Cérémonie

par zeio, dimanche 30 août 2015, 05:08 (il y a 3376 jours)

Je t’invoque comme je le peux. Entre deux averses. Entre les
désordres variés. Perclus parmi les simulacres. Les machines
énormes qui régissent nos journées. Dans les écrans tactiles qui
ne servent à rien. Ils ont fait de ma langue. Une langue
étrangère. Ils ont fait de ma terre natale. Un carré de sucre.
Un rouge à lèvres morose. Je t’invoque avec ma gueule écrasée.
Avec les mots qu’ils m’ont laissé. Quelques miettes resquillées
sur la nappe. Après les repas de famille. Après les discours
absurdes. Après dieu le père mort-né. Ces mots ils voudraient
dire merci. Tellement que j’en ai la gorge ramassée sur elle-même.
Rendue au silence. Aux comptoirs surélevés. Avant de
naître parait-il. J’ai fait mon lit sur la nappe de pétrole.
Pour monter au ciel. Avec plus de facilités. Avec plus
d’étrangetés. Avec les singes. Pour l’inconnue. Derrière sa
fenêtre. Pour savoir ce que c’est. La ville vue d’en haut. Qui
tourne au ralenti. Je t’invoque comme je le peux. Avec toutes nos
faiblesses. Fragments épars récoltés. Trouvés dans les rigoles.
Dans les broussailles de la mémoire. Comme dans un rêve. Comme
une attente. Qui prendrait la forme d’une conquête. Comme une
pilule fondue dans la terre.

Cérémonie

par quatre sans onze, dimanche 30 août 2015, 16:53 (il y a 3375 jours) @ zeio

J'aime beaucoup, vraiment, ça m'évoque tant que je pense faire une version musicale de ce poème, si cela ne te dérange pas. En fait... c'est les points. Au début, je le reconnais, ils m'ont gêné, puis, je me suis rendu compte qu'au lieu de clore, de faire leur point quoi, ils ouvraient sur autre chose. Du coup c'est au lecteur de "rompre" ces points pour s'inventer un rythme, un balancement, une musicalité.

D'où l'envie, pour moi, d’interpréter ce texte avec un certain balancement.

J'y reviendrai

Peace

Cérémonie

par zeio, lundi 31 août 2015, 00:37 (il y a 3375 jours) @ quatre sans onze

Merci Pierre.
En fait, les points sont là pour coller au mieux au rythme des mots en grappes, tel que l'inspiration les expectore, ce soir là en tous les cas. Ça pourrait être des retours à la ligne mais pour des raisons que je ne m'explique pas tout à fait il est souvent plus facile pour moi d'écrire de cette façon. Les retours à la ligne ça intimide. Comme un amoncellement de retours à la case départ, un cortège de décrochages. Il y a l'aspect bloc aussi qui apparaît dans mon logiciel qui imite une machine à écrire — le logiciel est un rectangle blanc et rien d'autre. Souvent je me dis qu'il est préférable d'écrire un poème en bloc lequel par la suite si besoin on peut découper en tranches, en lignes succinctes. C'est la grande difficulté de l'écriture en ce qui me concerne (car je ne suis pas né pour écrire, celle-ci m'est considérablement difficile) tordre son esprit ainsi que le médium pour que les deux se synchronisent d'une certaine façon se combinent de manière idéale afin que le flux de l'inspiration puisse s'exprimer à un régime qui ne soit ni l'incontinence inconsistante de l'automatisme ni le vrombissement lent d'une machine inertielle qui hoquette à chaque tournure. C'est à mes yeux la difficulté numéro 1 bien plus que l'imagination ou la trouvaille du sujet c'est l'écoulement le plus difficile c'est certain, le paradoxe de faire d'une machine intriquée et chargée de mécanismes complexes un instrument à la solde d'une fluidité dansante, légère et fertile. L'effort à faire pour l'acquérir est considérable et malheureusement en ce qui me concerne il ne dure pas longtemps (pas plus qu'une transe ne dure longtemps - l'écriture n'est-elle pas l'apprentissage d'une transe) et fini presque toujours par s'épuiser à un moment ou à un autre, dès lors je dois retourner chercher d'autres instruments puisque les instruments d'hier ne fonctionnent plus. Alors je passe le plus clair de mon temps à chercher les instruments qui me permettraient de m'exprimer, comme un coureur absurde qui se doit chaque matin de partir à la recherche de ses jambes pour se donner une chance d'emprunter au moins la piste de course, si par chance il fait beau aujourd'hui et que la pluie n'a pas détrempée la surface. J'aimerais moi aussi être un coureur de fond mais hélas (?) ma condition ne me le permet pas, quand ce ne sont pas les instruments qui sont tombés de mes mains, c'est la contradiction interne qui obture le chemin et qui se refuse à laisser émerger une phrase qui me serait trop étrangère. Du reste, au-delà de ces histoires de salles des moteurs, c'est bien la seule recherche qui compte, n'est-ce pas, c'est la recherche qui est belle, comme un voyage.

Bien sûr, si tu le souhaites tu peux reprendre ce texte pour en faire une version musicale, j'en serais sincèrement touché.

À bientôt

Cérémonie

par julienb @, dimanche 06 septembre 2015, 23:08 (il y a 3368 jours) @ zeio

Oui, c'est très beau, et j'ai la même remarque à faire que 411. Je me suis d'abord dit que j'aurais mis des virgules à la place des points et puis... faut voir. Un peu longues tes explications après coup, quand même.