Casimir le bossu

"Tu es beau mon fils." disait la mère de Casimir à son fils. Mais en réalité l'enfant, bossu, était d'une laideur sans pareil. Il était si laid que tous les enfants de sa classe le prenait en aversion, l'appelaient Quasimodo, pour le jeu de mot bien sur. Quand ils le voyaient arriver au loin ils se mettaient à lui jeter des pierres. Il rentrait de l'école les genoux et les joues écorchés, le cœur meurtri par la terrible fréquentation de ces créatures, toujours prêtes à faire souffrir les plus faibles et il trouvait refuge dans les caresses de sa mère qui, en lui touchant les cheveux lui répétait: "Tu es beau mon fils'. Cependant il faisait preuve de capacités intellectuelles remarquables, comprenait extrêmement vite, lisait plusieurs livres par jour, et avait appris à jouer seul aux échecs rien qu'en regardant les pièces, comme si il devinait l'essence par l'apparence. Il pouvait s'exercer des heures, avec grand plaisir, à jouer contre lui-même. Un jour, dans le jardin du petit pavillon de ses parents, alors qu'il était assis sur une chaise à jouer à son jeu d'échec posé sur la table en plastique, vint une soucoupe volante. Cela faisait des centaines d'années que les extra-terrestres de la planète Pluton, qu'on appelle aussi planète naine, cherchaient un spécimen humain extra lucide. Un rayon vert happa Casimir et il fut emporté dans une ville plutonienne, plus précisément sur un des cinq satellites de la planète, le satellite Charon. Ici le prodige fut reconnu à la hauteur de son talent. Alors que son physique provoquait le dégoût sur Terre, sur Pluton il incarnait le summum des critères esthétiques. Il comprit alors pourquoi sa mère lui disait qu'il était si beau, sa mère était Plutonienne elle aussi ! Elle avait du échouée sur Terre par quelque comète. Voilà également pourquoi il était si éclairé ! Il était de race mêlée, terrienne et extra terrestre ! Les plutoniens lui expliquèrent la raison de sa capture : cela faisait plusieurs centaines d'années qu'ils cherchaient l'être capable de comprendre le Principe. La connaissance du Principe passait par plusieurs épreuves où tous, y compris les meilleurs, depuis des milliers de générations de toutes les races de l'univers, avaient échoués. Personne n'en était jamais revenu. Ces épreuves se déroulaient dans le Temple, situé dans Pluton même, dans le Grand Désert. Une grotte y menait. Mais on y emmena pas Casimir tout de suite. Il fallait l'entraîner. Casimir intégra donc l'académie des guerriers. Il fit ses classes à un rythme inouï. C'est d'ailleurs lui, à l'âge de 17 ans, qui mena avec un succès éclatant la flotte plutonienne à l'assaut des rebelles neptuniens. Malgré son ardeur au combat il savait se montrer magnanime et empêcha plusieurs massacres de population civile, dont nombre de femmes et d'enfants. A 20 ans il montrait une parfaite maîtrise des pouvoirs télékinétiques et de téléportation. A 22 ans, l'âge obligatoire du mariage à Pluton, il épousa la fille de l'empereur, une jeune bossue avec un sourire disgracieux, qui passait pour la plus belle fille de l'univers, à qui il fit des enfants dont nous reparlerons dans des chroniques ultérieures. Pour donner une anecdote au passage, mais qui à son importance, les historiens de l'univers retinrent également de lui qu'il introduisit le jeu d'échec comme jeu de la cour royale, dont il resta le champion invaincu. A 25 ans, alors que la célèbre guerre inter galactique faisait rage on le nomma Diplomate en chef, sur les ordres mêmes des plus hautes instances politiques. Il usa de son intelligence pour établir un traité de paix à la grande faveur de sa planète d'accueil. Après le traité Il fut nommé Grand Arbitre de l'Ensemble Politique. On estima alors qu'il était prêt. Il fut mené devant la grotte et on le déshabilla. Il entra nu avec sa démarche boitillante de bossu. Il dut ouvrir une porte extrêmement lourde et il fut dans la première pièce. Devant lui se trouvait un de ses camarades de classe. Le