Expériences

par zeio @, vendredi 24 avril 2015, 02:40 (il y a 3292 jours)

22 Avril 2015

À nouveau en ce début d’après-midi
Scotome sous le soleil
je me disais qu’un jour je deviendrai aveugle
-oh non de grâce-
peut-être le résultat d’une volonté profonde
dont je soupçonne confusément l’autorité
sur les quais des corps
s’allongent sur les pierres chaudes


22 Avril 2015

Sortie le soir
Promenade au panthéon
je remonte la rue saint-jacques
je n’ai rien mangé
une boutique propose des cornets de frites belges
petit attroupement de jeunes gens
je choisis la sauce mayonnaise
on me sert un cornet d’un kilo
je regrette
je n’ai plus faim
je n’ai jamais eu aussi peu faim de toute ma vie
je mange une dizaine de frites
range le cornet dans son sac en plastique
et le pose par terre
je voulais l’offrir à un clochard
la panthéon est toujours en travaux
un mince croissant de lune est positionné dans le ciel


23 Avril 2015

Aujourd’hui
Saint-Paul
Un attroupement
Un homme à terre
dans la rigole où d’habitude
s’écoule l’eau de pluie
aujourd’hui ruisselait du sang

Je remarquais sa sacoche en cuir
Ses baskets grises modestes
la cinquantaine, peut-être
le pauvre homme gisait inconscient
il respirait
je me disais
il respire

À mes côtés un jeune homme
m’expliquait qu’il était lui-même
un traumatisé crânien
Sa mère l’avait laissé nourrisson, quelques minutes
sans attention
sur une table
il ne pourra plus se servir de sa main gauche

il me disait que l’homme était mort
Je lui répondais que je le voyais respirer
sa main bougeait sa poitrine
il me répondait qu’il était mort
pourquoi donc ?

L’instant suivant un taxi
qui ne pouvait attendre plus longtemps
dépassait le camion de pompier
par le trottoir
manqua d’écraser un clochard
roula sur sa coupelle métallique
qui fût projetée sur une dizaine de mètres
puis il accéléra
Ce soir sans doute
il dormira bien

Une dame âgée
épanchait son angoisse de mort sur moi
et me suivait jusqu’à la bastille

Sur le chemin du retour
Saint-paul
un homme eut l’air de s’intérroger
puis enjambait une petite marre de sang
un couple de japonais s’arrêtait
devant la boulangerie bas de gamme


23 Avril 2015

C’est le soir
tout est calme

Expériences

par julienb @, vendredi 24 avril 2015, 10:05 (il y a 3292 jours) @ zeio

J'aime. Je trouve que l'un des deux "22 avril" est de trop, puisque un seul devrait suffire à préparer la survenue de l'événement du 23 et faire pendant au bref paragraphe conclusif. Humble avis.

Expériences

par Claire, vendredi 24 avril 2015, 14:55 (il y a 3291 jours) @ zeio

j'aime le mouvement du récit, d'abord c'est comme s'il était à l'intérieur de ta tête, de tes yeux, de ton corps, et puis peu à peu le champ s'élargit, les autres prennent de plus en plus d'existence, et puis quelque chose de commun entre tous se dessine, se dit, dans une (des) histoire(s) partagée(s).

Expériences

par zeio @, vendredi 24 avril 2015, 20:36 (il y a 3291 jours) @ Claire

Merci à tous les trois pour vos remarques.
Pour tout vous dire je suis un peu brinquebalant en ce moment. La majorité de ce que j'écris est assez faible. Trop d'inertie.

Expériences

par Emide, vendredi 24 avril 2015, 17:01 (il y a 3291 jours) @ zeio

Faire de la poésie avec le prosaïque de la vie, c'est difficile
il faut qu'à un moment donné cette banalité - pas si ordinaire, le regard du poète est là pour s'en émerveiller - sorte du cadre et rejoigne l'universel
je trouve que la journée du 23 avril y réussit bien, l'emploi de l'imparfait détache les faits de leur ponctualité et les inscrit dans une durée, une sorte d'atemporalité, d'étrangeté