'aime ça
...c'est curieux les rêves, et de curieuses "matières"

je mets mon commentaire ici pour ne pas stopper ou faire décaler ta filée

suite... du Cycle des rêves

par zeio, vendredi 20 juin 2014, 03:44 (il y a 3591 jours) @ Catrine

Celà me rappelle un peu le travail du marquis de saint denys.
Mais c'est plus puissant et poétique.
Aussi, sans le côté "rêves lucides" j'aimerais bien d'ailleurs retranscrire des rêves lucides.
Il faut toute une préparation mentale avant la nuit pour les "provoquer".

Je crois réellement que nous puisons dans les rêves, quelque chose vers quoi on tend dans le jour.

Écarts

par zeio, vendredi 20 juin 2014, 04:09 (il y a 3591 jours) @ zeio

Idées

- Faculté de contrôle sur les événements. Désirer voir surgir un avion dans le ciel. Il surgit. Sentiment de toute puissance. Une autre nuit : l'avion ne surgit pas. Je réessaye. Rien. Frustration. "Je suis bien là pourtant, et en pleine possession de mes moyens".

- Imprégnation d'un rêve par la conscience. Le temps ralenti. Je sens que la conscience apporte avec elle une excitation qui risque de me réveiller plus tôt que prévu. Connaissant le défi, je décide de me calmer et de laisser libre cours au rêve sans le perturber. Victoire quand je suis parvenu enfin à le faire durer tout en maintenant la conscience éveillée.

- Expérience. Je suis debout dans un champ. Près de l'ancienne maison de ma mère comme presque toujours. La conscience s'est réveillée et mon rêve devient lucide. Je veux profiter de l'événement pour faire revivre mon chien disparu. Il apparaît. J'ai la sensation qu'il était déjà là. Je ne l'ai pas fait apparaître. C'est lui qui rêve de moi.

- Apparition de la conscience. Amusé par cette mise en abîme, je veux me représenter mon corps. Une personne est à mes côtés. Je lui dit que mon corps est en ce moment même, sous les draps, quelques part, ailleurs. La personne à qui je m'adresse, espiègle, s'en moque et prolonge le rêve. Je m'imagine mon corps sous les draps. J'essaye de le rappeler sans quelle chambre je me trouve.
Je comprends que le cerveau paralyse le corps pendant la phase du rêve pour éviter les mouvements de toutes sortes que ces mêmes rêves ne manqueraient pas de provoquer.

- Ancienne maison de ma mère comme à peu près à chaque fois. Ma conscience est réveillée, si active que je crains de ne pas tarder à me réveiller. Je sais qu'il me reste un temps assez court. Je m'intéresse à la matière dont est tissée le rêve. Sur la terrasse, une table couverte d'une nappe jaune. Je m'approche de la nappe afin de la toucher. J'essaye en la touchant de voir s'il y a une différence au toucher avec les tissus "réels". Le tissus me paraît parfaitement normal. Parfaitement simulé. Je saisis le tissus pour en observer la trame. Je veux savoir jusqu'à quels détails peut aller le rêve. J'aperçois les mailles du tissus extrêmement détaillées. Cette constatation me bouleverse. Je me réveille.

- Traces du rêves après le réveil.
Je rêvais que j'écrivais. Non pas sur un écran mais sur le papier. Réveillé soudainement, mon cerveau reconstruit rapidement la réalité et mon histoire que j'avais quitté quelques heures auparavant. Je ferme les yeux. Une sorte de persistance rétinienne apparaît. Du même type que celles qui apparraissent après avoir fixé le soleil ou une autre lumière intense. Je vois très clairement ce que j'étais en train d'écrire pendant le rêve. J'ouvre les yeux. Je vois distinctement les mots affichés sur le mur blanc. Après une dizaine de secondes, les mots s'évanouissent.

Écarts

par Claire @, vendredi 20 juin 2014, 13:15 (il y a 3591 jours) @ zeio

fascinant....



en fait, ce que m'ont dit ces rêves, c'est aussi d'aller vers le récit, la plongée dans le récit.

Écarts

par zeio, vendredi 20 juin 2014, 15:39 (il y a 3591 jours) @ Claire

Le rêve lucide n'est pas si rare. Je crois, quelque chose comme 20% de la population a fait un rêve lucide au moins une fois, et 2% en font régulièrement.
La nuit dernière j'ai dû faire 3 ou 4 rêves, mais je sais que c'est parce que je les ai provoqué en raison du texte que j'ai écrit au-dessus.
Je pense que le rêve fonctionne d'un manière semblable à la vie : on lance un galet dans un plan d'eau. Puis la vie répond.
Mais le rêve est plus perceptible et la réponse, ses ondes sur l'eau provoquées par le galet, plus claire à mes yeux.

Par contre, je n'ai jamais rencontré personne ni trouvé quoi que ce soit à lire sur ce phénomène que je connais parfois : le rêve qui reste, une fois réveillé, sous la forme d'une sorte de persistance rétinienne fixe, très détaillée.

Ca date... je devais avoir 4 ou 5 ans. Et je me souviens comment ça a commencé. Un jour je me suis rendu compte que je voyais des yeux de chat en fermant les yeux et en forçant un peu mes globes occulaires vers le haut.
Ils sont restés, et c'est d'ailleurs sans doute pour ça qu'ils sont en haut de mon site. C'est une boucle.

J'ai des hallucinations visuelles aussi parfois, mais c'est sans doute autre chose et je pense, moins intéressant même si c'est plus spectaculaire.

suite... du Cycle des rêves

par Claire @, vendredi 20 juin 2014, 13:12 (il y a 3591 jours) @ zeio

la question que ça m'a posé c'est la puissance du sentiment d'"y être".
et puis la certitude de quelque chose de bénéfique, qui m'échappait, même dans ceux qui sont plutôt tristes ou angoissés.

suite... du Cycle des rêves

par zeio, vendredi 20 juin 2014, 15:55 (il y a 3591 jours) @ Claire

Je ne crois pas avoir jamais eu cette certitude de quelque chose de bénéfique.
C'est comme une mère, on ne sait pas si elle est bénéfique, elle est la mère, au-delà du mal et du bien.
Le contenant, le "V" féminin.
Il me semble que la puissance du sentiment d'y être est variable.
Je crois que le sentiment de toute puissance est un piège dans lequel je suis tombé pendant des décennies.
C'est une tromperie à dépasser .
Une fois qu'on a évolué, dépassé ce stade, quelque soit ce qui est produit dans le rêve, il y a l'émerveillement et cette sorte d'abnégation qui renverse les autres sentiments égotiques.
Dans le rêve il ne s'agit pas nécessairement de l'histoire de soi. Même si nous y trouvons des connaissances, des endroits familiers. Ce sont sans doute des tromperies.
Dans le rêve il y a des murmures "plus vieux que les lèvres".

suite... du Cycle des rêves

par Claire @, vendredi 20 juin 2014, 16:12 (il y a 3591 jours) @ zeio

oui, la toute-puissance bien sûr c'est du domaine de l'illusion, et parfois une défense contre le sentiment contraire.
Mais dans ces rêves-là, c'est bien l'inverse, presque constamment ils m'amènent à un dépouillement. Je n'y réussis jamais rien, ou quand je crois réussir le rêve me montre que c'est illusoire et se moque de moi. et pourtant, j'ai le sentiment d'être entourée, comprise, aimée.