gamin jeta une pierre qui ouvrit l'arcade sourcilière de Casimir. Le sang giclait abondamment et Casimir ne voyait plus qu'un grand flot rouge devant ses yeux. Il continuait à avancer vers l'enfant pour le saisir mais celui ci s'échappa de son étreinte comme si il était fait de vent. Il entendit un rire léger et la porte de la deuxième salle s'ouvrit. Le sang s'arrêta de couler et le bossu entra dans la deuxième salle. Devant lui se trouvait une tombe, sur cette tombe il y avait la sculpture colossale d'un homme portant épée et bouclier. Cette sculpture s'anima et asséna un grand coup d'épée sur l'épaule de Casimir si bien qu'elle lui trancha le bras gauche. Le sang gicla à nouveau, par grand flots. Le bossu se sentit chavirer mais utilisa ses pouvoirs mentaux extra ordinaires pour retrouver ses esprits. De son bras droit il donna un coup de poing si fort qu'il brisa la pierre constituant la statue. Casimir chavirait mais il fallait aller de l'avant. Dans la troisième chambre se trouvait un gigantesque sexe de femme. Casimir entra dans l'orifice qui semblait fait comme de ce caoutchouc terrestre. Ses pas faisaient résonner les parois et il entendait des échos. Ces échos parlaient dans la langue qu'on appelle le français, sa langue natale, chérie et connue de toutes les planètes, le bossu entendait : "Vivre, mourir, Vivre, mourir...". Au bout du chemin se trouvait une grande lumière magnifique, éclatante, et Casimir se retrouva sur une plage devant l'Océan. Il y avait quelques rochers, des coquillages parsemaient le sol. Il en prit un pour, comme il le faisait lors des vacances scolaires, écouter le bruit de la mer. Mais dans ce coquillage se trouvait une créature qui lui coupa violemment l'oreille gauche. L'oreille du bossu tomba sur le sable, en même temps que le sang. Le sable absorba le sang d'une belle couleur rouge, telle que peu de peintres, même les plus raffinés de Jupiter, sont capables de reproduire. Casimir marcha longtemps sur cette plage, il avait soif, mais il continuait, il avait connu encore plus difficile durant son entraînement intensif sur Mars, où il devait courir sur plusieurs milliers de kilomètres avec une charge de quelques tonnes sous une température d'en moyenne -65 degrés. Enfin, il vit au loin une grande structure. Il était au bout de son parcours, devant le Temple dans le Temple. Il n'y avait qu'une seule salle, elle était de petite dimension. Au centre se trouvait une fontaine qui faisait couler un liquide dont Casimir ne pouvait percevoir la couleur. Il avait soif et chaud, il tendit la main pour sentir le liquide et le boire. Il versa dans sa bouche un peu de cet eau. Ses sens se mirent à éclater et c'est comme si le reste de son corps s'éclatait. C'était le Principe. C'est que si l'on considère le monde selon notre capacité à le percevoir, nous pouvons parfaitement concevoir qu'il y a des choses que l'on ne peut percevoir. Casimir développait un nouvel organe pour apprécier l'univers dans son ensemble. Le Principe fil de lui un flux cosmique qui fit trembler quelqu'un ou quelque chose, personne ne sait comment vraiment on l'appelle ou le caractériser. Ce quelqu'un ou quelque chose fumait une cigarette en buvant une bière. Lui qui ne s'étonnait de rien, fit pour, depuis une éternité, un petit mouvement de sourcil et se mit à sourire, comme si on lui demandait de jouer à un jeu qui aurait enfin de l'intérêt. Ce quelqu'un ou quelque chose se leva pour aller uriner dans ses toilettes, il tira la chasse dont l'eau alla directement irriguer les grands fleuves: le Nil, le Tigre, le Mississippi, l'Amazone, le Yangzi Jyang... Il allait retourner s'asseoir quand il vit que sur son jeu d'échec une pièce s'était déplacée. Pourtant il n'avait invité personne depuis bien longtemps, peut-être un ami une fois ou deux, il y quelques milliers d'années, mais non il n'avait commencé de partie avec personne. Il se remit à sourire. Peut-être que cette fois, ça allait vraiment en valoir la peine...