Soliloque analgésique

par Ecrire, samedi 16 mai 2015, 11:00 (il y a 3277 jours)

On ouvre les yeux. Impression d'être reposé, aussitôt accompagnée du regret d'être sorti d'un état qui rendait le métabolisme supportable.

Il y a quelques jours, on disposait d'un pourquoi vivre. Maintenant, on se retrouve prisonnier d'une substance qui persévère en un ensemble de fonctionnalités. Au sein de cette totalité orpheline et close, on s'applique à énoncer la situation. Que peut on escompter d'une telle activité ? Combler le vide devenu immense par une occupation. Produire un soliloque analgésique. Prêter une voix à la grande douleur. Lui proposer, à défaut d'issue réelle, une surface de projection. Lui imposer un cours, une orientation. Conférer une forme au chaos mental. A défaut d'avoir su préserver son amour, chercher le salut dans l'autopsie de sa dépouille.

Comprendre, qui sait, pourrait permettre de redonner un début de sens à l'événement. L'esprit se comporte comme si l'explication la plus pénible valait mieux que l'absurdité. Et quoi de plus absurde qu'un amour qui cesse ? Pire : un amour qui déclare persister tout en annonçant sa fin ? Que faire d'une formule qui se nie dans le mouvement même de son énoncé ?

Soliloque analgésique

par Claire, samedi 16 mai 2015, 18:56 (il y a 3276 jours) @ Ecrire

beaucoup de justesse dans ces questions. On fait le lien bien sûr avec l'hiroshima de ton texte précédent.
Je crois que l'activité de la pensée dans de tels moments est un mélange d'impuissance, voire de confusion, et d'instinct vital, comme un homme perdu dans une jungle épaisse continue à ouvrir son chemin malgré tout.
Beaucoup d'écrits importants sont nés dans ces conditions de perte du sens.

Soliloque analgésique

par Ecrire, samedi 16 mai 2015, 21:33 (il y a 3276 jours) @ Claire

Oui. C'est une expérience limite. Un choc qui peut nous anéantir ou nous engendrer. L'issue ne préexiste pas. Elle dépend des capacités à s'orienter au sein du chaos. Pour tenter d'y parvenir, nous mobilisons l'ensemble de nos ressources. Nous émettons des signaux. Des avortons de sens qui, sans garantir qu'on le retrouvera, permettent au moins de se maintenir sur sa trace.