La contrée des morts

par casimir, vendredi 29 mai 2015, 20:05 (il y a 3267 jours)

Ce qui va suivre est une histoire qui a pour nom La Contrée des Morts. J'ai choisi la forme forumique, de post par post, pour la raconter. L'ordre ne sera pas forcémment linéaire, j'entends par là que je pourrais revenir à tel ou tel partie de l'histoire et même retravailler certains posts. Vos commentaires sont bienvenus.

Casimir s'était arrêté au milieu du pont. Comme Clarisse l'avait abandonné et qu'il ne savait rien du monde il sauta. C'est ainsi qu'il rejoignit la cité des morts. Il désirait envoyer une lettre à sa famille annonçant son décès et que tout allait bien mais pour cela il fallait monter un escalier en tenant dans ses poings des morceaux de charbon mais Casimir n'avait ni jambes ni charbon. Il fallait alors visiter la cité des morts, qui n'était pas une cité en tant que telle, plutôt une suite de cheminées placés parallèlement les unes avec les autres. Au-delà de la cité des morts il y a le pays des morts. On pourrait croire que sans jambes Casimir ne pouvait se déplacer qu'en rampant mais voilà qu'il lui poussait des roulettes et qu'il circulait rapidement parmi la population de la cité des morts. Il n'y a pas de population moins hétérogène que cette population urbaine. La première caste tape sur la deuxième caste qui tape sur la troisième caste qui ne sait pas sur qui taper. On travaille à remplir les cheminées puis la journée de travail remplie on pratique toute sorte de loisirs: certains sportifs, certains intellectuels. Lorsque la nuit tombe on creuse un trou et on s'y endort. La nuit tomba et Casimir fit comme tout le monde, il creusa un trou et s'endormit. Casimir passa sa première nuit dans le pays des morts.

Le lendemain il ne fut pas surpris que ses roulettes se soient transformés en bras musclés avec à leur extrémités deux mains de singes. Il possédait donc quatre bras. Fort de son agilité nouvelle il grimpa au sommet de la plus haute des cheminées et put voir que s'étendaient les grandes plaines, les forêts, les montagnes, d'autres cités. En redescendant un de ses yeux s'échappa de son orbite et vint rebondir sur le sol comme si il était fait de caoutchouc avant de terminer dans un caniveau. Une fois au sol il récupéra une bille qu'il décida d'introduire dans l'orbite vacant. Puis il se rappela qu'il avait faim et cette sensation vint comme un souvenir. La première caste de travailleurs se nourrissait des épaules de la deuxième caste qui se nourrissait des poumons de la troisième caste qui ne se nourrissait pas. Comme Casimir ne fait partie d'aucune caste et que la situation lui parait injuste il fracasse la tête d'un membre de la première caste pour se nourrir de sa cervelle.


L'ordre fut troublé et Casimir rencontra le diable pour la première fois de sa vie. Celui-ci prit forme grâce à la fumée des cheminées, jusqu'à atteindre la contenance d'un petit nuage gris. Les deux êtres communiquèrent en se regardant dans les yeux et aucun bruit supplémentaire ne vint troubler l'espace sonore de la cité des morts. Le diable fit comprendre à Casimir qu'il n'avait pas sa place ici et souffla si fort qu'Casimir s'envola comme un brin de paille. Il ne put malgré sa dextérité s'attacher aux cheminées et fut propulsé hors de la ville. Le voici sur une de ces plaines qui bordent la cité des morts. Il marcha plusieurs jours pour atteindre une forêt. Dans cette forêt vivait une sorcière en conflit avec le diable. Casimir lui raconta son histoire et ils firent un pacte. Il était possible de venir à bout du diable à la seule condition de posséder l'épée ancestrale par laquelle la tête du dragon premier avait été tranchée, formant ainsi le monde des morts. Casimir n'avait jamais vu de dragon mais tout cela lui paraissait sensé. Il questionna la sorcière sur le lieu où se trouvait l'épée, ce à quoi elle répondit: "plus loin". Casimir décida d'aller plus loin mais auparavant il fallait dormir. Il s'apprêta à creuser un trou quand la sorcière lui proposa sa couche. Le lendemain Casimir s'en alla et la sorcière était enceinte.


Casimir s'était arrêté près d'une rivière pour se reposer. Ayant faim il pêche un poisson mais le poisson lui arrache un doigt et retourne dans l'eau. La main d'Casimir saigne et la rivière se met à se teindre de plaques rouges. Ce n'est pas le sang d'Casimir mais des cadavres de lions qu'on a exécuté plus haut. L'ordre des lions s'était révolté contre l'ordre des princes. Les princes, avant de placer des pierres dans les corps des lions, les ont dépecés et pris leur fourrure pour les offrir à leurs femmes. Ils ont pris leurs dents pour en faire des colliers qui leur donnent de la force. Casimir les entendait crier au loin, se disputant les dents du roi des lions. Ce roi avait guidé son peuple depuis des siècles, affronté l'armée des sangliers, la cavalerie d'élite des grands cerfs, la horde des rats barbares et il gisait maintenant, ensanglanté, sur le sol devant des soldats en armes qui frappaient les lionceaux à grands coups de baton, si bien que l'on croyait que c'était le vent qui piochait. Les lionceaux tentaient de se débattre mais le combat était inégal et ils succombaient un à un sans espoir de survivre. La mort venait les visiter.


Casimir tomba dans l'eau et se noya. Devant ses yeux défilaient d'étranges souvenirs qu'il croyait ne pas avoir vécu. Un dragon se mordant la queue, sa mère allant faire quelques commissions à la boulangerie au coin de la rue, Clarisse nue contre lui, lui qui saute d'un pont, quelques êtres autour de lui lui ressemblant étrangèment, une entaille sur sa joue, la sensation d'être quelque par dans le ventre de sa mère, Clarisse qui l'enlace, une odeur qui rappelle un lieu où il a vécu, une cour de récréation où il pourchasse un autre élève et finalement la sensation de s'être pris un coup d'épée dans l'estomac. Il rouvrit les yeux et s'accrocha à une branche, il se traîna jusqu'à la rive. Ses deux jambes étaient cassées et il avait une douleur atroce à la tête. Il saignait abondamment des narines et des yeux. Un cyne s'approcha de lui et cala sa tête contre sa poitrine avant de le mordre sauvagement. Il referma les yeux, était-il mort ?


Il pleuvait, le ciel était rouge et mangeait la lune comme s'il avalait un oeuf cru. Casimir se réfugia dans une grotte. Dans cette grotte vivait un ours en ermite. Plutôt que de s'affronter ils prirent ensemble leur repas. Il y avait des fruits et des groseilles, un lapin et de la chair de merle. Casimir sympathisa avec l'ours qui était un grand guerrier. Il lui demanda de lui apprendre à se battre. Alors durant de longs mois l'ours appris à Casimir à combattre, si bien qu'il devint un jour plus fort que son maître. Il maniait l'épée, l'arc et l'épieu mieux que personne. Un jour qu'il s'exerçait ensemble à l'escrime l'ours abattit son sabre et coupa deux doigts de la main d'Casimir. Celui-ci de rage coupa la tête de l'ours. Des litres de sang coulaient du cou de l'ermite. Casimir pleura beaucoup son maître. Il collecta de nombreuses fleurs, parmi les plus belles et les plus odorantes et les déposa sur la sépulture de l'ermite. Il posa une de ces fleurs, dont l'effet était de préserver l'âme malgrès la disparition du corps sur le front blême de son ami. Ainsi l'ours pouvait venir le visiter et lui donner conseils et affection dans ses rêves.